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EAN : 9782226395160
544 pages
Albin Michel (23/08/2017)
4.21/5   240 notes
Résumé :
Une enquête sur les destins de quatre hommes dans la ville de Lemberg avant et durant la Seconde Guerre mondiale : L. Buchholz, Juif et grand-père de l'auteur, y passe son enfance, H. Lauterpacht et R. Lemkin, Juifs, y étudient le droit et inventent respectivement les concepts de crime contre l'humanité et de génocide, H. Frank, haut dignitaire nazi, y annonce la solution finale.
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Critiques, Analyses et Avis (50) Voir plus Ajouter une critique
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Ce qui m'a le plus surpris en lisant "Retour à Lemberg" c'est qu'un juriste international avec la stature d'un Philippe Sands puisse être en même temps un aussi excellent narrateur. En effet, le premier chapitre, où il raconte la recherche de son grand-père, se lit comme un suspense. Pourtant ce grand-père, Leon Buchholz (1904-1997), n'est pas James Bond et Lemberg-Lviv-Lwów, a beau être la plus grande ville d'Ukraine occidentale, n'est pas non plus une île de rêves dans les Caraïbes par exemple. Toujours est-il qu'au cours des premières 100 pages, j'ai été cloué à mon fauteuil, n'entendant même pas le concert de miaulements de mes félins qui avaient faim.

En plus, Philippe Sands, né en 1960, a l'art de restituer une réalité et un passé, comme s'il avait été un témoin oculaire. Même s'il appelle parfois un Stefan Zweig et surtout un Joseph Roth à la rescousse.

Pour éviter tout malentendu, il convient de signaler, qu'outre un récit captivant, cet ouvrage est important dans la mesure où l'auteur nous présente 2 juristes exceptionnels, hélas, peu connu du grand public, qui ont pourtant joué un rôle déterminant pour rendre notre monde un peu plus vivable. Raphael Lemkin (1900-1959) a forgé le terme "génocide", tandis que Hersch Lauterpacht a introduit la notion juridique de "crime contre l'humanité".
Deux concepts absolument révolutionnaires. On a beau être sceptique et dire oui mais...regardez tous ces abus des droits de l'homme, ces despotes à la Erdogan, ces fouteurs de guerre comme fiston Bush, ces maîtres de l'arbitraire comme tsar Poutine etc. Cela est bien vrai, mais pour reprendre une belle formule de Philippe Sands lui-même "Doing nothing is not an option", les contributions de Lemkin et Lauterpacht constituent, à mes yeux, des pas de géants.

Ce sont effectivement ces termes juridiques qui ont permis, en 1946, de condamner à Nuremberg une fine équipe de hauts dignitaires nazis et des années plus tard, la création de la cour pénale de la Haye pour crimes de guerre, comme en ex-Yougoslavie. Je me permets, à ce propos, de vous renvoyer à ma critique récente de l'ouvrage de Carla del Ponte "La Traque, les criminels de guerre et moi" Cette Suissesse a été procureur général de ce tribunal de 1999 à 2007. Que les États-Unis n'en font partie est regrettable, mais se comprend aisément, ils ont trop de candidats pour être jugés, tels Henry Kissinger et le bombardement du Cambodge, fiston Bush et l'invasion de l'Irak, son vice-président et businessman Dick Cheney - ex-PDG du Groupe Halliburton qui a rafflé un contrat de 7 milliards de $ en Irak, sans appel d'offre - et son valeureux ministre de la défense Donald Rumsfeld etc. Et ce n'est sûrement pas sous l'intelligente gestion de Trump que cela risque de changer.

Justement à propos de ce trio Bush, Cheney et Rumsfeld, les héros de la "War on Terror" avec tous ses excès, Philippe Sands a publié un autre ouvrage remarquable : "Torture Team: Rumsfeld's Memo and the Betrayel of American Values", que l'on pourrait traduire par : L'Équipe de torture : le mémo de Rumsfeld et la trahison des valeurs américaines. Dans ce livre, l'auteur offre les resultats de sa sérieuse enquête sur les tenants et aboutissants du mémo criminel, signé Rumsfeld du 2-12-2002, qui permettait 18 techniques de tortures sur des prisonniers, interdites par les droits de l'homme, mais appliquées scandaleusement à Guantanamo et Abou Ghraib entre autres.

