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Fred Huan (Autre)
EAN : 9782956377689
216 pages
(11/04/2021)
4.38/5   25 notes
Résumé :
Jeanne n'est pas une jeune femme comme les autres. Nous sommes à Paris pendant les années folles. Elle aime les automobiles et autres mécaniques du moment, le cinéma, cet art mineur qui perce encore difficilement - alors que son père est peintre. Une fois en âge de se marier, elle s'intéresse peu aux hommes contrairement à ses amies et en vient à se demander si elle saura aimer. De plus, elle vient de se découvrir une famille en Alsace qui parle une langue que l'on ... >Voir plus
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Mélinda Schilge dresse un beau portrait de femme à la fois forte, courageuse et fragile, en proie à des doutes.

Jeanne raconte à Lucie, petite-fille de sa cousine Marilène, son histoire, des années vingt aux années soixante. J'ai découvert à la fin du roman le rôle déterminant que ce récit allait jouer dans la vie de Lucie, jeune étudiante en 1968. Idéaliste, rêveuse et tourmentée, après avoir écouté Jeanne, que va-t-elle décider de faire ?

Jeanne, qui est parisienne, montre à Lucie sa correspondance avec sa famille d'origine alsacienne et, en particulier, Marilène. Ces échanges de lettres sont l'occasion de lui conter sa jeunesse au lendemain de la Première Guerre mondiale. C'est un roman à la fois psychologique, historique et politique, une saga familiale sur plusieurs générations.

Dans les années vingt, Jeanne se passionne pour la mécanique, au moment où les premières voitures se développent, mais aussi pour un art tout nouveau à l'époque, le septième art : le cinéma. Elle aimerait travailler pour l'industrie cinématographique et aide un dissident allemand à réaliser un documentaire qui met en valeur la violence et la propagande du nouveau parti en pleine expansion : le parti national-socialiste des travailleurs allemands (le parti nazi).

L'autrice s'est peut-être inspirée de ses origines alsaciennes pour peindre l'histoire tourmentée de l'Alsace, qui fut allemande de 1870 à 1914 avant de redevenir française entre les deux guerres mondiales. La correspondance que Jeanne entretient avec sa cousine Marilène établit un pont entre la capitale et cette région dont une partie de la population est germanophile.

Hans, le mari de tante Annie, est allemand. En 1918, sa présence en Alsace redevenue française est problématique, il doit partir quelque temps mais il est aussi rejeté en Allemagne. Son destin tragique est révélateur d'un climat tendu sur fond de montée du nazisme et des idées nationalistes. Où s'arrête l'amour d'une région, de sa langue, l'alsacien, aux sonorités si proches de l'allemand ? Où commence le nationalisme, la haine d'autrui?

Les personnages sont nombreux et attachants, ils font entrer dans la complexité des idées, des relations familiales parfois conflictuelles à cause de divergences politiques. Willi, le cousin alsacien qui aime sa région plus que tout, sera-t-il un nazi convaincu ? Quant à Eugène, le beau-frère de Jeanne, qui a été gravement mutilé durant la Première Guerre mondiale, son patriotisme ne pourrait-il pas faire de lui un sympathisant du nazisme?

J'ai aimé le couple atypique que forment Jeanne et son mari Théo. Leur amour devient solide et profond alors que la passion n'était pas au rendez-vous au début de leur union. Jeanne est différente, elle veut s'intéresser à tout ce qui n'est pas réservé aux femmes. Elle veut être courageuse et fait preuve d'une grande ténacité dans sa lutte contre les idées nazies, elle fera aussi l'expérience de l'échec, de la peur. S'engager dans la Résistance, c'est aussi être capable de tuer. le pourra-t-elle ? Comment se terminera son combat ?

Mon seul regret : l'évolution du personnage d'Irmine, la femme de ménage qui boite, à laquelle Jeanne s'identifie. Comme elle, Jeanne avance avec courage et ténacité dans la vie. le fait de boiter devient le symbole des difficultés qui se trouvent sur notre chemin et qui nous empêchent parfois de bien faire comme nous l'aurions souhaité. L'évolution d'Irmine m'a attristée. Elle m'a poussée à m'interroger sur les causes de la montée du nazisme. La crise de 1929 et la rancoeur des « petites gens » ? Je préfère utiliser l'expression « gens aux modestes revenus et position sociale ».

