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4.02/5 (sur 109 notes)

Nationalité : Mexique
Né(e) à : Guadalajara , 1985
Biographie :

Eduardo Sangarcía est né à Guadalajara, au Mexique. Il a consacré son doctorat à l’étude de la littérature latino-américaine de l’Holocauste. Anna Thalberg est son premier roman.

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Bibliographie de Eduardo Sangarcía   (1)Voir plus

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Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Tu ne dois pas avoir peur de moi ; crains ceux qui comme toi se sont dressés sur leurs deux pieds et ont répandu la terreur parmi les bêtes en déclarant qu’ils étaient le sel de la Terre, le parangon de la Création, l’œuvre préférée du Créateur suprême. Je vais te dire : il n’y a pas eu de Création, il n’y a pas de Dieu, le monde a toujours existé.
Cette forêt, la rivière, les étoiles au-dessus de nous ; tout a toujours été là et y restera quand le temps, cette ridicule entéléchie humaine, aura pris fin avec le dernier des hommes, parce que le monde est éternel et que seuls les hommes meurent. Regarde la rose refleurir toujours égale à elle-même, regarde le crapaud émerger de la boue une fois que les pluies reviennent, regarde le soleil et la lune, traçant sans répit des arcs à l’éclat d’acier sur la voûte céleste ; tout revient, seul l’homme meurt pour toujours, c’est pour cela qu’il cherche obstinément une rédemption qui ne viendra pas parce que sa finitude n’est pas un châtiment ou une récompense. Il ne devrait pas avoir peur mais plutôt célébrer le fait qu’il en soit ainsi, car l’homme ne semble pas concevoir les implications ultimes de ses désirs d’éternité : imagine simplement cette répétition perpétuelle, incessante, dont je t’ai parlé, que les malheurs et les châtiments n’aient pas de fin. Cette vie endiablée serait l’enfer. Tu ne crois pas ?
Pour ta bonne fortune, l’infinitude et la conscience ne dorment pas ensemble. C’est ainsi, sans raison ; il n’y a rien à comprendre.
Et pourtant l’homme ne se contente pas de sa condition, il n’accepte pas cette absence de raisons. Il a bâti un monde à l’intérieur du monde, une illusion à son image dans laquelle tout est imbriqué, tout a un sens ; un lieu où même la mort a une explication : c’est un châtiment pour son orgueil, le même orgueil qu’il a levé tel un château de cartes. Il se trompe, feint de ne pas comprendre que son monde a la solidité d’un jeu d’enfant. Le gamin prend un bâton et dit : j’ai une épée ; l’homme se touche la poitrine et pense : j’ai une âme.
Tu ne dois pas avoir peur de moi, car je ne convoite rien et encore moins ce que tu ne possèdes pas. Ton âme est sauve, je ne la volerai pas, mais elle ne montera pas au ciel non plus ; quand tu mourras elle se dissipera comme le givre à midi. Les hommes sont des simulacres qui s’arrogent le droit d’imposer la vérité, de placer sur leur tête ce Dieu absurde qui existe pleinement, puissance absolue, connaissance totale et amour illimité. Comme je te l’ai dit, il n’y a pas de Dieu ou je suis Dieu ; peu importe. Je ne veillerai pas sur toi, tu n’iras pas au paradis. Ce qu’il y a là-haut est comme ce qu’il y a en bas : le bruit et la fureur règnent parmi les sphères célestes. Il n’y a pas de trêve, femme ; c’est pour cela que je dors.
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[..] car ce doit être un rêve
l'idée a surgi dans un coin de sa tête comme si une telle pensée ne lui appartenait pas, comme si quelqu'un la lui avait murmurée à l'oreille et, après l'avoir soupesée brièvement, elle avait fini par l'acceptercomme ce qu'il y avait de plus plausible, oui, ce n'était qu'un rêve, elle était toujours à la maison et elle s'était endormie, Klaus va revenir d'un instant à l'autre, il lui touchera l'épaule et lui reprochera d'avoir dormi au lieu de lui préparer son dîner, puis ils mangeront du gruau préparé à la hâte, ils iront se coucher et elle retombera inévitablement dans ce rêve
je serai de nouveau dans cette cellule
suffocante et sombre, plus jamais
je ne pourrai dormir sans crainte,
plus jamais je ne voudrai rêver