Ce qui est absolument incroyable c'est qu'aussi bien Lemkin que Lauterpacht soit originaire de la capitale de l'ancienne province orientale de l'Empire austro-hongrois, appelée la Galicie. Endroit où est né son propre grand-père. Ce qui a permis à l'auteur de mener des investigations, de visiter les lieux et de rencontrer bon nombre de témoins intéressants. Je ne vais pas résumer ces épisodes multiples, mais m'arrêter un bref instant à sa rencontre avec Niklas Frank, le fils de l'ami, l'avocat d'Hitler et plus tard son gouverneur-général de la Pologne occupée. Niklas avait 7 ans lorsque son abominable père fut jugé et pendu à Nuremberg en octobre 1946. Il y a 5 ans, j'ai lu l'ouvrage qu'il a publié sur ce père, qui m'a énormément impressionné, car c'est exactement ce que le titre en allemand "Der Vater : Eine Abrechnung" , Mon père : un règlement de comptes, indique, un jugement lucide, sans la moindre concession. À Sands, d'ailleurs, il a déclaré : "Mon père était juriste ; il savait ce qu'il faisait." (p. 25).

Je ne peux que vivement recommander cet ouvrage qui est instructif, captivant, agréablement écrit et richement illustré. Avec un grand bravo pour Philippe Sands, la traductrice Astrid von Busekist et l'éditeur Albin Michel.

Lorsqu'on est un peu découragé par tout ce qui se passe de sinistre et malsain sur notre planète, il peut être réconfortant de penser à des vrais héros comme Lemkin et Lauterpacht, à une Carla del Ponte qui s'est courageusement engagée et aux hommes de grande valeur, tel Philippe Sands, qui continuent imperturbablement leur lutte pour un monde meilleur.
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Brillant, d'après moi, c'est l'adjectif qui convient à cet ouvrage qui n'est ni un roman ni un essai. Brillant parce qu'il parvient à fixer l'attention d'un large public sur deux concepts de droit qui, pour les non initiés, représente une performance d'auteur, brillant l'idée de mêler son histoire personnelle à l'histoire collective de la Shoah et à l'évolution du droit et d'une grande consistance intellectuelle de par son contenu.

Je connaissais, comme la plupart d'entre nous, les termes « génocide » et « crime contre l'humanité » mais j'ignorais totalement la genèse de ces deux expressions et de leurs auteurs, Raphaël Lemkin et Hersch Lauterpacht.
Tout dans ce livre interpelle : notamment les circonstances qui ont amené Philippe Sands, avocat franco britannique de renommée internationale, professeur d'Université, à enquêter sur le procès de Nuremberg et sur l'origine de notre système de droit international.

L'observation que j'ai du monde qui m'entoure m'a amenée à penser que le hasard n'existe pas et j'aime cette phrase « Lorsque l'élève est prêt le maître se lève ». Je m'explique :

Philippe Sands reçoit une invitation de l'Université de droit de la ville de Lviv en Ukraine. Cette ville portait le nom de Lemberg sous l'empire austro-hongrois, Lwow lorsqu'elle fut incorporée à la Pologne après la première guerre mondiale, sous les soviétiques au début de la seconde guerre mondiale, elle devint Lvov, puis redevint Lemberg sous l'occupation allemande pour devenir une ville ukrainienne Lviv - (j'ai d'ailleurs mis en ligne une citation sur l'histoire d'un banc qui n'a jamais changé de place mais plusieurs fois de nationalités)!

