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Critique de gruz


Il est de ces livres dont la forme prend une place prépondérante, à elle-seule une histoire dans l'histoire. Anna Thalberg en fait partie.

Il est de ces textes qui perturbent autant par le contenu que par le contenant ; voyage dans le passé marquant et virée étrange à travers les mots. Et leur mise en forme, leur mise en page.

150 pages, ça peut paraître peu, et pourtant sa densité et son ampleur coupent si souvent le souffle qu'il faut prendre le temps pour accepter / déguster / supporter / s'imprégner de ce livre hors norme. A tous les niveaux.

Vous n'avez jamais lu un livre comme Anna Thalberg, je peux vous l'assurer.

Premier chapitre, première expérience. A s'acclimater, à apprivoiser, à assimiler. Temps d'adaptation nécessaire pour comprendre la mécanique narrative pour le moins singulière.

Un chapitre, 10 ou 15 pages, comme une seule phrases mais en fait des sauts de paragraphes qui sont autant de changements de points de vue, des retraits supplémentaires pour les quelques phrases parlées (pas de dialogues au sens habituel du terme, rien n'est ordinaire dans ce livre). Et ce n'est pas la seule surprise stylistique.

Le principe pourrait paraître fumeux, il ne l'est pas. Périlleux, sans aucun doute, avec un auteur constamment sur le fil. Cette polyphonie permet de faire passer nombre de ressentis intimement entremêlés.

Il convient de saluer le travail de traduction de Marianne Millon, qui a dû faire preuve d'autant d'accommodation que de créativité pour transposer ce texte.

Et l'histoire dans tout ça ? Et les personnages ? Aussi puissants que leur enrobage, même si parfois celui-ci prend le pas sur les émotions.

Eduardo Sangarcía nous conte l'histoire d'Anna Thalberg, une femme de « rien », qui ne possède que son humble chaumière avec son mari. Et sa chevelure rousse. Une « étrangère », pas née dans ce village. Sa malédiction.

Dans l'Allemagne des XVIe et XVIIe siècles, la chasse aux sorcières battait son plein. Les croyances, les jalousies et les quêtes de pouvoir rendaient les hommes et les femmes fous, au point de dénoncer son prochain et l'envoyer à la torture. L'inquisition faisait le reste, à coups de supplices tous plus inventifs qu'horribles.

Des sommets d'abomination qu'Eduardo Sangarcía décrit sans complaisance mais sans rien cacher pour autant. Éprouvant au possible, mais important pour comprendre l'époque. Et qui est Anna Thalberg.

Ce bout de femme va se révéler d'une force mentale et d'une droiture insoupçonnées, rendant l'image de ce personnage immortelle dans l'imaginaire du lecteur, à défaut que sa chair ne le soit.

Cette lecture donne littéralement le vertige, par sa construction, par sa violence, par sa puissance d'évocation. Où on est tour à tour happé par le style ou par les actes. Où l'on passe d'un enrichissement intellectuel à des ressentis quasi sensoriels. Cerveau et coeur mis à l'épreuve.

Le court roman d'Eduardo Sangarcía ne laissera personne de marbre et se révèle une lecture aussi expérimentale que chargée en émotions diverses. Anna Thalberg, le livre comme le personnage, marquent. Si vous cherchez à sortir de votre zone de confort, voilà un texte tout indiqué.
Lien : https://gruznamur.com/2023/0..
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