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Critique de AMR_La_Pirate


Je découvre avec plaisir le dernier roman de Mélinda Schilge : Tous les matins, elle boitait. Je la remercie pour sa confiance renouvelée et m'excuse pour les longs mois que son livre a passés dans ma PAL…

En mai 1968, une vieille dame, Jeanne, raconte à sa petite-nièce, Lucie, étudiante, comment c'était, de son temps et nous entraine dans le Paris des années folles, pendant la montée de mouvements obscurs du côté allemand et des positions nationalistes françaises.
Elle raconte sa vie de jeune épouse, son amitié avec Marilène, sa cousine, qu'elle n'a rencontrée que lorsque l'Alsace est redevenue française.
Jeanne sortait du lot, avait des velléités d'indépendance, s'intéressait à des sujets politiques, économiques, techniques normalement peu prisés par les femmes. Surtout, elle avait une passion pour le cinéma et a ainsi aidé un cinéaste engagé à témoigner des dérives du parti nazi.

Je pensais que la narration allait prendre la forme d'un chassé-croisé entre passé et présent qui scanderait le récit avec des dialogues entre les deux femmes et un vrai échange de points de vue, ainsi que le début du roman le laissait présager mais l'histoire de Jeanne devient rapidement le point principal de focalisation autour de la difficulté de concilier sa vie de jeune épouse, déjà compliquée pour elle, avec ses convictions politiques.
En fait ,1968 sert d'écrin au passé de Jeanne dont Lucie devient le récipiendaire, au moyen de lettres qui ne nous sont pas données à lire mais que Jeanne raconte à travers son récit enchâssé à la première personne.

J'avoue que je ne savais pas grand-chose de l'histoire de l'Alsace et la Lorraine du temps où elles étaient allemandes… Ce roman nous donne à lire la difficile situation des habitants de ces territoires, quand l'allemand était la langue officielle, de 1871 jusqu'à la fin de la guerre de 1914. La famille de Jeanne est tiraillée par des luttes idéologiques fratricides et elle se sent « investie, seule contre tous, de la mission de sauver l'Alsace du risque nazi ». Mais Mélinda Schilge nous parle aussi de la France d'entre les deux guerres et de l'émergence de mouvements d'extrême-droite, toute une ambiance politico-sociale peu mise en avant par la littérature, du moins à l'horizon de mes lectures personnelles.
La phrase-titre du roman a ainsi peu à peu pris du sens pour moi : celle qui boite est une « femme-horloge » que la narratrice croisait tous les matins. Par la suite, ce personnage prendra de l'ampleur, au point d'illustrer la pensée collective manipulée, poussée à haïr les boucs émissaires désignés : les juifs, les communistes, les noirs, les étrangers… Selon moi, cette boiterie devenait métaphore d'un état d'esprit bancal… Il faut croire que je me trompais puisque l'auteure s'en explique à la fin du roman, quelques pages avant le dénouement. Pour Jeanne, au contraire, cette boiterie est synonyme de force, pour celles et ceux qui avancent malgré les difficultés, « péniblement mais avec confiance ». Ce roman raconte le parcours d'une femme qui a fait ce qu'elle a pu, à une époque où ce n'était vraiment pas facile.

J'ai beaucoup aimé ce roman pour la place qu'il donne à l'émancipation des femmes et pour le choix original de Mélinda Schilge de traiter la montée des idéologies nationalistes en marge de la menace de guerre avec l'Allemagne. Comme la jeune Lucie, je me suis rendu compte que les Français comptaient aussi dans leurs rangs des personnes favorables à la guerre.
Encore une fois, comme avec Ciao Bella, Mélinda Schilge sait se démarquer avec des sujets originaux servis par un faisceau de focalisation atypique.
Bravo !



Lien : https://www.facebook.com/pir..
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