Curieusement, Philippe Sands découvre que cette ville de Lviv n'est autre que Lemberg d'où est originaire son grand père maternel, Léon Buchholz. Pour échapper aux nazis. Léon s'est enfui et comme tous les rescapés de la Shoah, il n'a jamais fait le récit de son histoire d'avant son arrivée en France. Quoi de plus naturel pour Philippe Sands que de vouloir profiter de ce voyage pour en savoir plus sur ses origines. Et fait tout aussi extraordinaire, lui, avocat très investi dans le droit international, il découvre que l'université de droit de Lviv à donner naissance à deux grands juristes qui ont marqué à jamais le droit international : Hersch Lauterpacht et Raphaël Lemkin. Comment résister à un tel clin d'oeil du destin. Delà s'ensuit une enquête sur le passé de cette ville, déchirée, malmenée, par les guerres, la découverte d'une communauté de vie entre les familles Buchholz, Lemkin et Lauterpacht jusqu'au procès de Nuremberg et aux débats d'idées qu'ont suscité la naissance des concepts « Génocide » et « Crime contre l'humanité » : débats qui sont toujours d'actualité.

C'est passionnant. Je connais bien l'excitation qui peut saisir une personne en quête de ses racines. La généalogie est palpitante, quand on y met le doigt, on y laisse la main puis le bras. J'avoue avoir envié Philippe Sands d'avoir pu se rendre sur place. Voir les lieux, les sentir, les ressentir, imaginer ses aïeux s'animer sous ses yeux, c'est une part de soi-même qui prend vie, c'est enfin sortir de l'abstrait, du flou, du lointain.

A la communauté de destin des familles Buchholz, Lemkin, Lauterpacht, vient s'ajouter le portrait du « Boucher de Pologne » Hans Frank, gouverneur de Pologne, dont le fils, Nicklas Frank est devenu l'ami de Philippe Sands, et qui a écrit un best-seller très controversé sur son père dans lequel, il règle ses comptes et que je comprends (c'est le même sang qui coule dans ses veines) ! A cet effet, j'ai trouvé un reportage sur « The Times of Israël » intitulé « Quand un fils ne peut admettre les crimes de son père ». En revanche, Horst von Wachter, fils d'Otto von Wachter, gouverneur nazi de Galice, cherche par tous les moyens à réhabiliter son père malgré les preuves irréfutables.

La partie du livre consacrée au procès de Nuremberg m'a particulièrement captivée même si certains passages, notamment le témoignage de Samuel Rajzman, sont difficiles. Je me suis trouvée à applaudir mentalement le procureur en chef américain Robert Jackson, ou le procureur britannique Shawcross ou Maxwell Fyfe.

J'ai une affection pour Raphaël Lemkin qui s'est tellement démené, au détriment de sa santé, pour faire reconnaitre son concept. Il se promenait avec une valise contenant tous les décrets nazis afin d'apporter la preuve du « génocide ». Il a fait un travail titanesque et page 233 du livre, Sands relate toutes les mesures relevées par Lemkin dans dix sept pays occupés afin d'éliminer les juifs, les tsiganes, les handicapés (les homosexuels hélas étaient passés sous silence !).

Toute la lecture de cet ouvrage reste dans un style fluide, vivant, passionnant. Ce livre a été désigné « meilleur livre de l'année 2017 » dans la catégorie « non fiction – livre narratif de l'année » lors des British Book Awards.
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L'auteur, avocat spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a mis six ans à écrire ce livre et cela se sent.
Il a fait un travail de recherche très poussé, exploitant tour à tour toutes les pistes qui s ouvraient à lui.