Pour ma part, j'ai tendance à penser que certains patrons et détenteurs de capitaux ont, dans les années vingt et trente, préféré choisir Hitler et son nouveau parti plutôt que Staline, qui a commis lui aussi son lot d'atrocités. La peur de l'abolition de la propriété privée et de la collectivisation, mises en oeuvre par Staline, les a incités à fermer les yeux sur une autre réalité tout aussi effrayante : la montée de la haine raciale, les lois antisémites, les pogroms comme durant la nuit de cristal, les camps de concentration pour intellectuels et dissidents, l'euthanasie pour les handicapés mentaux qui furent les premiers à tester l'efficacité des chambres à gaz etc.

Jeanne est un personnage vraiment tragique dans sa lutte du pot de terre contre le pot de fer. Tout est joué d'avance mais comment faire pour empêcher l'inéluctable ? C'est à la fois un drame intime et collectif qui invite à s'interroger sur les mécanismes de la haine. Comment naissent-ils et comment les empêcher de proliférer ?

Je remercie Mélinda Schilge de m'avoir permis de découvrir son nouveau roman.
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Mai 1968 : Jeanne attend avec inquiétude sa petite nièce Lucie qui n'est pas rentrée de la nuit. Les manifestations grondent dans tout Paris. Quand celle-ci rentre, Jeanne décide de lui raconter sa vie, de sa jeunesse à son mariage, des années 30 à la seconde guerre mondiale, de Paris à l'Alsace, berceau de leur famille.
Il n'était pas toujours facile d'être une femme dans les années d'entre les deux guerres, surtout quand celle-ci s'intéresse plus à la mécanique et au cinéma, qu'à tenir sa maison et préparer des repas pour son cher et tendre. L'auteure nous présente un très beau portrait.
Née dans un couple atypique pour l'époque : (c'est madame journaliste qui fait bouillir la marmite et monsieur peintre peine à affirmer son talent), cette jeune fille va découvrir à l'issue de la guerre de 14 une partie de sa famille redevenue française, avec toutes les tensions que cela peut impliquer : L'Alsace est avant tout alsacienne, mais quelques décennies de vie allemande ne s'effacent pas comme cela surtout quand des mariages ont été conclus. Plus tard, jeune femme passionnée par les techniques nouvelles, elle restera très attachée à sa vie parisienne, mais reviendra souvent en Alsace où vit une cousine de son âge. Ce sont à travers les lettres échangées avec celle-ci qu'elle raconte sa vie à Lucie. Elle s'impliquera plus tard dans la lutte contre le nazisme, allant jusqu'à participer à des actes de résistance. Elle cherchera toujours à apaiser les tensions entre les membres de sa famille et saura survivre à bien des évènements.
C'est un roman très intéressant sur une période difficile, les années folles marquées par la montée des nationalismes et la guerre. J'y ai découvert la situation des ses alsaciens pour qui redevenir Français n'était pas forcement une évidence. J'ai beaucoup aimé le personnage de Jeanne, qui tout au long de sa vie, et dans des périodes troublées, ne va jamais hésiter à suivre son coeur, à se poser des questions, à remettre en cause ce que pensent ses proches. On la sent très isolée, dans son couple, dans sa famille. Ses quelques vraies amies vont disparaitre très tôt dans sa vie mais elle va continuer à mener sa vie cahin-caha, telle une femme qui boite.
J'ai seulement regretté une émotion un peu en retrait, Malgré sa liberté de penser, Jeanne est femme de son époque où on doit toujours faire face, ne pas montrer ce qu'on ressent. le récit est très factuel, j'aurai aimé sentir plus encore ce que ressentait Jeanne.
Merci infiniment à l'auteure pour cette lecture instructive, ce beau portrait.
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Paris 1968, alors que les manifestations étudiantes envahissent les rues, Jeanne héberge Lucie, la petite-fille de sa cousine Marlène, venue faire ses études. Des courriers échangés entre Jeanne et cette cousine Alsacienne vont être l'occasion de plonger le lecteur dans l'entre-deux-guerres.
