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Critique de Biblioroz


George Sand ressuscite la parole paysanne du vieil Étienne Depardieu qui, de part le récit de ses naïves aventures de jeunesse, meublait les veillées d'hiver à broyer le chanvre.

Il remonte au temps de sa communion, en 1770, là où les faits sont ancrés dans sa souvenance comme il dit. Il habitait non loin de sa petite cousine que l'on appelait la Brulette. Orpheline, elle vivait avec son grand-père et a été élevée par une brave femme qui louait une partie de la maison et qui avait un fils à peu près du même âge, Joseph.
Dans ce monde de paysans qui n'allaient point à l'école, les compagnons d'enfance étaient ceux rencontrés lors du catéchisme. Ces trois jeunes s'y voyaient donc jusqu'à leur communion.
Joseph était alors distrait, taciturne, frêle de constitution, sans aucune expression et toujours dans ses rêveries. Il goûtait peu l'enseignement disant que « les mots ne se mettent point en ordre dans ma souvenance ; je n'y peux rien. » La Brulette et Étienne se devaient de le protéger des railleries et bagarres des autres galopins.
Pendant ce temps, Étienne racontait à l'assemblée que sa tête partait dans des folletées d'amour pour sa belle cousine.
Tout ce petit monde grandit et arrive à l'âge des demandes en mariage et la Brulette, dansant la bourrée les dimanches, se faisait manger des yeux par beaucoup de prétendants. Mais elle se refuse, jouant un peu la coquette en enflammant les coeurs tout en attendant sagement que le sien palpite réellement pour s'engager vraiment.
Joseph, à la nuit tombée, se réfugie auprès du grand chêne de Nohant pour aller flûter des airs de musique qui le métamorphosent. Pas besoin de paroles, la musique dit tout et véhicule tout ce qu'il ne sait pas dire par des mots. Dès lors, son souhait est de devenir cornemuseux. Il décide alors de rejoindre le Bourbonnais, pays voisin de leur Berry, afin d'apprendre à sonner la musette pour rentrer dans la confrérie des maîtres sonneurs.
Se rajoutent alors à ce singulier trio, un jeune muletier et sa soeur, pour emmêler quelques fils amoureux qui viennent tisser leur toile au-dessus de ces cinq jeunes têtes.

Deux mondes si proches géographiquement et pourtant si dissemblables dans leur tempérament s'affrontent dans ce roman. le Berrichon apparaît ici comme l'homme attaché à sa terre, franc et aimant le confort de son chez-soi, alors que le Bourbonnais, homme des bois, se complait à vivre et respirer sous la feuillée des arbres, aime à vagabonder à travers les corporations nomades de muletiers et de bûcheux.
Même les sonneurs diffèrent dans leur art ; ceux de la plaine se contentent de jouer en reproduisant les anciens airs alors que ceux des forêts mettent toute leur passion dans leur musique.

Si ces veillées traînent parfois en longueur, elles sont tellement riches en expressions oubliées, en verbes inusités de nos jours, en adjectifs naïfs et délicieusement désuets qu'elles ont eu le mérite de me faire sourire tout au long de leur lecture. Qui dépeint aujourd'hui un physique avec « une clarté dans la figure » et « de la belle gaité dans le rire » ?
Le dépaysement temporel dans le XIXe siècle de George Sand est absolument permanent. Ce langage mais aussi tous les grands emportements d'honnêteté, de vertu, de complaisance, de confiance et de bon coeur semblent si loin de notre époque !
Enfin, jalousies et médisances avaient aussi leur place et il ne suffit pas d'exceller en musique pour musiquer à son aise et faire danser dans les noces des villages.

Toute l'évolution des ces jeunes, tant physique que caractérielle et amoureuse, est décrite minutieusement et celui qui semblait le plus éteint des cinq devient fougueux par l'amour de la musique.

C'est un joli roman pour garder en mémoire la musicalité des mots d'un autre temps sur fond sonore des cornemuses.

Challenge XIXe siècle 2020
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