Tout est parti d'une conférence qu'il devait donner à Lviv (actuellement en Ukraine, connue tour à tour sous les noms de Lemberg, Lwòw, Lvov, Lemberg à nouveau, puis Lviv) en 2010 sur les notions de génocide et de crimes contre l'humanité.
La préparant, il découvre que Raphaël Lemkin et Hersch Lauterpacht, les deux premiers à utiliser ces termes ont étudié dans cette ville, dont était originaire son grand-père, Léon Buchholz.
A Lviv, personne ne semble connaître ce fait. Une étudiante lui fait remarquer que ce serait dû à ce qu'ils étaient juifs et elle lui suggère de s'intéresser à son grand-père.
Il ne savait rien de l'histoire de celui-ci, Il l'a connu alors qu'il était établi à Paris, savait qu'il était né à Lemberg et avait étudié à Vienne mais rien d'autre : celui-ci ne racontait rien de sa jeunesse, rien de sa famille, rien de la ville où il avait vécu. « C'est compliqué, ce n'est pas important » disait-il en réponse aux questions.

Le livre retrace d'abord l'histoire de la ville de Lviv.

Le livre s'attache ensuite aux découvertes que fait Philippe Sands sur la vie de son grand-père, sur son séjour à Lemberg. Les premiers éléments proviennent de vieilles mallettes bourrées de papiers et de photos de Léon que détenait la mère de l'auteur. Au départ de ces quelques bribes du passé, Philippe Sands va s'efforcer de reconstituer l'histoire de Leon Buchhholz par des visites aux archives de Lviv, par des visites des lieux où il avait habité, ainsi que des visites à Zólkiew d'où était originaire la mère de Léon. Il reconstitue ainsi toute la famille de son grand-père. Celui-ci part à Vienne au début de la première guerre, il y exploite un commerce de liqueurs, il fera encore un dernier séjour à Lemberg en 1923.
Hitler prend le pouvoir en Allemagne, et en 1938 envahit l'Autriche. Léon obtient le droit de quitter le pays.
L'auteur reconstitue le sort de la famille de Léon, hormis son épouse et sa fille qui le rejoindront à Paris, tout le monde sera exterminé.

Philippe Sands reconstitue ensuite l'histoire de Hersch Lauterpach puis de Raphaël Lemkin dont les familles seront également décimées. Il s'attache à leurs travaux juridiques aboutissant pour Lauterpach à la création de la notion de cime contre l'humanité. Et pour Lemkin, à la notion de génocide.
Ces deux notions seront au coeur des débats lors du procès de Nuremberg.

Un chapitre important est consacré à Hans Frank, gouverneur général de la Pologne occupée et à son implication personnelle dans l'application de la solution finale.

Le livre s'attache ensuite au procès de Nuremberg et au jugement aboutissant à la pendaison de Hans Frank.

Le petit aperçu que je donne ici du livre est totalement insuffisant, chaque chapitre est en effet dense et comprend de nombreuses pages. le livre en compte près de 600.
Je crains que mon résumé puisse faire apparaître ce livre ardu et sec, ce que je ne voudrais pas que vous pensiez !
Le livre se lit avec intérêt et ne se lache pas.
L'auteur nous fait participer à ses recherches et cela donne au livre un suspense certain.
J'ai véritablement été captivé par ce récit riche à de nombreux points de vue : j'ai subjugué par la recherche méticuleuse de l'auteur parfois au départ d'indices paraissant au départ ne pouvant mener nulle part; j'ai beaucoup appris sur la ville de Lemberg, sur la distinction faite en droit entre les crimes contre l'humanité et le génocide, selon que l'on se place au niveau de l'individu ou au niveau d'un groupe.