L'euphorie de la Libération, un espoir de paix, l'Alsace qui recouvre les couleurs françaises. Jeanne est attirée par le jazz, le cinéma, la mécanique automobile, tous les plaisirs de son temps, elle ne se sent pas à l'aise dans les salons mondains où les mères cherchent un bon parti pour leur fille. Cette période d'après-guerre est légère, ce sont les années folles. Mais un mouvement qui sort des entrailles d'une Allemagne mise à terre va petit à petit envahir l'Europe.
J'ai beaucoup apprécié ce roman, tout d'abord par son fond historique et la capacité de Mélinda de plonger son lecteur dans ces années où l'insouciance va laisser la place à l'horreur. le fait que Jeanne soit Alsacienne par sa mère nous permet de comprendre les tiraillements des Alsaciens entre l'Allemagne et la France et leur difficulté de savoir qui ils sont vraiment.
J'ai surtout aimé l'écriture de Mélinda, elle a le talent rare de savoir adapter sa plume à l'époque de son récit. C'est un peu mondain, bourgeois, suranné ; même la description de la scène d'amour entre Jeanne et son mari a ce petit caractère désuet.
Ce roman situé dans cette époque trouble est avant tout le portrait d'une femme courageuse tourné vers l'avenir, qui avance dans la vie, cahin-caha, en boitant, d'où le titre du livre, entre ses convictions, ses doutes, ses engagements, les avis contraires de ses proches.
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Je remercie Mélinda Schilge pour l'envoi, en service presse, de son roman : Tous les matins, elle boitait.
Nous sommes en 1968, Lucie loge chez Jeanne, la cousine de sa grand-mère.
Jeanne n'était pas une jeune femme comme les autres, comme va le découvrir Lucie quand celle-ci lui raconte ses souvenirs.
Nous sommes à Paris pendant les années folles. Jeanne aime les automobiles et autres mécaniques du moment, le cinéma, cet art mineur qui perce encore difficilement - alors que son père est peintre.
Une fois en âge de se marier, elle s'intéresse peu aux hommes contrairement à ses amies et en vient à se demander si elle saura aimer.
De plus, elle vient de se découvrir une famille en Alsace qui parle une langue que l'on pourrait confondre avec de l'allemand, alors que cette région est censée être heureuse de retourner dans le giron français.
Touchée par les violences extrémistes de l'entre-deux guerres, comment va-t-elle concilier ses balbutiements dans une vie conjugale avec des convictions qui la mettent en porte-à-faux avec sa famille, et sa mère en particulier ?
Tous les matins, elle boitait est un très bon roman que j'ai pris plaisir à lire d'une traite. Une fois commencé, impossible pour moi de le lâcher.
Jeanne est une femme libre, elle n'aime pas tout à fait les mêmes choses que les jeunes femmes de son age. Dans les années 20, elle a une liberté d'esprit et d'expression qui contraste avec les autres. Elle va se marier mais rester malgré tout assez libre dans sa façon de voir les choses, de travailler. Elle est assez émancipée vis à vis de son mari. J'ai aimé sa façon d'être. Elle se découvre une famille alsacienne, se pose des questions sur la montée du nazisme.
J'ai apprécié que ça se déroule dans les années folles puis pendant la seconde guerre mondiale. Je connais mal les années 20 et 30, et c'est une période très riche, difficile, que j'ai aimé découvrir.
La construction de ce roman est très intéressante, on découvre ses souvenirs par des lettres au départ puis on plonge dedans comme si elle les racontait.
Jeanne est un personnage très touchant et j'ai adoré suivre sa vie au fur et à mesure que les pages se tournent.
L'histoire est bien ficelée, il n'y a pas de longueurs. Quand à la plume de l'autrice, elle est très agréable.
Je vous recommande ce roman, et je lui mets avec plaisir cinq étoiles.
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Je connais déjà Melinda Schilge pour avoir lu deux de ses précédents romans, le comptable et  Ciao bella où j'avais pu apprécier son style et sa façon d'investir une histoire afin de la rendre la plus vivante possible. J'étais donc très contente de la retrouver dans ce nouveau roman, avec un résumé qui m'intriguait beaucoup. J'aime les histoires où le passé et le présent se mélangent, et où ce passé si fort influe sur le présent.

