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Critique de Myiuki


Que feriez-vous si un jour on vous disait que vous êtes le fils de Picasso ? C'est la question à laquelle Pablo essaie de répondre dans ce roman quand sa grand-mère lui explique que l'identité de son père qu'il n'a jamais connu n'est autre que celle du plus grand peintre de son époque ! Dès le départ, on rentre dans un roman qui nous invite au voyage et aux questionnements. le résumé donne envie d'en savoir plus car, à travers l'histoire du petit Pablo, c'est un peu de celle du grand Pablo que l'on découvre aussi. Pour une amoureuse de l'art, et de la peinture en particulier, comme moi, on ne pouvait rêver mieux !

La première phrase du roman "je suis un garçon mélancolique" peut faire un peu peur au début. On se dit qu'on est tombé dans un roman triste, déprimant et qu'on a pas vraiment envie de ce genre de lectures en ce moment ... pourtant, c'est un roman plein d'espoir et de poésie que nous offre ici l'auteur. Oui, le héros de ce roman est une garçon mélancolique, timide, réservé, peu bavard, souvent perdu dans ses pensées, avec lequel on peut avoir beaucoup de mal à s'attacher, moi-même, arrivée à la fin du roman, je me demande si j'y ai réussi. Non, sans doute pas. Je ne l'ai pas trouvé attachant ce garçon, malgré ses phrases, ses pensées qui m'ont beaucoup plu au début du roman (mais là, c'est la plume de l'auteur je pense qui m'a conquise et non le narrateur en lui-même), par la suite, je me suis moins "investie" au travers du personnage, peut-être jusqu'à la fin où je l'ai pour ainsi dire "retrouvé". Pourtant, il a su m'émouvoir, par justement cette mélancolie qui l'habite, qui ne lui laisse aucun répit et qui semble le caractériser dans chacun de ses actes. Un garçon malheureux, qu'on a envie de consoler, certes, mais surtout un garçon courageux, voilà l'image qu'il m'en reste.

Car il connaît bien des malheurs Pablo. D'abord, il n'a jamais connu son père. Non pas qu'il s'en plaigne car il a été élevé dans la giron de deux femmes admirables, sa mère, Téa, et sa grand-mère, Betty. La première apparemment insouciante, croquant la vie à pleine dents, un vrai rayon de soleil, la seconde plus terre à terre, maternelle, soucieuse et très présente. Avec toutes deux, il a des liens d'affectation et d'amour très forts, comme on le ressent d'ailleurs tout au long du roman. Mais alors, me direz-vous, pourquoi est-il malheureux dans ce cas ? On apprend au début du roman que sa mère Téa, a trouvé la mort dans un accident d'avion, ce qui fait de Pablo un orphelin. J'avoue que l'auteur a trouvé des mots magnifiques pour imager la tristesse, le désespoir, dans lesquels Pablo a été plongé suite à cet incident, de même que sa grand-mère d'ailleurs. Ce sont la poésie de ces mots, de ces dix premières pages, qui m'ont fait persévérer dans ma lecture, car sans ça, je ne sais pas si j'aurais continué ... ces émotions du début sont très lourdes à porter pour le lecteur, elles l'agrippent sans lui laisser le temps de respirer, on est de suite projeté dans le tourbillon du deuil et de la souffrance, une entrée en matière plutôt risquée de la part de l'auteur.

Mais j'avoue qu'elle était sans doute nécessaire, comme une explication, une justification, à ce qui allait suivre. A savoir, la découverte du secret de Téa, la possibilité que Picasso soit le père de Pablo et la décision de Betty de partir en France sur les traces de ce père absent. Dans ce que l'on pourrait qualifier de deuxième partie du roman, nous suivons le voyage de Pablo et de Betty, qui les conduira des Etats-Unis au port du Havre, puis à Paris, avant de s'achever dans le sud, à Vallauris. C'est tout une époque, la Grande Époque, que l'auteur nous fait ainsi découvrir, puisque le roman se déroule dans les années 50. C'est encore le temps des voyages en bateau, du Paris de Cocteau, Clouzot et compagnie. On croise de nombreuses personnalités dans ce roman. Même si aujourd'hui, certaines peuvent nous paraître obscures, toutes, à un moment donné, on fait partie de l'Histoire. L'intrigue principale se déroule donc sous fond de documentaire historique, d'une plongée dans le gratin culturel des années 50 et d'un cours magistral sur une France aujourd'hui oubliée. Voilà une partie du roman qui peut sembler on ne peut plus intéressante, qui refuserait un tel voyage à travers le temps et les époques ? Pourtant, je n'ai pas adhéré. Sans doute parce que je l'ai trouvé trop "élitiste" ce voyage, évoluant dans une sphère trop "superficielle" à mon goût. Je n'ai pas aimé la vanité que j'y ai perçu, surtout dans les discours pompeux d'Elise. Non, je n'ai pas apprécié de voir ma belle France exposée sous un tel jour ...

