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Un roman "pastoral" de 1853 dont l'action se situe dans les années 1770-80. Il s'agit des amours compliqués de cinq jeunes gens dont l'un connaîtra le destin tragique de l'artiste "maudit" (tel qu'il est issu de la pensée romantique plus tardive). On ne s'ennuie pas un instant dans ce récit et c'est bien là tout le génie de l'autrice qui nous enfile cependant les bons sentiments comme des perles (vertu, honneur, honnêteté, sens du sacrifice, religiosité...). Une prose riche et un vocabulaire du terroir savoureux. Une belle échappée sur la vie des ménétriers et des musiciens itinérants de l'Ancien Régime. Un excellent classique !
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De la lecture de ‘'François le Champi'' il y a longtemps, j'avais gardé le souvenir d'une histoire intéressante, mais prenant en cours de route une orientation fleur bleue un peu niaise qui la gâchait passablement. Cela ne m'avait pas donné plus que ça envie d'explorer Georges Sand, et j'en étais resté là jusqu'à ce que l'on m'offre ‘'les maitres sonneurs''.

Impressionnant contraste. On trouve un peu les mêmes ingrédients dans les deux romans : romance, observation d'un phénomène social rural, peinture de la vie paysanne. Mais l'assemblage qui m'avait paru maladroit dans les aventures du pauvre champi est ici impeccable comme une queue d'aronde. Les histoires d'amour sont adroitement menées, sans empiéter sur la trame de fond. L'analyse, si elle est poussée jusqu'à avoir une véritable dimension ethnologique, est bien dosée par touches au fil de l'histoire, sans s'imposer par gros pavés descriptifs indigestes.

Curieusement, le récit est à la première personne, et Georges Sand n'hésite pas – avec brio – à prendre la voix d'un homme. le jeune Tiennent nous raconte donc son amour pour sa belle cousine, Brulette, et l'amitié que celle-ci porte envers et contre tout à son frère de lait, Joseph. Rêveur, taciturne, ce dernier a mauvaise réputation. Il passe pour paresseux, renfrogné, voir à moitié idiot. C'est que dans cette tête s'agitent des idées qui ne sont pas celles d'un simple paysan ! Des musiques et des airs y virevoltent sans trêve, et son ambition n'est pas de se fixer à quelques arpents de terre. L'irruption d'un robuste muletier va bouleverser leur vie quotidienne. Il faut dire que les muletiers sont une caste à part, à la fois estimée et crainte, capable de faire souffler comme un vent de folie sur la vie paisible des paysans ! Peut-être l'occasion pour Joseph…

Bien entendu, cette lecture est déformée par notre prisme moderne, et les cent cinquante ans de littérature qui se sont accumulés depuis Georges Sand. Pour un intellectuel de l'époque, les romances paysannes de ‘'François le Champi'' ou ‘'la petite Fadette'' étaient d'une force et d'une nouveauté séduisante, alors que ‘'les maitres sonneurs'' paraissait probablement plat et sans caractère. Les temps changent, et avec eux les goûts.
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George Sand ressuscite la parole paysanne du vieil Étienne Depardieu qui, de part le récit de ses naïves aventures de jeunesse, meublait les veillées d'hiver à broyer le chanvre.