 

Cela va donc être le cas ici avec l'histoire de Jeanne. Au début du roman, nous sommes en 1968, Jeanne vit à Paris, où elle héberge la petite-fille de sa cousine, Lucie. Celle-ci est emballée par les diverses manifestations qui ont lieu pendant ce mois de mai 1968. Lucie aime parler avec sa grand-tante, Jeanne. Celle-ci va alors lui parler de sa grand-mère Marilène, avec qui Jeanne a tenu une correspondance régulière. Jeanne est parisienne, mais la moitié de sa famille, dont sa cousine fait partie, est alsacienne. Il faut savoir qu'on est alors à la fin de la première guerre mondiale, que l'Alsace vient de redevenir française, mais qu'une partie d'entre ses habitants est encore allemande dans l'âme. Nous, en tant que lecteurs, on connait déjà L Histoire, on sait qu'une deuxième guerre va avoir lieu, on sait la montée du nazisme, et c'est alors très intéressant de voir ce que pensaient ces personnes à ce moment là. Certains proches de Jeanne vont adhérer aux idées du parti d'Hitler, créant ainsi des tensions au sein de la famille.

On suit donc pendant presque un demi siècle, Jeanne et sa famille. Dans les années 20, c'est une jeune femme dynamique, autonome, qui se passionne pour la mécanique, fait plutôt rare dans cette société où la femme ne doit pas aimer les mêmes choses que l'homme et doit se consacrer à sa maison et son foyer. Pour faire plaisir à ses parents, elle étudiera la dactylographie et travaillera dans ce domaine. Mais Jeanne rêve d'autres choses. Elle a découvert le cinéma et tout ce qu'il peut amener comme découvertes et passions. Elle rencontrera Kurt, un jeune allemand, qui a fait un documentaire sur la violence et la propagande du nouveau parti qui prend de plus en plus d'importance en Allemagne. Bien sûr, cela est très mal vu. Même les parents de Jeanne s'opposent à un tel travail.

Jeanne se mariera avec Théodore, et même si l'amour n'est pas si fort que ça au début de leur couple, ils vivront tous deux une belle histoire. Théodore est fascinée par cette femme aux idées peu conventionnelles et la soutiendra bien souvent. Les rapports entre les membres de la famille de Jeanne vont peu à peu se rendre plus on approchera de la seconde guerre. Jeanne se rend compte, grâce au documentaire de son ami Kurt, du danger que représentent les nazis, mais personne ne l'écoute, au contraire même, tout le monde cherche à la faire taire. Et quand on sait ce qu'il va se passer, on se dit que c'est dommage que des personnes comme Jeanne n'aient pas été plus écoutées. On se rend compte aussi, que c'est la classe des gens ayant le moins d'aisance financière qui adhère le plus aux idées allemandes.

 

C'est une histoire qui fait beaucoup réfléchir, sur plein de sujets. Les relations familiales ont été très tendues, et des fossés se sont creusés entre certains membres, qui auront bien du mal à se pardonner une fois la paix revenue. J'ai beaucoup aimé suivre Jeanne et sa nombreuse famille. Les personnages sont nombreux, au début, je cherchais un peu qui était qui, mais cela n'a pas duré longtemps, car ils ont tous des rôles bien précis, des caractères parfois complètement opposés qui fait qu'on arrive très bien à les mémoriser. J'ai trouvé la correspondance entre Jeanne et Marilène très intéressante, elle permet d'avoir plusieurs points de vue différents sur un même sujet, elle permet aussi de voir que chacun aura des réactions différentes qui auront des conséquences sur leurs vies.