Je le répète : Retour à Lemberg fut pour moi un livre important, et qui s'est lu avec facilité et grand plaisir.
Lisez-le !
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Philippe Sands, né en 1960, franco-britannique , juriste international de renom, spécialisé dans la défense des droits de l'homme, intervient, notamment, auprès de la Cour internationale de Justice, de la Cour de justice des Communautés européennes…, Il s'est, notamment, investi dans les dossiers concernant l'ex-Yougoslavie, le Rwanda, le Congo, la Libye, l'Afghanistan, la Tchétchénie, l'Iran, la Syrie …
Compte tenu de son renom, il fut convié, il y a quelques années, à donner une conférence à l'université de droit de Lviv, en Ukraine. Cette ville a porté le nom de Lemberg, quand elle était autrichienne, Lvov, en polonais, Lwow, en russe. (Une ville hautement symbolique des différentes dominations et tourments qui s'en suivirent qu'elle connut tout au long des siècles)
Cette invitation va lui donner l'occasion de plonger dans le passé occulte de sa famille et de découvrir les liens étroits existant entre sa famille maternelle et plus particulièrement son grand-père Léon Buchholz, natif de Lemberg, Hersch Lauterpacht (1897-1960), professeur de droit international, originaire de Zolkiew, près de Lemberg, Raphael Lemki (1900-1959), procureur et avocat, résidant à Lemberg à partir de 1921, et Hans Frank 1900-1946), ministre du IIIème Reich, avocat préféré du chancelier. Alors qu'il est Gouverneur général de Pologne, c'est dans cette ville, alors qu'il est de passage, qu'il annonce , la mise en place de « la solution finale ».
La destinée de ces personnages s'imbrique étrangement et étroitement, et Sands va mener une longue enquête minutieuse, pour tenter de découvrir un peu plus de la vie cachée de son aïeul mais aussi de ce sombre passé où Buchholtz, comme Lauterpacht et Lemki ont perdu une grande partie de leur famille .
Son grand-père ne lui avait rien révélé de son histoire, mais petit à petit Sands va aussi découvrir et comprendre pourquoi il a choisi, peut être inconsciemment, de s'investir professionnellement dans le droit , de défendre les opprimés de la Terre.
Au cours de ses investigations, il fera la connaissance du fils du « bourreau de la Pologne » , Niklas Frank , qui avait sept ans au moment de l'exécution de son père, après le procès de Nuremberg. C'est une lecture bouleversante, un témoignage exceptionnel où se mêle l'Histoire et le Droit et qui permet de mieux appréhender les notions de « crime contre l'humanité » et « génocide ».

Le 28/09/17, La Grande Librairie a convié Philippe Sands.
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Ce livre, écrit par un juriste, est à la fois un roman, un essai (juridico-historique) et des biographies. A ce titre, c'est surprenant. L'idée de ce livre a germé pendant que Philipp Sands préparait une conférence de droit international. Celle-ci devait se dérouler à Lemberg/Lvov/Lwow/Lviv, qui se trouvait être le lieu d'origine de son grand-père qu'il avait bien connu mais sur lequel il savait très peu de chose. Il découvre aussi que le père de la notion de Crime contre l'humanité et celui de la notion de Génocide ont tous deux commencés leurs études de droit dans cette même ville. Il se lance alors dans la quête de ses origines, mais fait aussi des recherches sur la biographie d'Hersch Lauterpacht et sur celle de Raphael Lemkin. Impossible de ne pas nous conter au passage toute l'histoire mouvementée de cette région jusqu'au moment de l'invasion par les Nazis. Et Philipp Sands se révèle un formidable conteur. A ces récits s'ajoute le portrait de celui qui orchestra la disparition des proches de ces trois personnages, Hans Frank, Gouverneur général de Pologne jusqu'à la défaite.
L'écriture est fluide, mais cela reste une lecture exigeante, en raison des concepts juridiques abordés. Mais c'est passionnant de toucher à la naissance de nouveaux droits, quoique un peu complexe par moments.
Bien sûr, le procès de Nuremberg est présent d'un bout à l'autre, ainsi que quelques autres personnages découverts par l'auteur dans sa quête familiale. le récit est accompagné de notes abondantes, dignes d'un travail universitaire, et surtout de cartes et de photos qui rendent le récit encore plus vivant.
Ce n'est pas une lecture facile, par moment, mon intérêt s'est émoussé, il faut dire que le droit ne fait pas partie de mes centres d'intérêt, et que, aussi passionnantes que soient la vie, le parcours et les idées de Lauterpacht et de Lemkin, on ne peut pas dire que leurs personnalités soient attachantes.
Un livre certainement plus passionnant pour un historien du droit, mais qui fait remarquablement bien le lien entre le droit et la vie bien réelle des gens.
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critiques presse (3)
LaViedesIdees
29 septembre 2017
Dans un ouvrage hybride, l’avocat Philippe Sands conduit une enquête intime et passionnante sur les origines des termes « génocide » et « crime contre l’humanité ».
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
LeMonde
15 septembre 2017
Dans « Retour à Lemberg », l’avocat franco-britannique tisse des liens entre son aïeul, deux juristes juifs et le procès des responsables du IIIe Reich.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Lexpress
29 août 2017
Raphael Lemkin fut le promoteur d'une législation réprimant les génocides. Retour à Lemberg raconte, entre autres, l'histoire de ce juriste polonais. Un récit événement de Philippe Sands
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (39) Voir plus Ajouter une citation
Au même moment, neuf gouvernements en exil - dont la Pologne et la France - se retrouvèrent au palais Saint-James à Londres pour coordonner leurs réactions aux informations sur le "régime de la terreur" allemand. Des histoires horribles circulaient , des récits d'emprisonnements de masse, d'expulsions, d'exécutions et de massacres. En janvier 1942, les gouvernements en exil réagirent par une déclaration exprimant un désir commun de recourir au droit pénal pour punir les "coupables" et les "responsables" d'atrocités. Les auteurs seraient "poursuivis, remis à la justice et jugés", perspective qui devint un des buts officiels de la guerre.

