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Critique de pompimpon


"Un enfant perdu remplit le désert…"

On attend le courrier France-Amérique.
Il a décollé de Toulouse à 5h45, il a passé Alicante à 11h10, il doit se poser au Cap Juby à 21h30 pour une escale mais voilà, plus de nouvelle.

Antoine de Saint-Exupéry raconte : "Un moteur grondait quelque part. de Toulouse jusqu'au Sénégal, on cherchait à l'entendre."

A Cap Juby, un homme guette l'avion du courrier parce que c'est son travail, mais il attend surtout le pilote, Jacques Bernis, parce qu'il est son ami.
Son ami d'enfance.

Antoine de Saint-Exupéry raconte : "Dès ta première permission tu m'avais entraîné vers le collège : du Sahara, Bernis, où j'attends ton passage, je me souviens avec mélancolie de cette visite à notre enfance."

Antoine de Saint-Exupéry raconte…

Et dès ce premier roman, il est déjà tout entier à nouer d'une phrase à l'autre des mots simples en apparence mais qui ont une telle puissance d'évocation, pour nous dire cette amitié, la petite fée Geneviève qui a illuminé leurs treize ans, le coeur blessé de Bernis, et cette passion du vol, de ce qui se déroule dans la carlingue, du bruit que l'on surprend, soupape, moteur, niveaux…

Il raconte : "Le chef de piste fait demi-tour vers les manoeuvres :
"Qui a goupillé ce capot ?
- Moi.
- Vingt francs d'amende."
Le métier est dangereux, les avions peu fiables malgré tous les efforts des aviateurs et des mécaniciens.
Dangereux aussi ces déserts survolés, où le crash n'est jamais loin.
Le taire aurait été d'une coquetterie qui ne lui ressemble pas, Saint-Exupéry le dit donc en quelques mots.

Mais l'essentiel, c'est voler.

Et c'est une passion que partagent les deux amis, dont Saint-Exupéry parle avec bonheur, détaillant ce qui est vu de là-haut, ce que ressent le pilote, sans oublier les petits agacements, les gênes : "Attentif à l'indicateur de pente, à l'altimètre, il se laissa descendre pour se dégager du nuage. La faible rougeur d'une ampoule l'éblouissait : il l'éteignit."

Qu'il évoque la solitude dans la brume, les vols rasants pour se repérer, l'amitié des deux hommes, l'aventure de l'Aéropostale, le Sahara ou le malentendu d'une histoire qui ne peut être d'amour, les mots touchent juste.
Ils avancent tout droit, nets, laissent dans l'ombre ce qui n'a pas besoin de lumière, mais ramènent aussi à la vie de précieux moments, dont on sent l'importance qu'ils ont eue pour l'écrivain qui les a glissés dans ces pages.

Quant à cette attente qui distille son anxiété dans tout l'ouvrage, Saint-Exupéry nous la fait sentir de l'intérieur, allant de la préoccupation d'un appel à l'escale précédente qui n'aboutit pas, à ces souhaits qu'on fait lorsqu'on veut repousser l'inéluctable.
Cette façon qu'il a de dire "Mon Camarade…"

"Le fil de la vierge de mon amitié te liait à peine : berger infidèle, j'ai dû m'endormir."

Et le claquement des derniers mots comme un cristal qui se brise au sol nous laisse un peu blessés nous aussi de la blessure de l'auteur.
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