Il remonte au temps de sa communion, en 1770, là où les faits sont ancrés dans sa souvenance comme il dit. Il habitait non loin de sa petite cousine que l'on appelait la Brulette. Orpheline, elle vivait avec son grand-père et a été élevée par une brave femme qui louait une partie de la maison et qui avait un fils à peu près du même âge, Joseph.
Dans ce monde de paysans qui n'allaient point à l'école, les compagnons d'enfance étaient ceux rencontrés lors du catéchisme. Ces trois jeunes s'y voyaient donc jusqu'à leur communion.
Joseph était alors distrait, taciturne, frêle de constitution, sans aucune expression et toujours dans ses rêveries. Il goûtait peu l'enseignement disant que « les mots ne se mettent point en ordre dans ma souvenance ; je n'y peux rien. » La Brulette et Étienne se devaient de le protéger des railleries et bagarres des autres galopins.
Pendant ce temps, Étienne racontait à l'assemblée que sa tête partait dans des folletées d'amour pour sa belle cousine.
Tout ce petit monde grandit et arrive à l'âge des demandes en mariage et la Brulette, dansant la bourrée les dimanches, se faisait manger des yeux par beaucoup de prétendants. Mais elle se refuse, jouant un peu la coquette en enflammant les coeurs tout en attendant sagement que le sien palpite réellement pour s'engager vraiment.
Joseph, à la nuit tombée, se réfugie auprès du grand chêne de Nohant pour aller flûter des airs de musique qui le métamorphosent. Pas besoin de paroles, la musique dit tout et véhicule tout ce qu'il ne sait pas dire par des mots. Dès lors, son souhait est de devenir cornemuseux. Il décide alors de rejoindre le Bourbonnais, pays voisin de leur Berry, afin d'apprendre à sonner la musette pour rentrer dans la confrérie des maîtres sonneurs.
Se rajoutent alors à ce singulier trio, un jeune muletier et sa soeur, pour emmêler quelques fils amoureux qui viennent tisser leur toile au-dessus de ces cinq jeunes têtes.

Deux mondes si proches géographiquement et pourtant si dissemblables dans leur tempérament s'affrontent dans ce roman. le Berrichon apparaît ici comme l'homme attaché à sa terre, franc et aimant le confort de son chez-soi, alors que le Bourbonnais, homme des bois, se complait à vivre et respirer sous la feuillée des arbres, aime à vagabonder à travers les corporations nomades de muletiers et de bûcheux.
Même les sonneurs diffèrent dans leur art ; ceux de la plaine se contentent de jouer en reproduisant les anciens airs alors que ceux des forêts mettent toute leur passion dans leur musique.

Si ces veillées traînent parfois en longueur, elles sont tellement riches en expressions oubliées, en verbes inusités de nos jours, en adjectifs naïfs et délicieusement désuets qu'elles ont eu le mérite de me faire sourire tout au long de leur lecture. Qui dépeint aujourd'hui un physique avec « une clarté dans la figure » et « de la belle gaité dans le rire » ?
Le dépaysement temporel dans le XIXe siècle de George Sand est absolument permanent. Ce langage mais aussi tous les grands emportements d'honnêteté, de vertu, de complaisance, de confiance et de bon coeur semblent si loin de notre époque !
Enfin, jalousies et médisances avaient aussi leur place et il ne suffit pas d'exceller en musique pour musiquer à son aise et faire danser dans les noces des villages.

Toute l'évolution des ces jeunes, tant physique que caractérielle et amoureuse, est décrite minutieusement et celui qui semblait le plus éteint des cinq devient fougueux par l'amour de la musique.

C'est un joli roman pour garder en mémoire la musicalité des mots d'un autre temps sur fond sonore des cornemuses.

Challenge XIXe siècle 2020
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Quelle belle histoire que voici ! le plus beau roman de George Sand que j'ai lu jusqu'à présent.

On en parle souvent comme l'un de ses romans de terroir, et c'est effectivement ce qu'il est, mais il ne serait pas juste de s'en tenir là. Les maîtres sonneurs est tout à la fois un roman de deux terroirs, Berry et Bourbonnais, un roman sur la musique et une romance.

J'aime tout particulièrement me replonger au XVIII siècle français avec George Sand, qui emploie le patois berrichon et arrive particulièrement bien à rendre vie à ses paysans. Mais y replonger par le biais de corporations qui nous semble d'un autre âge a été particulièrement dépaysant et instructif.
La corporation des cornemuseux ne paraît pas bien sympathique au final, tout comme celle des muletiers. Elles sont cependant contrebalancées par les très beaux personnages qui sont au coeur de ce roman : Huriel est de loin mon préféré mais chacun est si bien caractérisé que tous laisseront leur marque dans mon esprit.