Les neuf gouvernements établirent une Commission des crimes de guerre (War Crimes Committee) afin de rassembler des informations sur les atrocités et sur leurs auteurs; cette institution allait devenir la Commission pour les crimes de guerre des Nations Unies. Churchill autorisa les juristes du gouvernement britannique à enquêter sur les crimes de guerre allemands et confia la direction de l'enquête au procureur général David Maxwell Fyfe. Quelques mois plus tard, le New York Times publia un article affirmant que le gouvernement polonais en exil avait identifié dix criminels de guerre importants. Le premier sur la liste était celui de Hans Frank, juste au-dessus de celui du gouverneur Otto Von Wachter, l'ancien camarade de classe de Lauterpacht à Vienne.


Sur la base de ces nouveaux développements, Jackson prononça, à la fin de janvier à l'hôtel Waldorf, un discours intitulé "Non droit international" (International Lawlessness). Ecrit avec l'aide de Lauterpatch qui se trouvait dans la salle, le discours de Jackson décrivait la guerre et ses atrocités, la nécessité de recourir au droit et aux cours de justice "les meilleurs instruments jamais conçus pour endiguer la violence". Lauterpatch avait trouvé un allié pour défendre ses idées aux échelons les plus élevés du gouvernement américain. Ce que Jackson et lui-même ignoraient, c'était que les atrocités allaient atteindre le summum de l'horreur : trois jours plus tôt, dans une villa au bord du lac de Wannsee, dans la banlieue de Berlin, un groupe de hauts gradés nazis s'était secrètement accordé sur "La solution finale".


Page 140 - Un tournant, à mes yeux, dans le droit international
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"Quelle est la différence entre les crimes contre l'humanité et le génocide?"
"Imaginez le meurtre de 100 000 personnes qui appartiennent au même groupe", ai-je répondu, "des Juifs ou des Polonais de Lviv. Pour Lauterpacht, le meurtre d'individus, s'il relève d'un plan systématique, serait un crime contre l'humanité. Lemkin, lui, s'intéressait au génocide, au meurtre d'un grand nombre d'individus, mais avec l'intention de détruire le groupe dont ils font partie. Pour un procureur d'aujourd'hui, la différence entre les deux situations est avant tout liée à l'intentionnalité : pour prouver le génocide, vous devez montrer  que le meurtre est animé par une intention de détruire le groupe, tandis que, pour prouver le crime contre l'humanité, une telle intention n'a pas besoin d'être établie."
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J'ai fini par aimer les cartes de cette époque, avec toutes ces rues dont les noms mais pas le tracé, changeaient souvent. J'ai appris à bien connaître un certain banc public, belle relique Art Nouveau de la période austro-hongroise. Depuis mon banc, j'observais le cours du monde et l'histoire de Lviv (Lemberg).

