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Critique de Levant


"La vie lui avait coulé entre les doigts". L'espoir de se démarquer de la grande masse des anonymes s'était évanoui. Il avait presque oublié avoir écrit un recueil de poèmes. La gloire, la traîtresse, était restée muette. Elle avait refusé de braquer sur lui les feux de la renommée. Il était donc resté tapi dans l'ombre de son emploi de fonctionnaire, docile et fidèle. Résigné.

Quelques décennies plus tard, de jeunes inconnus frappent à sa porte et témoignent d'un enthousiasme aussi surprenant qu'inattendu pour son unique recueil de poèmes, exhumé de l'oubli on ne sait trop par quel sortilège.

Confusion, interrogation, méfiance, rejet. La crainte de l'imposture le fait hésiter. Se rassurant au discours enflammé de ses interlocuteurs plutôt sympathiques, surement inoffensifs, une petite flamme se ravive en lui. Leur enthousiasme semble sincère, convaincant, communicatif. Il n'en faut pas plus pour que des souvenirs poussiéreux retrouvent une certaine fraîcheur.

Le fossé qui sépare les générations n'est que celui du temps qui passe, des événements qui s'accumulent. L'histoire se construit ainsi. Mais depuis que l'homme s'est auto promu en haut de l'échelle de l'espèce animale, ses aspirations sont restées les mêmes, transmises et répétées sans érosion de génération en génération : émerger du lot, se distinguer, susciter l'admiration de ses semblables. L'espoir de gloire ne vieillit pas, il ne quitte jamais vraiment le fond de son être. Il n'est jamais trop tard pour espérer. Tant pis si l'orgueil et la cupidité sont aussi de la fête.

Aussi, lorsque Saxberger, le poète en mal de succès, entrevoit une perspective de reconnaissance de son talent, il se prend à espérer, à son âge. Ses sens se raniment, l'émotion le gagne. La fréquentation d'un club littéraire de jeunes exaltés le stimule. le fossé entre générations se comble. On organise un spectacle littéraire. Les journalistes sont là. La gloire enfin ?

Sans la reconnaissance de ses congénères, la créativité de l'artiste s'essouffle et finit par s'éteindre. Ce sont les autres qui le font naître au monde. Saxberger retrouve un élan de jeunesse. Se peut-il qu'une oeuvre mûrisse d'elle-même et ne reçoivent pas le même accueil à quelques décennies d'écart ? L'inspiration sera-t-elle à nouveau au rendez-vous ?

Voilà un beau texte, bien sage, qui démentira la réputation licencieuse dont son auteur s'est vu affublé. Il est fait d'une écriture souple, précise, léchée, très agréable à lire. Il n'est certes pas destiné aux amateurs de lecture à sensation. C'est l'exploration d'un sentiment, une bouffée de jeunesse, comme le dernier mieux de celui qui va rendre l'âme.

Seul le corps vieillit. La sensibilité reste intacte, jusqu'au dernier souffle.

Merci à Babelio, aux éditions Albin Michel, de m'avoir fait découvrir cette oeuvre en avant première de sa parution.
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