C'est un peu la bourrée des amours que nous joue George Sand, car ses personnages dansent, tournent et virevoltent et, si l'on sent bien où elle veut nous mener, le chemin n'en est pas moins passionnant de bout en bout.
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Un roman régional de Georges Sand que j'ai lu avec plaisir.
Deux univers, celui du Berry et ses paysans et celui du Bourbonnais avec ses forestiers et ses muletiers. Deux mondes différents donc vu à travers les amours de cinq jeunes et la passion de la cornemuse que partagent deux de ces jeunes gens.

Outre l'histoire, j'ai eu plusieurs sources de satisfaction. J'ai découvert non seulement la confrérie des sonneurs mais aussi celle des muletiers.

Le style m'a également séduite. Si ses paysans ne parlent pas patois, Sand a su intégrer la dimension régionale et campagnarde. Ce français courant agrémenté de mots du cru et de tournures particulières m'a tout de suite plu : “Et cependant, j'étais toujours jaloux de lui, parce que Brulette lui marquait toujours une attention qu'elle n'avait pour personne et qu'elle m'obligeait d'avoir aussi. Elle ne le taboulait plus et marquait de vouloir accepter son humeur telle que Dieu l'avait tournée, sans se fâcher ni s'inquiéter de rien.”

Malgré une foi très présente, un peu des croyances quasi de sorcellerie habitent aussi ce roman. “Ce n'était point seulement par ma grand-mère que je m'étais laissé conter que les gens qui ont la figure blanche, l'oeil vert, l'humeur triste et la parole difficile à comprendre, sont portés à s'accointer avec les mauvais esprits, et, en tout pays, les vieux arbres sont mal famés pour la hantise des sorciers et des autres.”

De plus j'ai trouvé dans les lignes suivantes un modèle de vie qui me semble tout à fait d'actualité. “...dansant vos bourrées traînantes dans des chambres ou dans des granges où l'on étouffe, vous faites, d'un jour de liesse et de repos, une pesanteur de plus sur vos estomacs et sur vos esprits ; et la semaine entière vous en paraît plus triste, plus longue et plus dure. Oui, Tiennet, voilà la vie que vous menez. Pour trop chérir vos aises, vous vous faites trop de besoins, et pour trop bien vivre, vous ne vivez pas.”
Le même personnage, un Bourbonnais, explique un peu plus loin ce qui lui semble être une vie riche. “Toujours sur pied, mangeant sur le pouce, buvant aux fontaines que je rencontre, et
dormant sous la feuillée du premier chêne venu, quand, par hasard, je trouve bonne table et bon vin à discrétion, c'est fête pour moi, ce n'est plus nécessité. Vivant souvent seul des semaines entières, la société d'un ami m'est tout un dimanche, et dans une heure de causette, je lui en dis plus que dans une journée de cabaret. Je jouis donc de tout, plus que vous autres, parce que je ne fais abus de rien.”

Enfin à l'encontre de certains romans qui mettent en scène des paysans à l'esprit lourd, ceux de Sand réfléchissent. “Dans les plaines, le bien et le mal se voient trop pour qu'on n'apprenne pas, de bonne heure, à se soumettre aux lois et à se conduire suivant la prudence. Dans les forêts, on sent qu'on peut échapper aux regards des hommes, et on ne s'en rapporte qu'au jugement de Dieu ou du diable, selon qu'on est bien ou mal intentionné.”

Je reviendrai donc à Georges Sand mais j'ignore si j'aurai la même impression d'oeuvre aboutie.