En 1914, le banc se trouvait dans le Stadtpark, le parc de la ville. Il faisait face au Landtagsgebäude, le Parlement de Galicie, la province la plus orientale de l'Empire austro-hongrois.

Une décennie plus tard, le banc n'avait pas bougé mais il se trouvait dans un autre pays, en Pologne, dans le parc Kosciuszki. Le Parlement avait disparu mais pas le bâtiment qui abrite aujourd'hui l'Université Jan Kazimierz. A l'été 1941, lorsque le gouvernement général de Hans Frank avait pris le contrôle de la ville, le banc avait été germanisé et se trouvait désormais dans le Jesuitengarten, en face d'un ancien bâtiment universitaire, lui aussi dépouillé de son identité polonaise.

Ces années de l'entre deux-guerres ont fait l'objet d'oeuvres littéraires nombreuses mais aucune ne décrit mieux que "Moj Lwow" la perte de ce qui fut. "Où êtes-vous maintenant bancs publics de Lwow (Lemberg) noircis par l'âge et la pluie, frustes et craquelés comme l'écorce d'oliviers médiévaux ?" se demande le poète polonais Jozef Wittlin en 1946.

Soixante ans plus tard, lorsque je m'approchai du banc sur lequel mon grand-père aurait s'asseoir un siècle plus tôt, j'étais dans le parc Ivan Franko, baptisé en l'honneur d'un poète ukrainien, auteur de romans policiers dont le nom ornait également le bâtiment universitaire.


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Je me rendis donc à Vienne avec ma fille de quinze ans pour visiter les lieux que les archives avaient dévoilés. Ayant en mémoire ses cours d'histoire du lycée, elle voulut visiter le "musée de l'Anschluss" mais une telle institution n'existait pas. On se contenta donc du mur d'une unique salle dans un petit musée privé assez merveilleux, le Musée du Troisième Homme, en hommage au film d'Orson Welles, l'un des films préférés de Rita et le mien. La salle exposait une recomposition des évènements tragiques survenus de 1939 à 1945 avec des photos, des journaux et des lettres. Une copie du bulletin de vote pour le plébiscite après l'Anschluss, organisé pour ratifier l'union avec l'Allemagne, témoigne du soutien de l'Eglise catholique, un soutien ferme et sans ambiguïté.
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Inka s’exprimait avec un calme absolu. « C’était dans la rue ; ma mère a été bousculée par des soldas ukrainiens et allemands. » Inka était seule à la maison, elle avait vu ce qui se passait depuis la fenêtre. Son père travaillait quelques maisons plus loin, dans leur ancien appartement. « Quelqu’un y est allé pour lui dire que ma mère avait été raflée » dit Inka; c’est le concierge qui le lui a dit. « J’ai compris ce qui s’est passé. J’ai tout vu par la fenêtre. »
Quel âge avait-elle ?
« J’avais douze ans, plus vraiment une enfant. J’ai cessé d’être enfant en 1939. J’ai compris ce qui se passait. Je connaissais les dangers et tout le reste. J’ai vu mon père courir après ma mère, derrière elle, dans la rue . »
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Videos de Philippe Sands (15) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Philippe Sands
Avocat, professeur de droit et auteur du best-seller "Retour à Lemberg" adapté aujourd'hui en BD, Philippe Sands a participé à la création de la Cour pénale internationale et plaidé dans plusieurs affaires concernant l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Invité de Guillaume Erner, il revient sur l'origine des concepts de "crime contre l'humanité" et de "génocide" et analyse les conflits qui déchirent le monde et les opinions.
Visuel de la vignette : Tribunal de Nuremberg / AFP archives + portrait de Philippe Sands / Samuel Kirszenbaum, Albin Michel
#génocide #justice #gaza #ukraine
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