Une économie à nous

Et la pauvreté n'est pas le seul paramètre exclu de leurs calculs savants: les grands oubliés des indicateurs de performance économique sont l'état de la biodiversité, de l'environnement, le coût des ressources naturelles, le bien-être des populations, le niveau de partage des richesses ou encore le développement équitable des territoires. (p 33)

Cette série d'articles a ceci d'intéressant qu'elle nous éclaire sur les mécaniques de succession dans ces entreprises qui structurent l'économie en France et dans le monde, et qui se font non seulement par hérédité, mais aussi et surtout des pères vers les fils. Chacune de ces familles a vu naître des filles. (...) Liliane Bettencourt , la défunte héritière et première actionnaire du groupe l'Oréal, aurait-elle eu cette place si elle n'avait pas été fille unique ?

Les auteurs expliquent cela par une différence genrée dans la relation au risque (qui peut nous faire penser à l'étude de John Coates sur la testostérone d'ailleurs) : les pays dirigés par des femmes ont confiné plus tôt, dans des situations où moins de cas de covid étaient identifiés, car elles ont tendance à refuser de prendre des risques lorsque des vies sont directement en jeu, même si cela peut être perçu comme mauvais pour l'économie du pays.

Ainsi, de la même manière que la crise écologique prend sa source dans la rapport de domination que les êtres humains ont institué sur la nature, et ce depuis Descartes, les inégalités doivent être comprises selon ce prisme de l'exploitation et de la domination.

Le citoyen n'est aujourd'hui qu'un spectateur de l'économie, qui se déploie sous ses yeux sans qu'il ait forcément de prise sur les évènements. Et pourtant, lorsqu'il vote, il est censé comprendre les programmes politiques très centrés sur les questions économiques et maîtriser les tenants et les aboutissants des décisions qu'il prend ou qu'il fait prendre à ses représentants.

Aujourd'hui, les entreprises et les consommateurs paient chaque fois qu'ils participent à l'économie. (...) On peut aussi penser aux droits de consommation sur le tabac par exemple, alloués en majorité à l'Assurance Maladie, l'esprit étant que la consommation de cigarettes a un impact sur la santé publique. On voit ici que la politique d'imposition peut servir à orienter la consommation et que les pouvoirs publics ne s'en privent d'ailleurs pas.
Alors pourquoi ne pas utiliser ces leviers fiscaux pour s'assurer que le taux de chômage baisse, que le niveau de vie des individus augmente, que nos émissions de CO2 diminuent ou encore que nous préservons la biodiversité ?

Günther Anders parlait de la perte de responsabilité et d'incarnation de nos actions que créé notre monde où tout est devenu complexe et opaque.

Je dirais que les marchés financiers fonctionnent un peu comme des sites de rencontre et que les indicateurs financiers et le PIB sont des sortes de filtres qui améliorent l'image qu'on se fait de telle entreprise ou tel Etat. En clair, sur le Tinder de la dette publique, il faut renvoyer l'image d'un Etat dont le PIB augmente et qui fait tout pour que cela continue. Pourtant, on a très bien vu avec la crise sanitaire que la stabilité d'un Etat en période de crise n'est pas nécessairement fonction de son PIB.

La révolution industrielle et une croissance économique régulière, au grè des vagues d'innovation et des évènements historiques, transformant en profondeur nos sociétés et nos économies. La réalité, c'est que jamais autant d'humains n'ont vécu si longtemps, mangé à leur faim, eu accès à des conditions décentes de vie et à des soins de qualité. Pendant deux siècles, la croissance du PIB a été synonyme de progrès - sans avoir pris conscience de la destruction d'une partie de son environnement - et c'est donc tout naturellement que des indicateurs quantitatifs, permettant de la mesurer, se sont imposés.

Et pourtant ! En ce début de XXI° siècle, le lien entre croissance économique et bien-être humain s'est amoindri, atténué, nous imposant de tout repenser pour retrouver une vraie notion de progrès.