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Je crois que j'aurais été plus intéressée par le roman inverse de celui que je viens de lire : au lieu de lire les amours de jeunes gens sages, vertueux, bons chrétiens, ne connaissant pas le mal, au visage reflètant la bonté et la douceur de l'âme, j'aurais préféré lire un roman dont Joseph aurait été le héros. Joseph, le garçon qui grandit sans peur, celui qui est lent à comprendre, l'ébervigé c'est-à-dire l'étourdi, celui qui est malingre et jaune. George Sand croît en la vertu et en sa récompense, et présente des personnages simples mais bons, les autres, ceux qui ont de la méchanceté au coeur, sont malheureux. Chez elle, le caractère des personnages se reflète sur leur visage.
Moi qui aime beaucoup le théâtre romantique, j'ai cru un moment retrouvé chez Joseph la condamnation et la solitude de l'artiste maudit, comme les personnages du Chatterton de Vigny, de l'Anthony de Dumas, ou de l'Olympio dans les vers de Victor Hugo... Car si Joseph joue de la musique pour les bals populaires, c'est un musicien de grand talent, un artiste même, puisqu'il ressent la nature, ce qui lui permet de développer son art. Il est donc incompris dans son Berry natal qui ne sait pas l'apprécier. Conscient de sa valeur, il en devient hautain, fier, méprisant envers les autres. Il est aussi conscient de ne pas pouvoir plaire pas ses manières trop brusques, sa figure trop singulières, son âme trop tourmentée. Oui, un roman dont Joseph aurait été le héros aurait été plus sombre, plus cynique, mais plus riche peut-être.
Car, au contraire, je n'ai pas porté beaucoup d'intérêts aux personnages principaux : je leur fais le même reproche qu'à plusieurs personnages de George Sand, être trop bons pour être réels. le Narrateur, Tiennet, est ainsi assez inconsistent pour moi, il est là pour transmettre l'histoire et pour la faire avancer en aidant les autres, puisqu'il laisse toujours ses propres sentiments et ses propres désirs de côté. Thérense est trop réservée pour être émouvante. Les pères ou grands-pères sont des figures types d'hommes bons agissant pour le bien de leurs enfants. Huriel aurait pu être intéressant, si son côté sombre avait été accentué : il nous apparaît d'abord avec la figure toute noire d'un charbonnier, impertinent, audacieux... Tout ce que ne sont pas Tiennet ni Joseph. Et lui-même se range, ne rêvant que d'une vie de famille.
Je m'aperçois que ce que j'aurais davantage aimé, c'aurait été un roman écrit par un autre... Il a certains défauts de l'écriture de George Sand, et beaucoup de ses qualités, notamment la célébration de la nature, avec une conscience quasiment écologiste avant l'heure.
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Lorsqu'on pense aux romans champêtres de la dame de Nohant, on cite facilement "La Mare au Diable", "La Petite Fadette" ou encore "François le Champi". On pense moins aux "Maîtres Sonneurs", et pour cause, il est bien moins connu que les trois romans sus-cités.
Plus long et moins facile d'accès, moins doux aussi, "Les Maîtres-Sonneurs" hantent plus souvent les rayonnages oubliés des bibliothèques familiales et les logis des fondus de folklore; où ceux- tout aussi riches- des musiciens et des danseurs qui font claquer les planchers au son des airs trad d'antan, que les librairies. C'est dommage et pas seulement parce qu'un livre qui s'efface des mémoires est un petit chagrin, mais parce que ce roman est des plus intéressants en plus d'être plutôt bon, voire très bon.
"Les Maîtres-Sonneurs" ressuscite le Berry et le Bourbonnais de la fin du XVIII°siècle et la vie de ces terres rurales empreintes de traditions, de croyances et de musique en s'arrêtant particulièrement sur les cornemuseux et les charbonniers aux confréries mystérieuses. C'est le vieil Etienne Depardieu qui prend la parole et il déroule pour nous ce que fut le fil de sa vie, de sa prime enfance aux alentours de 1770 à sa jeunesse. le récit se divise en trente-deux veillées, chaque veillée offrant un épisode de l'histoire. On n'est pas loin des mille et une nuits, on est surtout au plus proche de cette tradition qui voulait qu'on se retrouve autrefois à la veillée entre voisins pour profiter du feu, écouter des histoires et éplucher des châtaignes (enfin, ça, c'était par chez moi!). Cela tombe bien, George Sand y était attachée à ces traditions et tenait à les faire perdurer à sa manière, à les immortaliser par l'écrit.
Notre Etienne encore petit vivait non loin de chez sa petite cousine, la Brulette, qui elle-même vivait avec son grand-père, la servante de ce dernier et son fils: Joseph, un gamin malingre et sensible, pleurnichard même. L'enfance est douce au pays de Sand: la nature est belle et généreuse, les enfants jouent dans l'eau des rivières et les blés et le temps passe doucement. Bientôt nos trois mômes et leurs compagnons ont l'âge pour aller danser la bourrée le dimanche et pour penser aux accordailles. La Brulette est devenue belle comme le jour et ils sont nombreux à vouloir la marier, Etienne et Joseph comme les autres. La petite fait la coquette, et rit, et danse. Son cousin devient un honnête laboureur quant à Joseph, il se réfugie derrière un chêne pour jouer de la cornemuse. Et il joue bien le diable, tellement bien qu'il fait danser et qu'il enchante. Sa vocation est toute trouvée: musicien il est, sonneur il sera. Pour entrer dans la confrérie des maîtres-sonneurs, il quitte le Berry pour le Bourbonnais, laissant ses amis dans l'inquiétude. le triangle amoureux ne le demeurera pas puisque au gré de l'intrigue viendront s'ajouter à ce personnel romanesque un muletier et sa soeur. Bien des fils vont se nouer entre ses cinq jeunes gens attachants parce qu'imparfaits qui empruntent beaucoup aux personnages des pastorales d'antan (Pays de l'Astrée: represents!). "Les Maîtres-Sonneurs", c'est donc un roman champêtre qui a l'air un peu gentillet (lisez, lisez, vous verrez s'il l'est tant qu'on le croit! Vous verrez si Joseph est si gentillet que ça... Et si les charbonniers ne sont pas tout sauf gentillets!) et qui évoque la douceur du paradis perdu, mais c'est aussi un roman qui cherche à mettre en lumière le terroir, ses habitants, ses coutumes, son parler. Sand achève ici tout ce qu'elle a théorisé sur l'importance d'écrire tout ce patrimoine et son travail sur la langue est remarquable d'authenticité, de recherche. de même, elle nous donne à voir les deux "pays" proches et pourtant très différents que sont le Berry et le Bourbonnais avec un luxe de détails qui nous permettent un véritable voyage dans le temps et le folklore (et c'est passionnant). Pas ce folklore édulcoré dont on se moque et qui fait vendre, mais ce qu'il a d'authentique, de constitutif de l'identité. C'est un roman politique, sociale, "Les Maîtres Sonneurs" déguisé en jolie pastorale et George Sand peint ce monde et ses traditions, ses êtres loin de Paris sans aucune condescendance mais avec une affection véritable, qui transcende le roman, les personnages et les paysages.

