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Critique de ecceom


Un homme inverti en vaut… ?

Je ne connaissais Giorgio Scerbanenco que de nom et de réputation. Une ressortie avec nouvelle traduction dans la collection Totem de Gallmeister que j'aime particulièrement, m'a fourni l'occasion attendue.

L'éditeur précise que « ce roman a paru en Italie en 1966. Il est à lire dans le contexte de l'époque ».
J'y reviendrai.

Nous découvrons Duca Lamberti, ancien médecin radié de l'Ordre. Il vient tout juste de sortir de prison où il a purgé une peine de trois ans pour une euthanasie pratiquée sur une femme en phase terminale.
Il accepte la mission que souhaite lui confier un riche industriel milanais : soigner son fils, alcoolique chez qui toutes les tentatives paternelles de désintoxication opérées à coups de sevrage, de soins, ou de torgnoles, ont échoué.

Duca se rend rapidement compte que l'alcoolisme du jeune Davide est lié à la culpabilité qui le ronge, suite au suicide d'une jeune femme qui avait sollicité son aide.

Duca décide donc d'élucider cette affaire qui se révèle plus complexe qu'imaginée. Il va enquêter, au-delà des limites que lui autorise Luigi Càrrua (important l'accent tonique à cet endroit !), commissaire de police et rare ami qui lui reste.

Nous somme loin avec Duca, du détective anglais stylé ou du hard-boiled américain, mais c'est bien le caractère atypique d'un homme né pour soigner qui s'est trouvé condamné pour une bonne action et qui oscille entre détachement, réflexion, soif de justice et brutalité... qui crée une attirance du lecteur.

Scerbanenco dissèque la société nord italienne, dont les vices sont parfois dissimulés sous le brouillard et où d'autres monstres que la célèbre Bissa (quoi ? Vous n'avez jamais eu d'Alfa Roméo ?) dévorent les innocents et les crédules.
C'est passionnant.

Il convoque aussi une époque et là, on en revient à l'avertissement de l'éditeur.

Certes, la société décrite est très loin des avancées féministes -toutes insuffisantes soient-elles- constatées aujourd'hui.

Mais que dire de la vision de l'homosexualité !

Autant on pourrait s'attendre à une homophobie un peu surannée, celle qu'on retrouve aussi dans des chansons de Brassens (« Les amis de luxe / Des petits Castor et Pollux / Des gens de Sodome et Gomorrhe » ou « Si comme tout un chacun, j'étais un peu tapette »…) ou de Brel (« Oh mais ça c'est votre jeune frère Mademoiselle Germaine, C'est celui qu'est flamingant, Je vous ai apporté des bonbons.. »). Autant, dans "Vénus Privée » on a affaire à du lourd et de l'insistant qui ferait passer du Bigard aviné pour Lamartine. le récit se couvre soudain de formules grossièrement homophobes : « Inverti », « déviant », et de phrases assez ahurissantes : « L'idée de parler avec un infâme pédéraste la répugnait », « à sa façon de prononcer un juron extrêmement vulgaire, elle comprit sur le champ, sans le moindre doute, qui il était : un inverti, un authentique, misérable troisième sexe, maintenant toute l'inconsistance de sa personne physique s'expliquait , ce devait être l'inconsistance monstrueuse des mutants décrits dans les romans de science-fiction , au milieu exact de leur parcours de mutation, quand ils ont encore une enveloppe humaine, mais que leur esprit et leur système nerveux appartiennent déjà à l'affreuse nouvelle espèce », « Le mot « échecs » devait ouvrir les portes secrètes de ce que, à contrecoeur concernant un individu de cette espèce, il faut bien appeler l'âme. »...Etc.

Certes, il ne faut pas confondre l'auteur et le personnage, mais tant d'insistance laisse quand même une drôle d'impression pas pas gaie.

Voici donc un roman passionnant, qui donne envie de lire les aventures suivantes, mais qui fait sur certains aspects, dresser les cheveux sur la tête, même aux non-abonnés au magazine Têtu.
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