Traître, si tu dis vrai, (mais je crois que tu railles)
J'irai chercher ta vie au fond de tes entrailles.
Beau-père trop hargneux, beau-père trop farouche,
Beau-père assassinant, et beau-père éternel
Qui me viens proposer un acte criminel
Que vous a déjà fait un misérable gendre,
Que vous tâchez déjà de voir son sang répandu ?
Monseigneur Belzébuth qui vous puisse emporter,
Vous aurait-il chargé de me venir tenter,
Si le danger n'était que d'un simple homicide :
Mais vous voulez sur moi voir faire un gendricide,
Et le faire devant la consommation,
Est certes Don Fernand très cruelle action.
Vous ne m'aimez donc pas, Madame la traîtresse ?
Et vous me desservez auprès de ma Maîtresse ?
Ha louve ! Ha porque ! Ha chienne ! Ha braque ! Ha loup-garou !
Puisses-tu te briser bras, main, pied, chef, cul, cou,
Que toujours quelque chien contre ta jupe pisse,
Qu'avec ses trois gosiers Cerberus t'engloutisse.
Mes yeux, mes traîtres yeux qui recouvrent la flamme,
Qui noircit mon honneur, et me couvre de blâme.
Mes traîtres yeux de qui les criminels plaisirs
Me feront à la fin exhaler en soupirs :
Pleurez donc, ô mes yeux, soupirez ma poitrine.
Vous jugez donc d'un homme en voyant son portrait ?
Souvent un vilain corps loge un noble courage,
Et c'est un grand menteur souvent que le visage,
Il est vrai, celui-ci doit se plaindre de l'art,
Et tout y représente un indigne pendard,
Où Diable ai-je pêché ce détestable gendre ?
Et comment Don Fernand a-t-il pu se méprendre ?
Toujours d'un bon auteur la lecture profite,
Et savoir bien des vers est chose de mérite.
Vraiment, l'on dit bien vrai, que toujours les flatteurs
Sont plus crus mille fois que les bons serviteurs.
Quand on souffre en l'honneur, l'amour ne touche guère.