"Il enroule la corde dans mes cheveux, la replie en deux entre mes dents et ramène mon visage en arrière, mors entre mes molaires, crinière maintenue. Je suis maintenant petit poney docile. Son poney qu’il travaille, dresse. Contraint, cajole et monte de sa queue bandante. Il prend encore des photos, en m’obligeant à relever les yeux vers lui. Sur ces images, on voit que je le défie. Du moins, on y devine une altération dans l’attente. Quand il se redresse, et tourne autour de moi, je ne vois plus que ses chaussures noires, brillantes, qui passent et repassent devant moi... et je comprends que quelque chose a changé dans la façon dont j’appréhende la suite. La confiance a pris le pas sur la peur. L’envie prédomine sur l’attente. Il s’accroupit devant mon visage, me fait tirer la langue. Pose un des jeux de baguettes chinoises sur ma langue et serre. En souriant, il caresse ma langue entre deux doigts."
- Est-ce que vous l'aimez encore ?
- Je l'aimerai toujours. On aime toujours les gens qui ont compté.
Il sait ce que je ressens avec une acuité douloureuse, flamboyante entre ses bras.
Deux doigts qui se touchent, c'est peu. Mais c'est le petit détail qui éclaire tout le reste.
Est-ce qu'il va m'aimer quand je n'aurai plus aucun rempart de tissu ?
J'aime l'idée que tu sois totalement libre, mais que j'occupe une petite partie de ton esprit quand même.
J'ai eu envie de fuir. Loin de lui. Non parce que je ne le voulais pas ; parce que je le voulais trop.
M'a-t-il vue tout de suite ? Moi, je l'ai vu tout de suite. De loin.
C'est précisément quand on ne cherche plus rien que ce rien se matérialise et peut devenir tout.
"— J’ai longtemps aimé nager. J’aimerais recommencer. Retourner nager dans l’océan... J’aimerais être plus souvent seule, je veux dire, vraiment seule. Je ne le suis jamais. Ce n’est pas que je me sente coincée, mais... Je crois que...
Delphine s’arrête un instant, le regard perdu, comme si elle avançait sur une place déserte, dont les lampadaires s’allument les uns après les autres.
— ... J’en veux à Antoine parce qu’il a quelque chose qui lui appartient, quelque chose qui le transcende et dont je suis privée.
— Qu’est-ce qui vous empêche de trouver vous aussi ce quelque chose ? Je ne vous dis pas de prendre un amant, ça ne sert à rien de se forcer si on n’en a pas vraiment envie... Vous me parliez de l’océan... Qu’est-ce qui vous oblige à rentrer dormir chez vous ce soir ? Vous pourriez prendre votre voiture et passer la nuit sur la côte."