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Critique de 5Arabella


Ecrite en 1966 pour la radio, il s'agit de la deuxième pièce de Nathalie Sarraute, après le silence. Suite à la création radiophonique, la pièce a été montée au théâtre par Jean-Louis Barrault à l'Odéon, précédée par le silence.

Il s'agit d'une oeuvre courte (une quarantaine de pages en édition de poche), qui comporte néanmoins neuf personnages, identifiés par leurs prénoms. Lorsque la pièce commence, un débat est en cours : Pierre n'a pu s'empêcher de dénoncer un mensonge d'un personnage qui n'apparaît pas sur scène, ce que blâment les autres intervenants. le mensonge en cause étant plutôt une mise en valeur de la personne qui le faisaient, sans véritable incidence pour les autres, un mensonge gratuit, celui que tout le monde ou presque fait plus ou moins régulièrement pour donner une meilleure image de soi, aux autres et à soi-même. La majorité dans le groupe est opposée à démonter ce genre de propos, le vivre ensemble (comme on dit maintenant) nécessite de passer sur ce type de propos, qui au fond, ne font de mal à personne. Les membres du groupe chapitrent donc Pierre, et tentent de soigner son irrépressible besoin de vérité à tout prix. Condamnation morale, psychodrame, ou plutôt jeu de rôle, sont utilisées pour faire bouger le récalcitrant. Mais ce dernier a de la ressource, et au final, il fait bouger les lignes chez certains, ou tout au moins provoque un malaise. Avant une sorte de pirouette finale.

Pièce brillante, qui sous une allure anodine pose des questions essentielles, en particulier sur les rapports sociaux, sur la nature des échanges entre les individus. Au-delà de la parole, des faits ou informations transmises, l'essentiel n'est-il pas l'affect, le subjectif, ce que l'on renvoie à l'autre de lui. La poursuite scrupuleuse de la vérité n'est-elle pas juste une manière d'établir un rapport de force en sa faveur ? Ou au contraire, laisser dire l'autre tout en n'en pensant pas moins n'est-il pas un moyen de domination ? Il n'y a pas de réelle bienveillance entre les personnages de la pièce, chacun se positionne dans la hiérarchie sociale, mais la pièce n'est clairement pas psychologique, il y a une approche presque abstraite des questionnements posés. Ce qui ne l'empêche pas d'être drôle, ce qui est incontestablement un tour de force. Une oeuvre brillante, forte, sous une apparence modeste.

Je regrette que les pièces de Nathalie Sarraute ne soient pas plus jouées, sans doute en partie à cause de leur formats atypiques. Pour avoir vu Pour un oui, pour un non, je sais à quel point cela peut-être efficace sur une scène ; je suis sûre que le mensonge peut l'être tout autant, s'il est bien joué.
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