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Critique de berni_29


« L'avion n'est pas un but : c'est un outil. Un outil comme la charrue. » On pourrait résumer Terre des hommes à cette seule citation que j'ai trouvée très belle, puisée dans le magnifique texte d'Antoine de Saint-Exupéry. Je pourrais vous en citer plein d'autres comme celle-ci...
Je ne sais pas pourquoi, on fantasme sans arrêt sur le Petit Prince. Mais après avoir lu Terre des hommes, je m'aperçois que ce texte-ci est bien plus beau, bien plus inspirant. Tout est déjà dit ici, c'est sans doute un récit fondateur qui amena l'auteur à proposer plus tard un récit plus accessible, universel, sous la forme d'un conte, pour lequel il puisa tout ce qui fut posé avec merveille ici.
Terre des hommes est un livre exigeant, il n'est peut-être pas d'un premier accès facile, c'est un peu comme un vol de nuit avec une approche difficile du paysage entre ciel et terre.
Terre des hommes, c'est aussi pour moi un livre difficile à qualifier, entre le journal de bord d'un aviateur, un récit romanesque et poétique, un texte philosophique qui tente de situer l'Homme entre égarement et fraternité, perdu, ballotté dans un monde immense, parfois hostile, plus grand que lui.
Oui, plus grand que lui, tout est plus grand que lui ici, le ciel, le désert, l'horizon, la destinée, les yeux d'un Maure insoumis...
Ma lecture fut guidée comme les feux que l'on dresse le long de la piste d'atterrissage et qui permet de guider un avion dans l'approche de sa descente.
C'est un livre traversé de lumières. On y découvre aussi une passion où ces hommes ne faisaient qu'un avec leurs machines.
Tout d'abord il y a la lumière du désert. Désert de sables et de mirages. Et puis la lumière qu'on ne sait pas décrire, du moins avec les mêmes mots, mais Saint Ex sait le faire, avec ses mots, ses images qui nous foudroient. La lumière de l'humanité, petite et grandiose à la fois.
Ici l'auteur nous offre sa vision de la vie, de l'humanité. Sa vocation d'aviateur l'y aide, l'inspire, on y découvre à foison de très belles allégories. Savoir prendre la distance avec le monde, l'observer d'un pas de côté avec l'altitude, les airs, le ciel qui porte les rêves d'un aventurier comme un ami...
L'amour du ciel, des envols, des espaces aériens...
Ici l'esprit d'équipe, la solidarité, la compassion parfois pour les plus faibles, prévalent. C'est la nature humaine qui guide Saint Ex dans son avion, et non l'horizon, et non les étoiles, et non les cartes, et non les fanaux... du moins, c'est cela qui l'aide dans la tourmente du ciel, quand le ciel se réveille, imprévu et est capable de jeter un avion aussi fragile qu'un fétu de paille contre l'immensité du vide. C'est cela qui l'aide aussi lorsqu'il revient à la vie...
Un vol, et plus particulièrement un vol de nuit, perdu parmi cent mille étoiles, c'est la souveraineté de quelques heures, nous dit l'écrivain. Comment ne pas apprécier alors ce que l'aube restitue après l'atterrissage ? Les contours du quotidien se redessine d'une toute autre manière, un arbre dans un square, les fleurs autour, les rires des enfants, la musique des petites choses, le visage d'une femme aimée qui, durant les heures de ce vol, peut-être avait peur, priait, ou espérait simplement, comme abandonnée en bas sur la terre ferme au sort d'une veuve possible... le monde redevient neuf après chaque vol, rendu à l'aube... Et le dire, le penser, l'écrire prolonge le voyage.
Comment ne pas devenir philosophe lorsqu'on conquiert le ciel pour la première fois, avec à chaque fois l'incertitude de ne pas revenir vivant du périple ?
C'est un texte minéral traversé par les nuits.
À cette époque, être aviateur était une forme de dissidence. Certains n'en revenaient pas. Saint Ex perdit ainsi de nombreux amis, comme Jean Mermoz par exemple, ou Henri Guillaumet à qui ce livre est dédié.
Et puis, au milieu du récit, comme un oasis il y a ce formidable chapitre - Au coeur du désert, cinq jours d'angoisse dans le désert de Libye après le crash de son avion, avec la menace de mourir de soif.
Perdu dans le désert, parfois on croit apercevoir au loin la mer ou l'ombre d'un lac, avec le ciel qui s'y penche comme un arbre. C'est un peu comme dans nos vies, non ?
Magique, onirique, porté par les nuages... J'ai adoré découvrir ici Saint-Exupéry en homme de l'air, homme de sable, homme de lettres, homme de l'être.
La fragilité de ce texte nous rappelle qu'un jour Saint Ex ne revint pas d'un dernier vol au-dessus de la Méditerranée...
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