AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SerialLecteurNyctalope


« La littérature industrielle est arrivée à supprimer la critique et à occuper la place à peu près sans contradiction et comme si elle existait seule. »

Que penserait Charles-Augustin Sainte-Beuve de la littérature d'aujourd'hui ?
Il y a de fortes chances qu'il ne bougeasse pas d'un iota. Comment un sénateur du second empire avait pu déjà en 1839, décrire ce que serait la littérature de 2022 ? Peut-être que notre littérature et le monde éditorial n'a pas évolué depuis ce temps-là tout simplement. Si Sainte-Beuve critiquait ardemment Balzac, Proust critiquait le critique qu'était Sainte-Beuve. Avec sa méthode révolutionnaire d'une critique intentionnelle et personnelle d'un auteur, il n'en reste pas moins qu'il est devenu critique par échec de sa production littéraire. Ceci n'étant pas un cours de littérature, entrons dans le coeur du sujet : la bonne et la mauvaise littérature si tant est que cette différence soit plausible.

Selon Sainte-Beuve, la littérature industrielle a de tout temps existé notamment par le biais que tout auteur aimerait vivre de sa plume. Peut-on encore envisager la littérature devenue commerce, de manière bénévole et désintéressée ? Parfois. Mais pas éternellement. L'intention des auteurs est dénoncée, elle qui se « mêle avec
une passion effrénée de la gloire ou plutôt
de la célébrité; de s'amalgamer intimement
avec l'orgueil littéraire, de se donner à lui
pour mesure et de le prendre pour mesure
lui-même dans l'émulation de leurs exigences accumulées ». Sainte-Beuve martèle l'importance d'une indépendance et la prétention surannée des auteurs quant à leur ouvrage.

« Le démon de la propriété littéraire
monte les têtes et paraît constituer chez
quelques-uns une vraie maladie pindarique,
une danse de saint Guy curieuse à décrire.
Chacun s'exagérant son importance, se
met à évaluer son propre génie en sommes
rondes; le jet de chaque orgueil retombe
en pluie d'or. »

Un livre qui rejoint à posteriori le débat précédent de la possibilité de critiquer un livre aujourd'hui.

« La connivence éteint tout cri d'alarme ».

C'est ainsi que Sainte-Beuve s'attaque de manière frontale aux organes de presse et aux journalistes dès 1839 et aurait sûrement abhorrer certains blogueurs actuels. L'auteur s'attendait à ce que n'importe qui puisse se faire éditer ou éditer soi-même marquant la fin d'une sélection drastique de ceux qui étaient en droit de l'être. Pour lui, tout individu ayant accès à l'écriture ou l'édition d'un livre venait clore la qualité de ce dernier. Puis vint le temps de la surproduction littéraire qui tue la spécificité d'une grande oeuvre. Si tout le monde peut se considérer homme de lettres, s'en gargariser devient vite un épiphénomène qui s'inverse. Avec vigueur et lucidité sur un monde qui l'entoure, déjà gangrené à l'époque, ce court texte vient percuter l'esprit d'un lecteur éberlué de constater que rien n'a changé.

« Maintenant, quand on lit dans un
grand journal l'éloge d'un livre, et quand
le nom du critique n'offre pas une garantie absolue, on n'est jamais très sûr que
le libraire ou même l'auteur (si par grand
hasard l'auteur est riche) n'y trempent pas
un peu. »
Lien : https://www.instagram.com/se..
Commenter  J’apprécie          40



Ont apprécié cette critique (4)voir plus




{* *}