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Critique de ASAI


ASAI
25 novembre 2022
LE LISEUR
Il y a des romans, comme celui-là, courts, où lecteur, tu t'en prends une bonne.
Où quand tu as tourné la dernière page imprimée, tu cherches encore, et quand tu tournes les pages blanches « décoratives « avant d'arriver à la couverture, tu rêves de voir quelques caractères imprimés noirs sur le blanc. Et, non, rien, le blanc, le vide. Alors, tu songes, tu imagines la suite, car tu aurais voulu que cette histoire ne prenne pas cette fin implacable, sans appel, tu voudrais reconstruire l'histoire, remettre en route les personnages, leur donner un nouveau souffle.
Pourquoi ce livre est tombé entre mes mains ? Je ne sais plus trop.
Cette histoire, celle de Michael, est à la fois magnifique et atroce. Horriblement belle.
La force de ce roman, de son écriture, est dans son opposition du Beau et du Laid. Dans un contexte historique clair et précis et ô combien sensible.
Je résume, Michaël a 15 ans lorsque, malade, dans la rue, vomissant, il est secouru par une jeune femme de vingt ans son aînée, elle le secourt très délicatement, efficacement et silencieusement. Il retourne chez elle peu après pour la remercier de son aide, et à la faveur d'une image fugace, sensuelle, tombe amoureux, ils s'aiment pendant quelques mois, puis elle disparaît.
Bien plus tard, elle réapparaît, accusée comme criminelle de guerre, nazie. Gardienne de camp. Auschwitz.
Le roman est à la fois historique, très ancré dans ces années 60's où l'Allemagne n'en finissait pas de sa culpabilité. Certes les plus grands criminels, les plus en vus, avaient été éliminés au cours de procès assez médiatisés, mais il en restait, combien de ces petits criminels, des gens comme tout le monde, ou presque « il n'est pire aveugle ». Hanna, l'amante, fait partie de cette seconde charrette, celle des seconds couteaux. Ne se défendant pas, ou très mal, cachant son analphabétisme, qui alors saute aux yeux de Michael. Lui non plus ne savait pas. Elle le cache, elle a honte. Analphabétisme ou aveuglement quant à la propagation telle une gangrène de la barbarie humaine. Est-ce que son analphabétisme n'est pas le nôtre ? Certes, nous savons lire et écrire, au contraire d'Hanna. Mais est-ce que nous avons su lire ? quand il en était temps ?
Etant honnête avec elle-même, elle ne se défend pas et elle prend le maximum en années d'emprisonnement, au contraire de ses petites camarades qui se défaussent.
Bernard Schlink vient alors en découdre avec la justice ou l'injustice qui laisse passer les faussaires qui ont vu clair et qui voient encore clair et qui condamne les « aveugles ».
Il a soin d'aborder la thématique du qui a fait quoi ? qui sait ? qui savait ? qui aurait dû savoir ? Qui faisait quoi en quelle connaissance de cause ?
Toutes ces questions posées aux Allemands dans les années 50, 60 et 70 encore, mais je pense qu'aujourd'hui ce livre a une portée universelle. A quel moment, n'avons-nous pas été nous aussi analphabètes. Car il est vrai, que il est plus simple, en apparence, de ne pas savoir lire que de lire la réalité, ou, la vérité.
Mais le livre ne s'arrête pas là. Michael, l'adolescent devenu adulte, emblème de cette Allemagne moderne qui se reconstruit, veut oublier le passé. Cependant, il garde le contact avec Hanna. Mais un contact impersonnel, symbolique, de ce lien de la honte avec le nazisme. (« je ne peux pas t'ignorer, mais on en reste au stade de la simple connaissance, merci, au revoir »).
Michael a beaucoup de mal avec la culpabilité. Ne veut rien savoir, « je n'y étais pas, j'étais trop jeune. Puis je ne peux fermer ni mes yeux, ni mes oreilles. C'est aussi mon histoire. »
Il en aura fallu des années, et ce roman, pour qu'enfin on passe de la culpabilité à l'ouverture des portes et des fenêtres et un regard juste, clair, limpide sur ce qui a été.
Le court roman de Bernard Schlink fait partie de cette large et salutaire ouverture, ouverture contre la bêtise et sa copine, l'horreur avec autorisation.
Deux citations pour conclure :
« Je renonçais donc à raconter. Si la vérité de ce qu'on dit, c'est ce qu'on fait, on peut aussi bien renoncer à parler ».

« En même temps, j'étais triste pour elle, triste de sa vie, retardée et ratée, triste des regards et des ratages de la vie en général. Je songeai que quand on a laissé passer le bon moment, quand on a trop longtemps refusé quelque chose ou que quelque chose vous a trop longtemps été refusé, cela vient trop tard, même lorsqu'on l'affronte avec force et qu'on le reçoit avec joie. A moins que le « trop tard » n'existe pas, qu'il n'y ait que le « tard » et que ce « tard » soit mieux que « jamais » ? Je ne sais pas » »
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