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Critique de 5Arabella


Isma

Toujours conçue pour la radio, comme les deux précédentes pièces de Nathalie Sarraute, Isma est créée en 1970, à la fois en allemand à la Süddeutscher Rundfunk, et en français, dans le cadre des Ateliers de création radiophoniques de France Culture. Elle est publiée la même année chez Gallimard. Elle sera mise en scène en 1973 par Claude Régy à l'Espace Pierre-Cardin. Elle semble encore moins jouée que les autres oeuvres dramatiques de Sarraute : une seule série de représentations notables, à Bruxelles en 1976.

Comme d'habitude, des interlocuteurs anonymes s'affrontent. Ici, Lui et Elle, opposés à un groupe de 3 H (Hommes) et 3 F ( Femmes). Au début de la pièce, un conflit émerge : H1 ne veut pas de dénigrement d'un couple absent, les Dubuit (les seuls à avoir un nom). Lui s'en prend assez violemment à H1, dans un premier temps le groupe suit H1 et ne veut pas consentir au jeu de massacre proposé par Lui et Elle. Mais le couple retourne le groupe et H1 s'en va. le groupe va essayer de donner corps à l'antipathie de Lui et Elle envers les Dubuit en suggérant des choses qui pourraient ne pas aller chez eux, en allant parfois jusqu'à des accusations très graves, sans grand fondement. Mais le couple n'est pas satisfait : cela ne correspond pas à leur ressenti, ce qui les agace vraiment chez les Dubuit, c'est une transformation d'un certain nombre de vocable de isma. Par exemple au lieu de dire capitalisme, ce serait capitalisma, ou structuralisma etc. Cela provoque une impression indicible mais très désagréable chez Elle et Lui. le problème semble insoluble, car il est impossible de reprocher cela à des gens sans passer pour un maniaque. le groupe essaie de saisir cette problématique, qui comme conclut H3 est « ce qui s'appelle rien ».

A partir en effet de rien, d'un petit défaut de prononciation ou maniérisme, Sarraute s'attache à décrire le comportement d'un groupe. A quel point, une sorte de solidarité s'installe, qui permet de déchirer, de s'acharner sur des personnes, dans une manière de tribunal populaire qui a décidé qu'une condamnation doit être prononcée. Mais on oscille en permanence entre l'effroi et le rire, parce que la raison à partir de laquelle on s'apprête à condamner est tellement absurde, que le rire peut surgir. Rien n'interdit d'ailleurs de penser que Lui et Elle se livrent à une farce, même si on peut donner d'autres interprétations. La manière dont un groupe s'agrège en meute est montrée de manière impressionnante : c'est un peu comme un archétype de situations où des individus, acceptent sans les questionner les normes, aussi délirantes soit elles, pour faire partie du groupe. La situation qu'a choisie Sarraute, est une forme d'abstraction, qui peut s'appliquer à tout type de situations, de groupes.

C'est encore une fois remarquable d'intelligence, d'une très grande force, à partir d'un matériel qui peut sembler au départ minuscule, et qui contient en germe l'essence la plus indicible des êtres.
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