Au cours des années qui suivirent, tu rencontreras des artistes, des scientifiques, des rêveurs, tu te lanças dans de longues discussions et des correspondances pleines d'enthousiasme avec des auteurs et des philosophes. Dans un sens, je pense que cela te sauva la vie... et je vais te confier un secret : c'est précisément dans ce but que je t'avais soufflé ton rêve.
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- Vous êtes un fou, lui dis-je. Il n'y a rien d'autre ici que la mort et la solitude.
- Il y a vous, me répondit-il.
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J'ai passé les trois premiers mois de la pandémie seul chez moi à New York, tandis que mon mari était bloqué en Californie. Pendant cette période, j'ai commencé à faire des dessins abstraits, peut-être à cause du sentiment que le monde volait en éclats, et parce que j'avais besoin qu'il se passe la même chose dans mes dessins.
Depuis cinq ans, je travaillais par intermittence sur un livre. Mais, quand j'ai enfin repris cette histoire, j'ai déchiré tout ce que j'avais écrit jusque-là. C'était comme si le récit se brisait en mille morceaux en même temps que tout le reste et qu'un autre livre commençait à prendre forme à partir de ces débris. Au fur et à mesure que j'avançais, des thèmes et des images revenaient : les jardins et les papillons, les pommes, les anges, les feux, les arbres, l'amitié, les îles, les clés, les naufrages, le chagrin, et l'amour. C'est pour cette raison que j'ai décidé d'intituler cette nouvelle version de mon livre Kaléidoscope, parce que tous ces éléments, comme des éclats de verre coloré, tournent, se transforment et se réorganisent pour former quelque chose de nouveau. Et, comme lorsqu'on regarde dans un kaléidoscope, la scène est toujours changeante et on est le seul à pouvoir la voir.
Cependant, une constante est demeurée dans mon esprit tout au long de l'écriture de cette histoire : c'est Port Eliot, une maison que je connais et que j'aime, située dans le sud-ouest de l'Angleterre. Mon amie Cathy St Germans y a vécu longtemps avec son mari, le regretté Perry St Germans, dont la famille possède le domaine depuis plus de quatre cent cinquante ans. Tous ceux qui connaissent Port Eliot reconnaîtront le jardin, les tunnels, les couloirs, les portes et les fenêtres de cette maison bien-aimée de Cornouailles. Cathy et Perry y accueillaient un festival d'art et de musique, et c'est dans ce contexte que j'ai commencé mon histoire il y a cinq ans. Je tiens à les remercier pour le festival de Port Eliot, mais surtout pour leur amitié, qui a changé ma vie sous beaucoup d'aspects. pg 205-206
Une pomme peut contenir tout l'univers.
sans obscurité, il n'y a pas de nuit et, sans nuit, il n'y a pas de sommeil et, sans sommeil, il n'y a pas de rêves.
Les gens voient le temps comme une machine qu'il faut huiler et remonter à l'aide d'une clé. Comme quelque chose qu'il suffit d'entretenir pour le maîtriser? Mais il est peut-être plus sauvage qu'on le croit ! Plus vaste et plus étrange ! Peut-être que le temps est impossible à contrôler, et infini et ... dangereux.
- Tu as dit que tu ne croyais pas aux génies.
- Oui.
- Et aux éléphants ?
- Bien sûr que je crois aux éléphants.
- Pourquoi ?
- Parce qu'ils existent !
- Tu en as déjà vu ?
- Oui.
- Vraiment ?
- J'en ai vu en images.
- Dans des livres, dit le garçon. Comme pour les génies ?
- Tu es très énervant.
Mais il faisait toujours aussi noir et je continuai d'avancer. Lentement, vers ce que j'espérais être le pardon.
Dans un sens, je pense que cela te sauva la vie ... et je vais te confier un secret : c'est précisément dans ce but que je t'avais soufflé ton rêve.
J'avais la sensation que, s'il retirait sa main, je me mettrais à flotter dans l'espace et je disparaîtrais dans les étoiles. Mais elle restait là, serrant fermement la mienne.
Le temps n'existait plus et il n'y avait plus de frontière entre les choses. J'entendis une voix, sans savoir si c'était le garçon qui avait parlé, ou si je l'avais imaginée, ou si j'avais moi-même prononcé ces mots.
- Fais ton premier voeu, me dit-elle.
Mais il était déjà en train de se réaliser.