Et puis, faire si bien entendre le vielle et la cornemuse du centre dans un roman aujourd'hui érigé en classique, c'est beau quand même, n'en déplaise à l'accordéon du titi parisien.







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"(...) je te dis que la chanson, la liberté, les beaux pays sauvages, la vivacité des esprits, et si tu veux aussi, l'art de faire fortune sans devenir bête, tout ça se tient comme les doigts de la main (...)"

Marivaudage chez les Berrichons.

Le chanvreur Étienne Depardieu, dit Tiennet, se souvient de sa jeunesse lointaine et en fait le récit lors de veillées au coin du feu.

Louis XVI entamait alors son règne et le Berry vivait à l'écart de la révolution industrielle : la langue , les us, les coutumes et les moeurs y semblaient encore encroûtés dans un archaïsme pittoresque.

Tiennet donc, se remémore son amitié avec la coquette Catherine (surnommée Brulette) et le benêt Joset. Ce naïf trio entraîné par la lubie de Joset qui rêve de devenir cornemuseux quitte le plat pays de Nohant pour les forêt du Bourbonnais à la recherche d'un maître sonneur. Ils s'y lieront avec les enfants d'un "bûcheux" musicien : le séduisant Huriel et son irrésistible soeur, la belle Thérence. S'ensuivront nombre d'aventures galantes ou périlleuses.

George Sand nous livre ici un roman champêtre construit sur l'ambivalence : peuple des champs contre peuple des bois ; honnêteté et franchise versus déloyauté et insinuations ; musique patrimoniale et création novatrice. On aurait apprécié plus de nuances mais ne boudons pas notre plaisir. L'exotisme du patois berrichon et la candeur de ces chromos surannés nous retiennent.

