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Critique de jfponge


Il a fallu à l'auteur plus de quarante années avant de pouvoir écrire ce livre. Impossible, au sortir du camp de concentration de Buchenwald, de décrire la souffrance endurée, le deuil des amis n'ayant pas résisté à la faim, aux coups, à la maladie. Impossible de faire comprendre au monde comment la solidarité entre ces détenus, pour la plupart porteurs d'un idéal et précisément enfermés pour cela, a permis de se ménager des petits instants de bonheur : partager un mégot, monter un orchestre improvisé, jusqu'à des actes beaucoup plus risqués comme détourner des armes pour le jour, incertain, où l'on pourra se libérer. Ce jour tant attendu est enfin arrivé en avril 1945, c'est le début du roman, lorsque l'auteur se rend compte qu'il fait physiquement peur aux trois officiers en uniforme britannique se présentant à l'entrée du camp, trois soldats pourtant habitués aux scènes d'horreur vues sur les champs de bataille. Raconter l'indicible, l'auteur l'a tenté, puis y a rapidement renoncé, ne trouvant ni les mots ni le ton juste à adopter. Il préférera l'action, la vie, cette vie de militant apatride qui va l'amener à défendre des causes qu'il reniera par la suite, longtemps après, lorsque l'envers du décor, sordide, lui apparaîtra. Comme dans toute son oeuvre, Jorge Semprun ne raconte pas une histoire, mais plutôt son travail d'écriture autour de quelques faits saillants restés gravés dans sa mémoire ou resurgissant soudainement au détour d'une lecture, d'une rencontre. Une oeuvre en creux, faisant penser à un sculpteur qui n'aurait conservé que les moules de ses créations. Un roman passionnant, qu'il faut lire en prenant son temps, en suivant patiemment l'auteur là où il veut nous mener, ou nous égarer…
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