C’étaient des connards de riches, après tout, et je leur en voulais de ce que je n’avais pas.
Les membres du Parti pouvaient en apparence railler les idéaux chrétiens qui prônaient la pauvreté et la renonciation aux biens matériels, mais ils étaient au fond d’eux-mêmes persuadés qu’il n’y avait rien de plus ignominieux que de réussir dans une société aussi moralement corrompue que la nôtre.
Mais plus que tout mon père est membre –camarade- du Parti Socialiste des travailleurs. Il en est l’un des plus éminents camarades, à vrai dire, et l’a été pendant l’essentiel de ma vie.
Le Che est assassiné, Martin Luther King est assassiné, et Nixon est élu (elle a voté pour Fred Halstead –quarante-et-une mille vois). Après ça, un troisième enfant naît –moi- et pendant ce temps la guerre du Vietnam s’enlise, les manifestations se font plus violentes, et les réunions plus fréquentes. Le mari et la femme continuent encore et encore, de plus en plus loin, de plus en plus vite, jusqu’au jour où survient une pause, brève, tandis que le mari se tient à la porte de leur appartement, la main sur la poignée, n’osant regarder ni sa femme ni ses trois enfants. Il a une expression penaude et un sac de voyage à la main. Puis, il ouvre la porte et sort doucement sur la pointe des pieds et s’enfonce à jamais dans la nuit.
Mon père est persuadé que les Etats-Unis seront un jour balayés pat une révolution socialiste.