AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Eve-Yeshe


Ce livre est très touchant, Seksik nous raconte la vie de la famille Einstein de façon neutre, sans jamais prendre parti. Ce livre est très documenté (l'auteur est médecin ne l'oublions pas) il a fait un travail considérable.
Dans la première partie, il évoque la situation en 1930 de chacun des protagonistes quand Eduard est hospitalisé pour la première fois. Ensuite on assistera à leur évolution parallèlement à celle de la société.
L'auteur a choisi de s'exprimer au nom d'Edouard, à la première personne, nous décrivant sa personnalité, sa pathologie. Il décrit les hallucinations, le délire, les personnalités multiples sans jamais mettre un nom, ou poser un diagnostic.
On voit ainsi le cheminement d'Eduard, sa précocité, son hypersensibilité, combien il est attentif aux êtres et aux choses. Il perçoit que son père ne s'intéresse pas à lui et il en souffre. Il sait l'amour protecteur (trop) de sa mère. C'est un artiste, pianiste de talent.
Mileva est une femme attachante, qui n'a pas été gâtée par la vie, elle est atteinte d'une boiterie invalidante, elle vient d'un milieu où il est rare qu'une fille fasse des études, on lui refuse même l'entrée à l'université à Prague et elle doit aller s'inscrire en Allemagne.
Son mariage est une mésalliance car la famille d'Albert ne voulait pas d'elle, une orthodoxe intellectuelle de surcroît. Laquelle famille au passage applaudira l'arrivée d'Elsa une fille comme eux (juive, cousine au second degré d'Albert).
Elle est orthodoxe pratiquante et de ce fait s'oppose souvent à Albert qui proclame son athéisme. Elle arrive à faire baptiser ses deux enfants en cachette. Elle a le coeur déchiré lorsqu'elle doit laisser Eduard à Venise pour sa cure.
Albert est difficile a supporter, je l'avoue, il m'a heurté avec son déni perpétuel et son égocentrisme. Il se défile sans arrêt, laissant Mileva s'occuper de tout. Il n'y a que la science et les grands combats qui l'intéressent : il va prendre position contre le racisme aux USA et militer pour les droits civiques des noirs, dénoncer le maccartisme, ce qui lui vaudra d'être détesté par Hoover tout puissant patron du FBI qui voit en lui un espion communiste à la solde de Moscou ? Il écrit à Roosevelt pour lui dire d'utiliser la bombe atomique contre l'Allemagne nazie, et une deuxième fois pour lui dire de ne pas l'utiliser contre le Japon.
Il est réellement été persécuté à Berlin et il souffre de la haine qu'il provoque aux USA, cela n'a rien à voir avec le délire persécutoire d'Eduard mais la base de son raisonnement est faussée : il essaie de se persuader que c'est mieux de ne pas emmener Tete avec lui alors qu'en fait il l'abandonne. A-t-il honte de son fils?
Sur le plan des grandes causes on ne peut rien lui reprocher. Mais au niveau de sa famille, c'est autre chose. Jamais il ne dira à Eduard qu'il l'aime et qu'il aimerait l'emmener aux USA avec lui. On se demande tout au long du livre s'il ne rend compte ou non des dégâts qu'il cause, s'il est simplement égocentrique ou vraiment narcissique.
La personnalité d'Hans-Albert n'est pas pathologique comme celle d'Eduard mais la personnalité son père a quand même provoquer des ravages chez lui : il part aux USA, Einstein ne peut emmener qu'un de ses fils or Eduard est « fou » donc pas le bienvenu. Que fait Hans-Albert en arrivant ? Il va habiter loin de son père pour n'avoir surtout pas de contact avec lui. En réaction à l'athéisme de son père, il est croyant mais à l'extrême puisqu'il entre avec femme et enfants dans l'église scientiste, sectaire, et qu'il va soigner son fils atteint de diphtérie par la prière refusant tout médicament. Et l'enfant meurt bien sûr mais pour lui c'est Dieu qui en a voulu ainsi. Recherche-t-il une famille aimante ?
Il s'est construit en fait contre son père, s'opposant à lui dans tous ses choix car c'était pour lui la seule façon d'exister.
Il y a aussi le terrible secret : Lieserl leur premier enfant que Mileva est obligée d'abandonner à la naissance et qui va mourir très jeune, qu'Albert l'a obligée à effacer du monde : « elle a abandonné son enfant. Elle a été jusqu'à effacer son nom de la mémoire des hommes. Est-elle digne d'être mère ? le drame d'aujourd'hui n'est peut-être qu'une punition du ciel, un juste châtiment ». P 57
Et ce secret, cette enfant décédée, Eduard l'a sûrement perçu intuitivement du fait de son hypersensibilité, car sa mère se culpabilisait de cet abandon.
Un autre personnage important du livre est la maladie mentale, la schizophrénie dont l'auteur parle si bien des symptômes, (cf. P 79 à 84), les thèmes récurrents dans les délires : les chiens, les rats dans le ventre ( de nos jours ce sont plutôt les extra-terrestres) des traitements barbares de l'époques : cure de Sakel, électrochocs, les neuroleptiques n'existant pas encore, et surtout l'enfermement et ses conditions très dures, les infirmiers sont des gardiens inhumains parfois ; Ex : le coma hypoglycémique déclenché par la cure de Sakel (cf. p 131) très anxiogène aurait être accompagné de maternage alors que c'est l'inverse ici, sans parler de la camisole car on ne perçoit pas qu'il est victime d'hallucinations. Où est l'empathie ?
La tante Zorka est aussi un personnage à part, elle est là comme un fantôme car elle-aussi a fait des séjours dans la même clinique qu'Eduard (schizophrénie, troubles bipolaires on ne sait pas, c'est comme un secret honteux qui ferait attribuer à la famille de Mileva l'origine de la maladie d'Eduard surtout pour Albert…. Sa mort dramatique permet à Mileva de revoir une dernière fois son pays natal où sa famille est portée aux nues, son fils Hans-Albert admiré pour sa conception du pont enjambant le Danube et ou Einstein est désavoué.
On note aussi l'importance de Michele Besso, ami de la famille de longue date et qui sert de père de substitution à Eduard. Il écrit régulièrement à Albert pour l'informer de l'état de son fils…
Albert refusera toujours que son fils soit examiné par Freud car il ne l'aime pas alors qu'Eduard l'admire. On note aussi son animosité vis-à-vis de Zweig lorsque celui-ci lui offre son livre « la guérison par l'esprit ». Il ne s'intéresse qu'à la science qui pour lui explique tout.
Vous l'aurez compris, j'ai beaucoup aimé ce livre et j'espère que mon enthousiasme sera convainquant car il mérite vraiment le détour, par le thème choisi, la façon de le traiter, et le talent du narrateur.

Note : 9/10

Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
Commenter  J’apprécie          367



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}