et cette nouvelle pensée intruse l'avait fait rire, sans très bien savoir pourquoi, elle n'avait pu se retenir et s'était esclaffée jusqu'à en être pliée de douleur, jusqu'à ce que ses ravisseurs perdent contenance, échangent des regards, se signent vite et sortent en courant de la cellule pour rejoindre l'alcôve de l'examinateur, cet ogre énorme avec lequel Gerda s'était entretenue la semaine précédente quand elle s'était rendue à la ville en proie à un désir de vengeance qui se complaira devant les allées et venues de Klaus dans le village à la recherche de sa femme, les portes closes qui ne s'ouvriront pas malgré les coups redoublés, malgré l'angoisse croissante de l'homme qui se retrouvera soudain seul au milieu de la nuit et du village refermé sur lui-même, se tena t à l'écart comme une bête craintive pour éviter tout contact, lui donnant à penser qu'il est victime d'un sortilège, que tout le monde est mort, qu'Anna est morte elle aussi ou bien lui et qu'il est un revenant
c'est pour cela qu'ils me craignent,
que personne ne veut me voir,
m'écouter
et en proie à cette sensation de cauchemar il continuera à tambouriner aux portes, à parcourir péniblement les rues d'Eisingen jusqu'à ce qu'un grand gaillard le tire de son inquiétude pour le plonger dans l'horreur en lui apprenant qu'elle a été emmenée à Wurtzbourg, accusée de sorcellerie.
(pp.16-18)
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I l sortit de Wurtzbourg par la porte du Miroir et traversa le pont sur le Main avant la réunion du tribu- nal, avant qu'on n'emmenât Anna de la tour, devant le conseil, pour lui lire les charges qui pesaient sur elle, avant qu'elle ne jette un regard horrifié au juge, à l'instigateur de la cause et à l'examinateur Vogel, le premier aussi petit et le deuxième aussi chétif que le troisième était grand et corpulent un nain, un elfe et un ogre chargés d'estimer si elle était ou non une sorcière,
je n'en suis pas une, messieurs, je crois en un seul Dieu, notre Père Tout-Puissant
commença-t-elle, mais Vogel l'interrompit en lui rappelant que la femme, comme la chienne, doit se taire.
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tout au long de sa vie, il n'avait eu la preuve de la foi absolue que de la part d'un seul homme, son grand-père qui, encore enfant, n'avait pas hésité à se rendre en pèlerinage à Niklashausen et avait connu personnellement Hans Böhm, le Tambour, celui-là même qui avait donné son nom à la colline que Gerda avait contournée et Klaus traversée à sa poursuite, le dernier endroit où l'on racontait que Böhm avait parlé à la Vierge Marie quand on l'emmenait à Wurtzbourg ebchnaîné et recouvert d'une capuche, accusé d'hérésie et de sédition pour avoir affirmé que le quatrième dimanche du carême, dans la grotte de Begharden, la Vierge lui était apparue pour le prévenir que la fin de ce monde était proche et que seuls ceux qui se rendraient en pèlerinage à l'église de Niklahausen seraient sauvés
pour avoir accepté la dîme des quarante-mille pèlerins accourus à son appel et l'avoir répartie à sa guise entre les paysans au lieu de la placer dans les coffres de l'évêché
pour avoir proclamé que l'égalité entre les hommes était une vérité incontestable qui devait devenir effective au cours du siècle et pas seulement dans l'au-delà, que Dieu avait remis à tous les richesses de la terre et qu'elles devaient être réparties entre tous
que les grands seigneurs devaient eux aussi travailler afin de gagner leur pain sans utiliser les mains de leurs serfs et que l'évêque se contentait de monter souvent à cheval, remplir sa bourse avec l'argent des pauvres, manger de délicieuses poules et courir les prostituées
que c'étaient des personnes sans valeur, en somme
l'après-midi de son arrestation, la charrette qui l'emmenait prisonnier à Wurtzbourg s'embourba au pied de la colline et aucune force humaine ou animale ne put la faire bouger avant que Böhm eût fini de converser à grands cris avec le vent qui sifflait sur la colline
ni les soldats qui le gardaient ni la foule qui suivait la charrette ne purent comprendre ce que dit le Tambour ni à qui, et quand ils parvinrent à reprendre la marche, on l'entendit simplement murmurer
c'est un feu qui jamais ne s'éteint
ce qui d'après ses ennemis décrivait l'enfer qui l'attendait, tandis que ses partisans affirmaient qu'il faisait référence au regard compatissant de Marie, reine du Ciel
ou au coeur aimant du Christ, Notre Mère

