AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de gouelan


Les hommes sont aveugles, mais ils ne le savent pas encore. Indifférents, malveillants, mais encore vivants. Tout à coup, une blancheur lumineuse emplit le champ de vision d'un homme, effaçant couleurs, formes, visages. Le voilà terrifié, seul et sans repères. La cécité blanche se propage parmi les hommes, faisant de ces nouveaux aveugles des pestiférés, que l'on va bien vite abandonner dans des camps.

C'est le chaos, l'horreur, l'indicible. Des scènes semblables à ce que l'humanité a déjà vécu, lorsque l'homme devient une bête sauvage, sauf que dans ce cas-là, la bête sauvage est aveugle.

Quelle est cette cécité blanche qui laisse l'homme errer à l'aveuglette et dévoile « en pleine clarté », sans qu'il puisse ne rien cacher, sa nature la plus odieuse, la plus honteuse?

Dans ce monde apocalyptique, nous suivons un groupe d'individus internés dans un hôpital de fous. Ils ne sont pas fous, ils sont aveugles, à part une femme qui leur servira de guide, son mari ophtalmologue n'étant plus d'aucun secours dans ce nouvel univers. Dans ce monde on oublie les apparences, on se rattache à un son de voix, à un geste de tendresse, à une écoute attentive. Dans ce camp, l'intimité n'existe pas, l'hygiène est impossible, la faim et la peur commandent.

Ce petit groupe réuni autour de la femme qui voit va se retrouver comme voguant sur un océan de cruauté, dont les vagues de violence tentent de les faire couler. La barque résiste aux assauts de la tempête. À demi morts mais encore à demi vivant, émergeant de l'aveuglante blancheur du monde, capables encore de voir malgré leur cécité. Comme s'ils s'étaient tournés à l'intérieur d'eux –mêmes, à la recherche des sentiments perdus, des mots qui manquent, cherchant une étincelle d'espoir pour « éteindre cette cécité ».

On peut être aveugle de bien des façons. Il n'y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
« C'est une vieille habitude de l'humanité que de passer à côté des morts sans les voir. »

Oui, nous voyons, pour la plupart, mais les apparences, les ombres, la peur, l'égoïsme nous aveuglent. Notre vue manque de sincérité, de vérité. Voir c'est autre chose, un peu comme le dit le Petit Prince.

L'aveuglement est un roman percutant, dérangeant, qui nous oblige à ouvrir les yeux sur la noirceur de l'humanité. J'ai beaucoup aimé l'écriture. Des phrases courtes, des dialogues sans tirets, guillemets, ou retours à la ligne. Comme pour nous mettre dans la peau d'un aveugle, qui ne sait pas qui a parlé, qui ne sait pas où diriger son regard.

Les personnages n'ont pas vraiment d'identité non plus, ils se confondent dans la masse, tous égaux, tous aveugles. L'apparence ne compte plus. L'homme médecin des yeux, qui ne sert plus à rien, la femme guide, qui aimerait parfois ne plus voir, le vieil homme, qui n'est pas si vieux, la femme aux lunettes teintées, qui dévoile sa sensibilité, le garçon devenu orphelin que la jeunesse sauve du désespoir.

« Chaque jour je verrai moins, même si je ne perds pas la vue je deviendrai plus aveugle chaque jour parce qu'il n'y a plus personne pour me voir. »

Ne pas fermer les yeux, éclairer le monde, effacer les ombres, pour que le monde ne devienne pas aveugle et sans espoir.

Commenter  J’apprécie          550



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}