Comme je disais précédemment, cette histoire nous fait réfléchir sur les causes de la montée du nazisme, sur ce que Hitler inspirait déjà, sur la fascination que les gens avaient pour lui, sur toutes les promesses d'une vie meilleure qu'il a faites et dans lesquelles les gens modestes ont cru. Ceux qui voyaient le danger n'avaient pas la parole, n'étaient pas écoutés, et étaient même considérés comme des dangers eux-mêmes. Quand on connait le but final de Hitler, on se dit que c'est vraiment très dommage qu'il n'y ait pas plus de réactions. Je ne veux pas faire de politique, là n'est pas le propos, mais cela devrait faire réfléchir, même à notre époque actuelle, les dangers de certains partis sont bien réels…

 

J'ai beaucoup aimé comment Melinda Schilge arrive à nous pousser à la réflexion ainsi, au travers la vie de personnages de roman. On ne peut pas rester insensible devant tout ce qui arrive à cette famille, et on se doute bien que certains faits sont inspirés de faits réels. J'ai aimé la façon dont l'auteure a travaillé ses personnages, qu'elle ait fait de Jeanne une femme qui ne rentre pas dans le moule de la société de cette époque. Et d'ainsi voir comment il est difficile d'être bien considéré quand on ne fait pas ce que les autres attendent de nous.

 

Je me suis très vite attachée à Jeanne, à Marilène, à Lucie, à Théodore, Eugène, à Oma et Opa, aux parents de Jeanne, bref, à cette famille. Certains membres sont plus énervants, mais en fait, c'est comme dans la vie réelle, on a parfois plus d'affinités avec l'un ou l'autre. En tout cas, tous ces personnages sont très bien travaillés, dans ce qu'ils ont de bon comme de mauvais, dans leurs idées, dans leurs ressentis, ce sont des êtres entiers et l'auteure a mis dans chacun d'eux beaucoup de densité et j'aime quand c'est comme ça.

L'attachement à Jeanne est renforcé par le choix narratif de Melinda Schilge qui est celui auquel je suis le plus sensible. Elle a en effet choisi de raconter à la première personne du singulier. Ce « je » est très intéressant, car il permet, pour moi, de ressentir encore mieux les émotions du personnage, de rentrer dans sa tête, et de me confondre avec lui. Et j'ai beaucoup aimé être dans la peau de Jeanne, j'ai vécu son histoire à travers elle, parfois, j'avais envie qu'elle prenne un autre chemin mais dans l'ensemble j'ai apprécié ce que l'auteure lui a fait vivre.

En plus, un autre point que j'apprécie chez cette auteure, c'est qu'elle sait très bien faire correspondre son écriture et son style avec l'époque.. Lucie est une jeune fille moderne, Jeanne a eu 20 ans au début du siècle, elles ne s'expriment pas de la même façon. À l'époque de Jeanne, tout est plus ampoulé, un peu désuet, les gens ne s'adressent pas la parole de la même façon, et j'ai beaucoup aimé que l'auteure fasse cette différence de propos et fasse évoluer son écriture selon l'époque.

Le style est très bon, pas de longueurs, tout est savamment mesuré entre les dialogues et les descriptions. Melinda Schilge sait retranscrire l'ambiance et l'atmosphère. Je me suis vraiment cru dans les années folles, où l'allégresse était de mise après la fin de la première guerre, et j'ai bien ressenti l'ambiance qui devenait plus lourde au fur et à mesure où les crises arrivaient et où on se rapprochait de la seconde guerre. le tout est bien ficelé, bien mené, pour arriver à un final qui est porteur d'espoir. J'aime bien ces fins où on sait ce qui arrive à chacun des personnages, cela me permet d'avoir une vue d'ensemble sur leurs vies, de savoir ce que leurs choix ont eu comme répercussions. C'est très intéressant.

 

Je pense que vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé cette lecture qui m'a poussée dans mes retranchements, mes propres avis ont été parfois malmenés, elle m'a permis de réfléchir sur certains faits. Et j'aime quand ma lecture a ce double rôle de me divertir et de m'instruire en même temps. C'est un roman qui se lit assez vite, une dois dedans, il est très difficile à quitter, car on a envie de savoir ce qu'il va arriver, et cela pousse à lire plus vite. Il règne un certain suspense qui rend la lecture addictive.

Je ne peux vraiment que vous recommander la lecture de ce roman. En plus, je trouve la couverture très jolie, ce qui ne gâche rien. Si vous ne connaissez pas encore Melinda Schilge, c'est le moment de le faire avec cette histoire. Je trouve cela important de lire sur ce sujet, pour faire réfléchir et faire comprendre aux plus sceptiques que la menace existe toujours, elle n'est plus au même endroit, mais elle peut à nouveau être redoutable.


