AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de kielosa


Un des livres les plus impressionnants que j'aurais lus en 2017 est incontestablement "Retour à Lemberg" par le même juriste franco-britannique mondialement apprécié Philippe Sands. Dans cet ouvrage, où il était parti à Lemberg, l'actuelle ville de Lviv en Ukraine, à la recherche de son grand-père Leon Buccholz et sa famille juive disparue lors de la dernière guerre mondiale, il a eu le grand mérite de nous présenter 2 bienfaiteurs : les juristes Raphael Lemkin (1900-1959) et Hersch Lauterpacht (1897-1960), qui ont forgé respectivement les termes "génocide" et "crimes contre l'humanité".

Pour "La filière" Philippe Sands est reparti à l'Est et à Lemberg-Lwów-Lviv à la recherche de la réalité concernant un personnage qui se trouve à l'opposé de Lauterpacht et Lemkin : le gouverneur SS de Cracovie en Pologne, puis de la Galicie, dont Lemberg était la capitale, le Standartenführer (général) et baron Otto (von) Wächter, né à Vienne en 1901 et mort à Rome en 1949.

Ce fils de général de l'armée des Habsbourg de la double monarchie austro-hongroise a rejoint très jeune les nazis et la gestapo. L'auteur a épluché consciencieusement toutes sortes d'archives (publiques et privées) pour retracer l'acheminement de ce petit ambitieux.

Philippe Sands nous raconte également la vie de son épouse Charlotte ("Lotte") Bleckmann (1908-1985) et leurs 6 enfants Otto junior, Liselotte, Traute, Horst, Heidegrund et Sieglinde, nés entre 1933 et 1944. Charlotte a toujours aimé son Otto, bien qu'il était volage et qu'elle ait traversé maints épisodes de jalousie plus ou moins intenses.

Sur la photo de couverture on voit le couple, lui en grand uniforme Feldgrau, elle avec un sourire timide et leurs gosses Traute et Horst. La photo a été prise peu avant la défaite allemande en 1944 près du lac de Zell-am-See en Autriche.

Otto Wächter a donc connu une carrière nazie fulgurante et a pu bénéficier de l'appui des hauts gradés nazis, tels Heinrich Himmler, Odilo Globočnik (gouverneur de Vienne), Ernst Kaltenbrunner (successeur de Reinhard Heydrich à la sécurité du Reich) etc. Il était, par ailleurs, lié d'amitié avec Baldur von Schirach, chef des jeunesses hitlériennes, et Arthur Seyss-Inquart, chancelier d'Autriche et pendant la guerre gouverneur des Pays-Bas. Petite anecdote : ce dernier énergumène était le parrain de baptême du petit Horst Wächter en 1939.

Le chef immédiat de Wächter était Hans Frank, gouverneur général de la Pologne, qui a été pendu à l'issue du fameux procès des criminels de guerre à Nuremberg en 1946.

Otto Wächter lui, formellement condamné comme criminel de guerre pour les ordres qu'il a signés relatif à la persécution et déportation des Juifs vers les camps de la mort, a réussi à échapper à la justice en prenant la fuite, d'où le titre original "The Ratline" (ou la ligne des rats).

Pour ne pas gêner lectrices et lecteurs, je préfère m'abstenir de commentaires sur la fuite et la mort d'Otto, ainsi que l'existence pénible de Charlottte avec tout son ménage après la fin de la guerre.

Comme j'ai eu l'occasion de le remarquer dans mon billet du 3 octobre 2017, Philippe Sands a beau être un éminent juriste, il est aussi un raconteur-né. Ce talent étonnant d'exposer des faits historiques comme des événements d'un thriller, se voit amplement confirmé dans ce récit.

Écrire un ouvrage de 493 pages à propos d'un héros abject sans que cela ennuie même une seconde, cela relève de l'art !
Commenter  J’apprécie          7724



Ont apprécié cette critique (70)voir plus




{* *}