Le procédé choisi par l'auteur -un narrateur omniscient- l'oblige malheureusement à nombre de contorsions artificielles. le brave Tiennet se mue tour à tour en confident, en espion, en indélicat voyeur ou en fortuné spectateur, seul moyen pour lui de collecter les faits et gestes des protagonistes de ce badinage chez les pécores.

Flirtant avec le roman gothique, Sand manie à merveille les superstitions paysannes et jalonne son récit d'apparitions diaboliques, de créatures fantastiques (loup-garou, cocadrille et spectres) et de lieux infernaux (cimetière lugubre, ténébreuses forêts ou ruines inquiétantes). Pour le reste elle s'amuse davantage que son lecteur aux galanteries prudes de ses jouvenceaux à la moralité irréprochable.

Les atermoiements des personnages ont plutôt mal vieilli et encombrent une histoire qui aurait gagné à être délardée. Elle en aurait été d'autant plus digeste que les affres musicales de Joset, dont le génie confine à la folie, sont de nature à empoigner nos contemporains.

Remarquable -styliste accomplie, la patronne garde la main- mais gentiment désuet.
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A mon avis, le plus achevé des romans champêtres de la dame de Nohant. Sand y réalise une synthèse parfaite de ses idées sur la manière dont il convient de "rendre" la langue paysanne. Ces théories sont expliquées dans la première des deux citations que je donne, qui est extraite de l'avant propos. Elles sont illustrées dans ma seconde citation où l'on trouve des exemples des divers procédés utilisés dans le roman pour trouver un compromis entre une langue authentiquement locale, mais comprise par tous. Dans ce livre, le recours aux particularismes est bien plus abondant et systématique que dans les autres romans champêtres. Les exemples donnés sont extraits du seul premier chapitre, ce qui suffit à démontrer en quoi, quantitativement et qualitativement, ce roman de terroir se distingue des autres textes du même genre où le recours à la langue populaire est beaucoup plus discret (La mare au diable ou François le Champi, La petite fadette ou le meunier d'Angibault.
J'éprouve également une tendresse particulière à l'égard du roman car l'action se déroule dans une région chère à mon coeur, que je connais bien pour l'avoir sillonnée dans ma jeunesse, avec une bande de copains avec lesquels nous écumions les bals de campagne. Cette région se situe à la frontière de l'Allier de du Berry. C'est là que les musiciens Berrichons rencontre les sonneurs bourbonnais qui leur apprendront à jouer de manière plus experte. J'ai d'ailleurs écrit un roman qui est une sorte d'hommage aux Maîtres sonneurs dans la mesure ou le narrateurs et les personnages s'expriment dans le sabir local, d'une manière beaucoup plus grivoise et pichrocholine que dans le texte sandien il est vrai. Si l'on veut prendre connaissance de ma version plus contemporaine du parler de ces confins déjà un peu berrichons du bourbonnais, il suffira d'aller sur mon blog dont l'adresse est donnée ci-dessous. Une fois sur le site, cliquer sur le lien "Le prince des parquets salons", situé en bas de la colonne de droite, sous le sous titre : "Un roman de jcf".
Lien : http://jcfvc.over-blog.com
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Je n'avais jamais lu George Sand je ne peux donc pas comparer avec ses autres oeuvres. Celle-ci nous parle de vie paysanne et d'amour. Ce roman nous fait découvrir la campagne française avec ses agriculteurs, ses bûcherons et ses muletiers. Modes de vies très différents qui se mélangent peu et pourtant c'est le cas ici malgré les embûches.

J'ai beaucoup apprécié découvrir ces modes de vie et leur langage ! George Sand a su restituer le langage de ses personnages sans pour autant que la lecture en devienne fastidieuse.

Je me suis aperçue que j'avais surtout lu des romans du XIXème siècle qui avaient pour personnages des ouvriers ou des bourgeois. Je suis ravie de cette découverte toute en douceur qui donne envie de se promener dans nos belles campagnes françaises avec l'espoir d'y entendre, au détour d'un chemin, sonner une cornemuse.
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