Lien : http://marienel-lit.over-blo..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Je me lançai :
— On m’a informé d’un autre danger, moi, un danger qui viendrait de nouveau du côté allemand. Le Parti nazi…
Je n’eus pas le temps de terminer :
— Tu ne sais pas de quoi tu parles, m’assena-t-elle. Ses traits s’étaient épaissis.
— C’est un ami qui…
Je lui décrivis les images de Kurt et son expérience malheureuse auprès de l’un des instigateurs de ce parti.
— Ne te mêle pas de cela, conclut-elle.
Tandis que j’essayai de m’exprimer, elle avait gardé un regard fuyant. J’avançai le buste en fronçant les sourcils :
— Mère, tu m’as toujours dit qu’il fallait que nous ayons notre opinion, nous, les femmes. Une autre voix s’éleva.
— Jeanne, ne t’obstine pas, trancha mon père.
Son intervention me surprit. Quant à Mère, elle inspira longtemps et plissa les yeux. Puis elle baissa le ton en tournant la tête :
— Il ne s’agit pas de cela. Oma dit que : « Le seul ennemi contre qui il faut se battre est celui qui nous empêche d'aimer. »
— Et ?
Elle savait qu’en évoquant Oma, elle touchait une corde sensible. Mais cette fois-ci, je ne me laisserais pas faire, d’autant que sa phrase, si elle semblait belle, était particulièrement opaque au regard de notre discussion. Sentant que je me braquais, Mère se leva vers la fenêtre noircie par l’arrivée de la nuit.
— C’est trop compliqué. Concernant notre relation à l’Allemagne, je te demande de ne pas prendre parti. C’est la seule façon de ne pas couper l’Alsace en deux. J’ai mis du temps à comprendre. Pour l’amour des nôtres, il faut rester neutre : accorder du crédit aux deux pays.
— Si tu avais vu les images filmées par mon ami, tu saurais qu’il faut que nous combattions ce parti.
[…] Mère ne répondit pas tout de suite. Elle éleva la voix, le poing serré, en inspirant profondément.
— Ne te mêle pas de cela, répéta-t-elle. Tant que nous parvenons à préserver l’unité de notre famille, nous ne devons pas laisser notre colère nous mener à des combats fratricides. Nous devons nous préoccuper uniquement de permettre à notre famille de repartir sur de meilleures bases. L’Allemagne a façonné une partie de l’Alsace d’aujourd’hui. Nous ne pouvons pas faire comme si ces liens n’avaient jamais existé, mais en tenant compte de cela, nous devons aller de l’avant et l’aider à revenir dans le giron français.
— Tu ne comprends pas, je ne te parle pas de l’Allemagne, je te parle d’un parti, qui se trouve à deux pas de chez nous et qui n’hésite pas à recourir à la violence !
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Aujourd’hui, il m’est arrivé une chose terrible : je me suis rendue à la boulangerie pour chercher le pain. La boulangère a retenu la miche : « Je ne suis pas sûre qu’il y ait du pain pour les amis des boches ici. »
Quelques jours auparavant, j’avais reçu une lettre de mon amie allemande, j’étais tellement heureuse lorsque le facteur me l’a remise… L’histoire a fait le tour du village.
Il y a eu la boulangère, puis Willi : « Tu as bien raison de soutenir les Allemands, va, ce ne sont pas les Français qui vont nous aider à rester Alsaciens », m’a-t-il dit quand je me suis plainte.
C’est trop pour moi. À toi je peux le dire : je voudrais aimer mes racines françaises et mes coutumes alsaciennes, sans avoir à rejeter tous les Allemands. J'ai la fenêtre grande ouverte et les gouttes tapotent le Suffel en contrebas. Je voudrais qu’elles m’emmènent jusqu’à la ville. Il me semble que les gens d’esprit, ceux de l’université, échappent à ces dilemmes. Leurs idées s’envolent au lieu de s’enterrer dans nos campagnes. Mais qui tiendrait la maison quand ma mère travaille à la poste ?
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Je me remémorai cette foule, immense, qui m'avait tant impressionnée en 1918 et que j'avais voulu dénombrer. Aujourd'hui, j'avais lâché prise et les illusions s'étaient envolées. Je touchai du doigt quelques constellations. Je souris. Pendant toutes ces années, les choses ne s'étaient pas déroulées comme je les avais pensées, mais de mes élans, de mes certitudes, de mes engagements, de mes colères, il me restait quelques réalisations, des sentiments aussi. Mes origines alsaciennes m'avaient appris que des appartenances aussi fortes que la nationalité pouvaient être déracinées. […] Après que la montée du nazisme avait effacé l’insouciance née de l'armistice de 1918, je l'avais combattu sans héroïsme, mais avec constance. J'avais fait ce que j'avais pu, un peu comme Irmine, qui, chaque matin se trainait au travail malgré son pas boitillant, mais sans succomber à la tentation d’expliquer le malheur, de faire porter le chapeau à des boucs émissaires désignés puis violentés. Avec Théo, j'avais appris à aimer. Nous avions aussi tamisé nos différences pour avancer ensemble.
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Je m’apprêtai à me diriger vers un autre tableau quand il me donna son prénom : Eugène. Il m’expliqua qu’il demeurait ici toute l’année, « le temps que je me fasse au regard de tous ceux qui ne voient en la guerre qu’un caprice de notre époque qu’ils pourraient effacer à grand renfort de fêtes en paillette ». En revanche, il ne me demanda pas mon prénom. Plus tard, je compris qu’il le connaissait déjà. Il resta un moment silencieux. Je crus qu’il allait continuer sa visite guidée. Cependant, il résolut :
— Une femme cultivée, discrète et peu émotive… décidément, oui, je vais vous ramener à mon frère. Vous êtes peut-être un peu trop intelligente pour lui, mais il ne s’en rendra pas compte.
Il me tendit son bras. L'ironie avec laquelle il me conduisit aurait pu être touchante s'il ne l'avait pas accompagnée d’une grimace moqueuse, mais je le suivis sans résistance. Votre frère, je le connais, pensai-je. C'est un jeune premier comme j'en ai rencontré beaucoup dans mes soirées arrangées. Mais lui, il est désespérément sincère. Il cherche une âme sœur comme si son âme en dépendait.
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Tous les matins, elle boitait.

