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Critique de ManouB


Un livre triste aujourd'hui mais tellement poignant que je ne veux pas repousser sa présentation car il est finalement d'actualité, quand on pense aux intempéries de ces dernières semaines et à ceux qui ont tout perdu en quelques minutes à peine.
Alors qu'elle est bien décidé à en finir avec sa vie, Marie qui va avoir quatre-vingt ans dans quelques jours, décide de coucher par écrit tous ses souvenirs à destination de sa fille, Adèle, qu'elle a élevée seule. Elle lui doit la vérité sur son enfance et la manière dont elle juge avoir abandonné les siens pour fuir la pauvreté et toute la violence vécue durant son enfance. Elle a en effet quitté sa famille dès ses 18 ans, et son jeune frère qu'elle aimait par-dessus tout, pour faire des études et devenir journaliste, pour voyager, aller toujours plus loin. Elle a voulu épargner Adèle jusque-là et lui a tout caché de ce qu'elle a vécu.
Joseph et Madeleine, ses parents ont eu une vie de labeur aux Glycines la ferme qu'ils louaient. Ils devaient donner la moitié de leurs récoltes au propriétaire mais s'en sortaient. Ils ont vu un jour, leurs maigres biens voler en éclat lors d'un court mais intense épisode de grêle d'une extrême violence.
A partir de ce jour-là, le peu de joie partagé en famille disparait. le père devient violent, il s'en prend à Jean, le jeune frère, sourd de naissance ("pas fini" dira le médecin de famille) un enfant qu'il ne comprend pas et dont il n'accepte pas le handicap. Marie a sept ans et c'est elle qui console son petit frère, qui tente de sécher ses larmes, qui lui chante des chansons douces pour le bercer.
La mère mutique tente de protéger ses enfants...jusqu'au jour où la petite Marie, âgée de dix ans à peine, assiste au suicide de son père. Elle aurait pu le sauver, elle était sa préférée, remettre le tabouret sous ses pieds, mais elle ne bouge pas, elle reste paralysée. Elle le regardera se pendre dans la grange désirant au fond d'elle qu'il meure parce qu'elle a peur de sa violence et est bien trop petite pour comprendre que derrière cet acte violent, se cache son désespoir et une grave dépression. Elle gardera pour toujours ce secret enfoui au fond d'elle-même et la culpabilité qui va avec.
Maintenant que tous ont disparu et qu'elle s'apprête à disparaître à son tour, elle veut se racheter, laisser aux oubliettes sa culpabilité, son impuissance à n'avoir pas su ni pu, protéger son frère qu'elle aimait tant...ni son père parce qu'elle ne l'avait pas compris.

Voilà un livre émouvant et écrit de manière très poétique, qui sonne juste mais que j'ai trouvé très dur tant il est poignant. En tous les cas à la lecture des premières pages je me suis demandée si j'allais le poursuivre. Finalement je ne regrette pas de l'avoir fait et je l'ai lu d'une traite !
Il faut dire aussi que l'écriture de l'auteur est très belle. Elle nous touche parce qu'elle est sincère et d'une grande justesse. La personnalité de la narratrice est bouleversante. le regard qu'elle porte sur son enfance, son ressenti sur les événements vécus par sa famille, ses réflexions sur la vieillesse et la manière dont la société traite les personnes âgées, tout est tellement vrai que le lecteur n'a aucun mal à comprendre comment elle en est arrivée à prendre la décision d'en finir avec la vie, son dernier désir, sa dernière liberté pour ne pas dire sa seule liberté.

Le roman est d'abord un vibrant hommage aux paysans, qui dans le roman sont ceux des années 50. Ils étaient pauvres et consacraient leur vie au travail, dans des conditions très rudes, sans aucune aide matérielle extérieure. Leur vie était, tout comme pour les paysans d'aujourd'hui, entièrement liée aux caprices de la nature, ce que nous oublions souvent. C'est aussi pour elle l'occasion de parler des trop nombreux suicides qui ont lieu dans le monde agricole, et qui sont encore à déplorer de nos jours, malgré les aides, trop insuffisantes pour les petites structures.
Le roman aborde plusieurs autres sujets comme la maltraitance des enfants, le handicap, mais aussi la difficulté de se sortir de son milieu social d'origine.
Mais il aborde surtout le sujet encore tabou de la fin de vie et du droit à mourir dans la dignité. Cela peut être choquant que Marie, qui n'est pas malade et encore jeune (80 ans) choisisse de mourir en se faisant aider par une amie infirmière, mais elle ne veut pas se voir vieillir, et elle veut avant tout encore une fois protéger sa fille, lui permettre d'être heureuse avec sa famille, son mari et son petit garçon sans la voir, elle, dépérir.
En lisant le récit de son enfance, en prenant connaissance de ce qu'elle a vécu, le lecteur comprend sa décision sans que jamais l'auteur ne porte aucun jugement sur ses actes.
C'est donc un roman qui nous fait réfléchir et qui lève même un certain tabou, celui de la grande vieillesse et de la mort qui nous attend tous au bout du chemin, nous le savons bien puisque nous sommes en vie aujourd'hui, mais nous n'avons pas forcément envie d'y penser.

Ce livre est pour moi un coup de coeur !
Lien : https://www.bulledemanou.com..
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