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Critique de Bookycooky


« Un mardi de juillet ou d'août 1994, Teresa, ma mère, est partie camper », traduction, Teresa a quitté la maison pour de bon. le narrateur est son fils de dix ans qui se retrouve seul avec une soeur ado, qui pour lui fait office de plante d'appartement et un père dans une fonction similaire. Lui reste son passe-temps favori, les origamis, et le bouquin d'origamis que lui a offert Teresa. L'origami lui sera une école de solitude : “il m'a appris à passer de nombreuses heures en silence.” Vingt trois ans après il s'en souvient.....Nous sommes dans la banlieue de Mexico City, dans une famille de la classe moyenne.

Entre dérision et compassion, on va rentrer dans le petit monde peuplé de rêves de ce garçon solitaire, qui regarde et juge sa famille et les événements de l'été 1994, tournant crucial dans sa vie , à travers les souvenirs de l'adulte qu'il est devenu vingt trois ans plus tard . L'innocence du gamin croise le regard ironique de l'adulte, un père incapable d'empathie et qui prend toutes les décisions en fonction de ses propres sentiments et besoins, une soeur en pleine crise d'adolescence dans toute son immaturité qui ne pense qu'à s'éclater , et entre les deux lui qui arrive à surfer entre rêves, fantasmes, peurs, envies, sans perdre pied avec une lucidité incroyable pour son âge. Mais ne pas connaître la véritable raison du départ de Teresa, son incapacité à se rendre invisible malgré sa “capsule à luminosité zéro “ aux agents du mal de son imagination, et les origamis qui ne donnent sens à rien comme il l'espère , « parce que la symétrie n'était pas une condition du monde, mais une invention de l'entendement », le plonge dans des angoisses métaphysiques épisodiques . Sa désillusion d'adulte en est d'autant plus douloureux ,”De même que le pli, qui constitue le fondement de l'origami, repose sur une idée fausse, de même que le pli le plus intime de notre personnalité, le pli auquel nul n'accède, le pli de l'intimité – l'envers douloureux que nous cachons, que nous gardons comme une lettre secrète dans la table de nuit de notre vie ......est aussi une illusion d'optique, et en réalité nous n'avons pour toute essence que nos peurs, pour toute identité que nos frustrations, pour tout sens que nos sanglots dans la profonde nuit des temps.”

Une histoire poignante beaucoup plus profonde qu'elle n'en paraît, où l'ironie relève le tragique de la situation. A travers un procédé narratif courant , la voix d'un adulte de trente trois ans qui se souvient de son enfance, on croise le regard simple et lucide d'un gamin de dix ans, sans illusions. Chercher la vérité lui semble être une aventure veine dans un monde imparfait où les choix sont restreints et ne sont pas des vrais choix, et leurs conséquences pas celles que nous avons choisies en soupesant rationnellement la signification, mais celles entreprises dans la chaleur de l'instant.
Un livre introspectif brillant sur la mémoire et l'enfance , où la mémoire génère la fiction, que l'auteur considère comme une forme de la vérité (“Creo que la ficción es también una forma de la verdad”). Beaucoup beaucoup aimé et le conseille vivement !

« Les souvenirs sont des constructions qui conservent une relation ténue avec leur origine supposée, et chaque fois que nous nous rappelons quelque chose, ce souvenir est plus autonome, plus détaché du passé, comme si la corde qui le liait à la vie réelle était de plus en plus usée, jusqu'à ce qu'elle se rompe et que la mémoire se mette à courir, libre et débridée dans la rase campagne de l'esprit, comme une chèvre émancipée s'enfuit dans la montagne.......Écrire sur le passé, je m'en rends compte maintenant, c'est écrire vers l'intérieur, non vers l'extérieur : au lieu de continuer à raconter, il convient de préciser, d'éclaircir la scène en même temps qu'elle s'éclaircit dans ma mémoire. »

Un grand merci aux éditions Metailié et NetGalleyFrance pour l'envoi de ce livre.
#Plierbagage#NetGalleyFrance

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