AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de BazaR


Ce chouette space-opera a été écrit en 1966, une époque où l'on savait condenser en peu de pages une grande densité de réflexion, d'action et de divertissement.

Dans les galaxies connues, une guerre sans merci oppose l'Alliance aux Envahisseurs. Lors d'attentats au sein de l'Alliance, des messages ont été captés, employant ce que les autorités militaires estiment être un code : Babel17. Pour casser ce code, ces autorités demandent l'aide de Rydra Wong, poétesse, linguiste et accessoirement capitaine de vaisseau spatial. Il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que Babel17 est en fait une langue. Bien décidée à déchiffrer ce langage aux inquiétantes capacités, sentant là la clé de la victoire, elle se lance dans une quête intergalactique à la suite des indices qu'elle décèle.

La langue en tant qu'arme de guerre est le thème principal du récit. Je peux tenter de vous expliquer ce que j'ai compris de Babel17 (et c'est loin d'être limpide). Tout part de l'idée qu'un mot désignant un objet dans une langue peut contenir plus d'informations – tout en étant aussi concis – que dans une autre langue : par exemple « armchair » et « foxhole » en anglais sont plus signifiant que leurs équivalents français « fauteuil » et « terrier ». Delany extrapole le principe à l'extrême, en associant à chaque mot de Babel17 une masse d'informations qui nécessiterait des pages de description en français. En pensant dans cette langue, un individu a immédiatement accès à la compréhension et au contrôle d'un ensemble extraordinaire de données physiques et émotionnelles qui en font un Sherlock Holmes instinctif à la puissance dix. Penser en Babel17 est dangereux pour les adversaires de l'individu, mais aussi pour l'individu lui-même : il risque de perdre son humanité.

Thème central, le langage n'est pas tout dans ce récit foisonnant. L'habillage space-opera est superbe, en particulier l'odeur d'huile et de plasma que l'on sent dans les rues crépusculaires des astroports. Les stellaires – ces navigateurs des étoiles descendants des marins d'hier et d'aujourd‘hui, plus artistes que techniciens, devant « sentir » les courants et les vagues de stase sur lesquels les immenses vaisseaux se déplacent – sont suffisamment affectés par leurs voyages pour chercher à transformer leurs corps grâce à la cosméchirurgie, voire à se décorporiser. Ce ne sont pas des marginaux pour autant ; ils ne dénigrent pas la société et connaissent bien plus que les terrestres le sens des mot « aimer » et « vivre ». Ils sont touchants, et l'un de mes regrets est que le roman soit trop concis pour offrir à l'équipage de Rydra Wong la place qu'il mérite (c'est moi qui dit ça ?).
Bien sûr, le lecteur d'aujourd'hui devra passer outre les objets de technologie désuète comme les cabines téléphoniques ou les bandes magnétiques.

L'action n'est pas en reste. On assise à des attentats et des combats spatiaux dans lesquels Babel17 apporte une complexité tactique jouissive. Mais c'est cependant la déclinaison multiple de la difficulté de communication entre les êtres doués de conscience qui m'a le plus touché ; l'élément central étant l'étrange relation qui s'établit entre Rydra et le Boucher, cet homme qui ne connait pas le concept de « je ». le roman est un tantinet exigeant quand on n'est pas un spécialiste du langage, et le plaisir n'en est que plus grand.

Il s'agit d'une relecture qui m'a peut-être plus ravi que la première fois. Je souhaitais rafraichir le souvenir de ce récit avant d'attaquer « Les langages de Pao » de Jack Vance, dont le thème est proche. A propos des relations que SF et langage entretiennent j'ai trouvé sur le net cette petite bibliographie détaillée. Si cela vous intéresse…
http://www.cafardcosmique.com/SF-LANGAGE-la-SF-est-elle-douee

Commenter  J’apprécie          313



Ont apprécié cette critique (29)voir plus




{* *}