(pp.63-65)
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toutes les forteresses, les châteaux, citadelles, palais et résidences du Saint Empire et même de la terre entière, toujours bâtis sur le sang et la douleur des misérables
mais ainsi marchait le monde,
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pour avoir proclamé que l'égalité entre les hommes était une vérité incontestable qui devait devenir effective au cours du siècle et pas seulement dans l'au-delà, que Dieu avait remis toutes les richesses de la terre et qu'elles devaient être réparties entre tous
que les grands seigneurs eux aussi travailler afin de gagner leur pain sans avoir à utiliser les mains de leurs serfs et que l'évêque se contentait de monter souvent à cheval, remplir sa bourse avec l'argent des pauvres, manger de délicieuses poules et courir les prostituées
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la douleur et la peur de la douleur étaient les instruments qui avaient serré la vis aux paysans pour qu'ils ne recommencent pas à se rebeller contre l'évêché et pour nettoyer la région de toutes sortes d'indésirables le mendiant qui s'alimentait de la sueur d'autrui le vagabond, qui n'a pas de racines et ne donne donc jamais de fruits le honteux, qui vit le visage tourné vers le passé et la femme, surtout la femme, qui est ennemie, peine, mal, tentation, calamité et danger
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à un moment donné tous doutaient de l'existence d'un plan divin derrière le chaos apparent du monde et la déraison de l'histoire, d'un Dieu avisé derrière les maladies et injustices de la vie, d'un Créateur vertueux derrière la nature contrefaite et brouillonne qui transformait des mules mortes en sauterelles, des chevaux en frelons et la couronne de la Création en un vil étalage de vers ...
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Et pourtant l'homme ne se contente pas de sa condition, il n’accepte pas cette absence de raisons. Il a bâti un monde à l'intérieur du monde, une illusion à son image dans laquelle tout est imbriqué, tout a un sens; un lieu où même la mort a une explication : c'est un châtiment pour son orgueil, le même orgueil qu'il a levé tel un château de cartes. Il se trompe, feint de ne pas comprendre que son monde a la solidité d'un jeu d'enfant. Le gamin prend un bâton et dit : j'ai une épée; l'homme se touche la poitrine et pense: j'ai une âme.
Tu ne dois pas avoir peur de moi, car je ne convoite rien et encore moins ce que tu ne possèdes pas. Ton âme est sauve, je ne la volerai pas, mais elle ne montera pas au ciel non plus; quand tu mourras elle se dissipera comme le givre à midi. Les hommes sont des simulacres qui s'arrogent le droit d'imposer la vérité, de placer sur leur tête ce Dieu absurde qui existe pleinement, puissance absolue, connaissance totale et amour illimité. Comme je te l'ai dit, il n'y a pas de Dieu ou je suis Dieu; peu importe. Je ne veillerai pas sur toi, tu n'iras pas au paradis. Ce qu'il y a là-haut est comme ce qu'il y a en bas : le bruit et la fureur règnent parmi les sphères célestes. Il n'y a pas de trêve, femme; cest pour cela que je dors.
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(…) en raison de légères dissensions dans la façon d'adorer le même Dieu
ce Dieu que Klaus implorait pour que Friedrich fût déjà de retour à Eisingen, où il se dirigeait à toute vitesse, ayant repris des forces après avoir mangé, traversant la forêt en bondissant avec une de ses proies à la mâchoire brisée
le même Dieu que Gerda remerciait de tout cœur pour la faveur qu'elle avait reçue, chantant pour la première fois depuis des années tandis qu'elle préparait la soupe, pelait des pommes de terre et attisait le feu, submergée du bonheur de savoir que la chaumière contiguë était vide
le Dieu auquel s'accrochait Anna pour ne pas s'évanouir une nouvelle fois pendant que l'officier et les laquais lui décrivaient avec délectation le mécanisme des grésillons et de la cigogne, des griffes de chat et de la poire d'angoisse
ce Dieu dont Friedrich implorait la clémence pour son frère, en lui demandant de le pardonner et d'accueillir en son sein la grâce de toute la souffrance qui lui était échue après l'assassinat de ses enfants, et la certitude que Joachim avait senti la mort arriver lui inspirait de l'espoir
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