Par Mélinda Schilge





Comment établir un pont avec une jeune fille de mai 68 lorsqu’on est une femme qui a vécu sa jeunesse au sortir de la grande guerre de 14-18 ?

Plutôt que des leçons de morale, Jeanne choisit de déballer sa correspondance avec Marilène, sa cousine alsacienne qui est aussi la mère de Lucie.

Lucie découvre ainsi de l’intérieur, la vie de femmes qui n’avaient pas le droit de vote, dont la sphère d’influence se limitait à celle du foyer, et avaient besoin de l’autorisation maritale pour travailler. Années pas si folles que ça pour la plupart des femmes dont le statut était ni plus ni moins celui d’un incapable majeur.

Souvent dans les romans, l’émancipation d’une jeune fille passe par la découverte de l’amour et de la sexualité. Pour Jeanne, l’émancipation passera par le développement de sa conscience politique. La découverte de ses racines alsaciennes et l’immersion dans la branche de sa famille vivant dans une région redevenue française depuis peu, favorise l’éveil d’un autre point de vue, et lui permet de s’écarter du prêt à penser destiné aux filles. Elle assiste à la montée du nazisme et en pressent immédiatement le côté obscur.

Bravant les injonctions de son environnement, elle choisit son camp et s’y tiendra pendant la deuxième guerre mondiale, découvrant le pouvoir des images grâce à son ami Kurt, réalisateur allemand en fuite, parce qu’auteur d’un documentaire contre le nazisme.

Le style très classique adopté par l’auteure nous permet de mesurer d’autant plus la valeur des écarts de conduite de Jeanne, jeune femme de bonne famille.
Une approche intéressante de l'amour conjugal à construire et à nourrir plutôt qu'à consumer.

Une réserve toutefois sur le titre, dont la signification est livrée en cours de lecture, ne restitue pas à mon avis, la couleur de ce roman.
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