Angèle est donc seule comme elle l'est dans la vie, dans la ville, depuis tant d'années. Son isolement dans cette fausse forteresse lui offre un sentiment de liberté absolue, dont elle ne fait rien de spécial mais qui lui ouvre des possibilités d'escapades minuscules.
Kanou perçoit les premiers bruits de la maison: les gamelles qui claquent, l'eau qui coule, celle qui bout en sifflant. Il reconnait, un peu plus sourds, le refrain monotone des vendeurs de rue et les klaxons des rickshaws. Bientot les odeurs de la cuisine fendront le plancher,idlis, sambar,tchai.La voix douce de la vieille servante, Ahmma commencera à fredonner une comptine. Ahma, le fantome enchantè de cette maison, le parfum de la cardamone annonce toujours ses apparitions.
Les flammes s'élevaient déjà moins haut quand le camion s’enfuit., dans le silence retrouvé et dans la nuit.
Les vaches, sacrées et nonchalantes, traînaient le pas pour aller dormir ailleurs, secouant la tête comme pour chasser un mauvais rêve.
La culpabilité gagne toujours la dernière manche.
Partir décidés, c'est partir presque libres.
Elle n’avait plus l’âge de l’insolence, elle allait payer le prix fort : une solitude de plomb et une vie au ralenti. Elle était partie, revenue chez elle, là où elle se sentait une étrangère.
Rien ne change et c'est presque partout pareil, ceux qui osent la différence doivent être solides.
Cette opulence criante est une richesse triste.
« Sa chambre est posée sur le toit. Il suit les murs, comme le ferait une araignée, de son lit à la petite table de travail en rotin. Au milieu du tapis, Le Petit Prince est encore ouvert à la page du renard. Une porte donne sur un escalier extérieur qui descend vers sa famille, une autre, sur la terrasse. Kanou longe les dalles entourées de plantes et de fleurs, ce circuit de visions familières calme sa respiration. (…) Alors qu'il ne parvient toujours pas à se décider à bouger, Kanou perçoit les premiers bruits de la maison : les gamelles qui claquent, l'eau qui coule et celle qui bout en sifflant. Il reconnaît, un peu plus sourds, le refrain monotone des vendeurs de rue et les klaxons des rickshaws. Bientôt les odeurs de la cuisine fendront le plancher, idlis, sambar, tchaï. La voix douce de la vieille servante, Ahmma, le fantôme enchanté de cette maison, le parfum de la cardamome annonce toujours ses apparitions. Ahmma, celle qui tient toute son enfance dans sa main. Il a envie de la retrouver pour oublier ce réveil pénible. Kanou compte jusqu'à dix pour trouver le courage d'arracher son corps frêle à la moiteur des draps. Un, deux, trois... Il doit absolument gagner la fraîcheur du bas avant que sa chambre devienne un four. Sept, huit, neuf... Il a parfois cette impression inquiétante qu'il pourrait commencer à se consumer. »
Preeta découvrait la musique classique occidentale depuis peu, son mari était très doué pour la guider, délicatement. Elle riait parfois de gêne, cela la bouleversait un peu trop à son goût, mais ce soir là, il lui avait été doux de laisser filer quelques larmes d'émotion. Ils pensaient tous deux qu'il n'était finalement pas si compliqué de vivre en double territoire de culture, une touche par-ci, un soupçon par-là un millefeuille riche, une broderie de patchwork, minutieuse et fine. Il suffisait donc que le tissu commun ne soit pas le terrain d'une lutte de pouvoirs, c'était si simple.