Mais passons, ce n'est qu'un point de vue personnel après tout ! D'un autre côté, ce voyage est avant tout initiatique pour Pablo. Bien sûr, il est venu en France pour retrouver celui qu'il pense être son père, mais il va découvrir ici beaucoup d'autres choses. Tout d'abord, il va rencontrer Elise, la soeur jumelle de sa grand-mère, à travers elle, c'est tout le côté farfelu, gai, délirant, des mondaines parisiennes qui nous est exposé. A ses côtés, Alice, au début, on pourrait croire qu'elle est sa "servante", mais non, c'est en fait sa compagne ! Parlez d'homosexualité dans les années 50, voilà qui est osé. J'ai bien aimé le fait que cela soit amené tout en finesse par l'auteur, ça apporte une touche de profondeur au personnage d'Elise que l'on peut trouver beaucoup trop caricatural par moments. Mais Pablo va aussi découvrir les prémices d'un amour d'adolescent, si l'on veut, avec la flamboyante Sylviane, une jeune fille au fort caractère, buvant du cognac et fumant des cigarettes ! Leurs échanges m'ont beaucoup fait rire ! Même si je n'arrive pas toujours à ma faire à cette manie du vouvoiement ! Bref, Pablo, va faire des rencontres, des découvertes et explorer beaucoup de voies émotionnelles qui sauront attiser l'intérêt du lecteur pour les aventures de ce personnage.

Ce qui m'a le plus marquée dans ce roman, c'est la façon dont l'auteur nous amène à faire la connaissance avec Picasso. Certes, on connaît tous plus ou moins le peintre, son oeuvre, mais ici, l'auteur nous y a joute un portrait de l'homme assez déroutant et inattendu. J'y ai découvert un personnage fascinant ! Mangeur de bouillabaisse, amoureux de corrida, éternel amant ... On apprend sa naissance en Espagne, sa venue en France, sa vie à l'heure actuelle, entouré de ses enfants et de ses amis poètes, cinéastes, toréadors, etc. C'est presque un tableau que nous peint l'auteur, celui d'un artiste hors du commun au milieu d'un groupe de gens hétéroclites mais tous rassemblés autour d'une même idée : la passion. On est surpris par ce qu'on nous montre de Picasso, j'ai notamment beaucoup aimé la scène du film, où l'on voit l'homme se donner à fond dans ce projet, malgré la fatigue, l'épuisement. On y voit aussi un homme talentueux, qui s'essaie à tout, poterie, écriture, etc. Un artiste aux multiple talents, l'essentiel restant la peinture, dont on parle beaucoup aussi dans le texte en évoquant les différentes périodes par lesquelles sa peinture est passée. C'est une image entière que l'on a après lecture de Picasso mais surtout de Pablo. Finalement, ce livre nous permet de faire se rejoindre les deux facettes de ce tout qui a fasciné son époque et fascine encore la nôtre. Un maître assurément !

Même si j'ai trouvé l'intrigue en elle-même un peu "faible" et que je n'ai pas réussi à m'accrocher à tous ces personnages, l'écriture a su me maintenir à flots tout au long de ma lecture. le style de Marie Sellier est simple, fluide, adapté au jeune lectorat qui est ciblé par ce texte. Cependant, il n'est pas non plus simpliste. En effet, il recèle beaucoup de poésie, amène à des réflexions sur soi-même, sur la vie en générale, sur les autres, il est assez profond quand il part dans les monologues intérieurs du narrateur, moins quand il décrit le monde qui l'entoure. C'est un style complexe finalement. J'ai ressenti ce roman comme une toile peinte par l'auteur, les couleurs y ont beaucoup d'importance, que ce soit le noir du deuil et de la tristesse, le rose des capes agitées devant les taureaux devant l'arène, le rouge des cheveux d'Elise, le bleu de la mer, etc. C'est toute une palette de couleurs et d'émotions que restituent ici l'auteur au travers d'une histoire touchante, à la fois belle et triste. C'est très bien écrit, à n'en pas douter. Et la conclusion du roman m'a bouleversée. Je ne m'attendais pas à une histoire aussi forte. C'est un roman d'amour, de passion, une ode à la vie.

Pour conclure je dirais que même si je n'ai pas été personnellement convaincue par ce roman, je l'ai trouvé agréable à lire. L'idée de départ est intéressante et de fait, elle entraîne le lecteur dans un voyage inimaginable dont il n'a qu'une hâte, connaître l'issue. C'est un roman court, qui se lit rapidement mais qui dit l'essentiel. Sa superbe couverture est une invite à la découverte, à la connaissance et il est vrai que l'on apprend beaucoup de choses en se plongeant dans les pages de ce roman. Si vous voulez en apprendre un peu plus sur Picasso sans passer par un cours magistral, plongez dans l'histoire de Pablo sans plus attendre !

PS : à la fin du roman sont ajouter quelques notes de l'auteur qui départagent le réel de la fiction dans le roman, ainsi qu'une chronologie de la vie de Picasso.
Lien : http://coeurdelibraire.over-..
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