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Critique de enjie77


Marseille 1940 – 1941, le Vieux Port, le Cours Belsunce, tous ces lieux fourmillent de réfugiés en transit, ils courent d'un consul à un autre, de la préfecture à la compagnie maritime, d'espoir en désespoir, dans un univers administratif absurde, « à devenir fou », errant dans la ville, désoeuvrés. Ils attendent le « Sésame » qui leur permettra de partir, d'embarquer sur un bateau qui les emmènera vers une nouvelle vie si le bateau arrive à bon port.
Mais voilà, vu les multiples démarches, les nombreuses garanties à donner émanant de services totalement indépendants les uns des autres voire du pays de destination, il arrive qu'une autorisation survienne alors qu'une autre, accordée précédemment, soit parvenue à échéance et il faut tout recommencer !
Tout cela avec la peur au ventre, la hantise de voir apparaître une croix gammée, d'être raflé, envoyé aux travaux forcés ou déporté. Effrayant de s'installer dans un café en fixant la porte, toujours aux aguets où à la recherche d'un regard connu.
Dès les premières lignes du récit, j'ai ressenti le ton désabusé du narrateur anonyme qui, assis dans un café, invite le lecteur à s'assoir près de lui afin de pouvoir lui raconter son histoire.
« Il fut un temps où je m'embarquais facilement dans des histoires dont j'ai honte aujourd'hui. Un tout petit peu honte puisqu'elles sont passées. Mais j'aurais terriblement honte si j'embêtais les gens. Pourtant, je voudrais pour une fois tout raconter depuis le début » (page 13).
Dans cette histoire, il sera aussi question du manuscrit d'un écrivain autrichien Weidel qui se suicidera au moment de l'invasion allemande dans sa chambre d'hôtel à Paris. Cet évènement ne sera pas sans rappeler le suicide d'Ernst Weiss, ami d'Anna Seghers, comme celui de ces trois écrivains allemands qui dans les années 1939 -1941 se suicideront pour les même raisons : Walter Hasenclever, Carl Einstein et Walter Benjamin qui devant la collaboration du gouvernement français, ont eu le sentiment de ne jamais pouvoir échapper à leurs bourreaux nazis.
Anna Seghers, pseudonyme de Netty Reiling, romancière juive allemande, communiste, écrira ce roman en 1941 sur le bateau le « Capitaine Paul Lemerle » qui l'emmène, elle et sa famille, en exil loin de l'Europe, à Mexico grâce à l'intervention de la « League of American Writers » et je comprends mieux ce « ton désabusé », elle qui croyait dans les valeurs de la France, sa narration suinte la désillusion, l'amertume.
Anna Seghers a connu ces journées d'angoisse, seule attablée au Vieux Port à regarder la porte et à trembler. Son mari a été enfermé au camp du Vernet puis au camp des Milles avant leur départ pour Mexico.
L'écriture m'a propulsée à Marseille avec les fugitifs. Je me suis sentie prise au piège, enfermée à Marseille. Une sensation de claustrophobie m'a étreinte, j'avais hâte de terminer ce livre.



J'ai oublié de noter le livre : 5/5
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