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Critique de Sarindar


Le duc de Bourgogne Jean Sans Peur fut longtemps montré du doigt comme le meurtrier de Louis d'Orléans, assassiné après avoir rendu une visite à la reine Isabeau de Bavière en l'hôtel parisien de cette derniere, rue Barbette, dans le Marais, en novembre 1407. Aujourd'hui, on ne négligerait pas ce fait, mais on ne manquerait pas de rappeler aussitôt que le duc Louis d'Orléans avait la bien triste réputation de briguer la couronne de France et d'aspirer à remplacer son frère Charles VI de Valois sur le trône, au besoin en essayant d'attenter à ses jours (il suffit de rappeler l'épisode du Bal des Ardents ; le docteur Jean-Claude Lemaire émit même à une époque l'hypothèse que le roi avait pu être empoisonné à petit feu et rendu fou par l'absorption d'une quantité infinitésimale d'arsenic tous les jours). On sait que Louis d'Orléans se méfiait du duc de Bourgogne et avait pris soin de dresser une ligne de forteresses entre les possessions de Philippe le Hardi puis de Jean Sans Peur et Paris.
Il y avait donc de quoi, pour le duc de Bourgogne, intervenir pour essayer, sinon de rétablir le roi Charles VI dans la totalité de ses droits, du moins essayer d'empêcher que celui-ci fût sous la coupe de son frère Louis d'Orléans.
Jean Sans Peur ne doit pas laisser dans nos têtes que cette image de commanditaire de l'assassinat de Louis d'Orléans. Il fut avant tout un grand duc de Bourgogne et un véritable mécène pour les artistes et écrivains quand il ne se piqua pas lui-même de littérature. Très généreux envers les grands créateurs qu'il sut attirer à sa cour, il fut aussi un courageux guerrier : on le vit lorsqu'il s'illustra lors de la Croisade de Nicopolis, contre les Turcs, dans sa jeunesse ; il en revint auréolé de gloire.
Bertrand Schnerb nous dresse ici le portrait d'un duc qui sut gouverner ses États éparpillés entre Flandre, Artois, Picardie et Bourgogne, qui sut aussi se faire aimer des Parisiens, car sa politique fiscale, quand il tint la capitale, fut nettement plus facile à supporter que celle des rois Valois et de leurs prévôts.
Aussi n'oublia-t-on pas, à Paris comme à Dijon et à Bruges, de faire son éloge funèbre et d'exprimer une tristesse non feinte lorsque, venu pour rencontrer le Dauphin Charles (futur Charles VII) et envisager avec lui de convenir d'une trêve à Montereau, en septembre 1419, il tomba dans un traquenard tendu par Tanguy (ou Tanneguy) du Châtel, en présence du futur Charles VII, et périt assassiné traîtreusement sur le pont qui enjambait l'Yonne, frappé d'un coup de hache et transpercé de coups
d'épée.
Certains dirent que ce n'était que justice et qu'il avait péri comme il avait fait périr, sang pour sang. Mais on doit plutôt déplorer le geste de ses meurtriers, car cela ne fit qu'envenimer la Querelle des Armagnacs et des Bourguigons en précipitant Philippe le Bon, fils et successeur de Jean Sans Peur dans les bras des Anglais, trop heureux d'avoir un allié de ce poids dans la lutte contre les partisans de Charles VII.
Très équilibré, le livre de Bertrand Schnerb ne fait que rendre justice à Jean Sans Peur, sans chercher à le disculper de tout.
Schnerb a su ici faire une biographie qui ne nous retire en rien le souvenir que nous avons de ses analyses sur les structures et le fonctionnement de l'Etat (ou des États) bourguignon (s). Un ouvrage qu'il ne faut pas manquer de lire pour compléter le tableau.
François Sarindar, auteur de : Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu (2010)

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