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Critique de colimasson


Nous touchons à une grande oeuvre : le Roi Lear de Shakespeare. Grande par son histoire, grande par sa postérité, grande par sa paternité –est-il possible d'émettre une nuance ? Cette histoire est tout simplement incompréhensible.


Heureusement, le protagoniste de la pièce - le Roi Lear- se distingue aisément de ses autres pairs. de même, on cerne à peu près ses trois filles : Goneril, Régane et Cordélia. On comprend que les deux premières sont de perfides hypocrites assoiffées par la promesse d'un héritage qui ne saurait tarder tandis que la dernière est un tendre agneau, aimant son père d'un amour sans borne et sans conditions. On commence à perdre pied lorsque, tentant encore de démêler l'hypocrisie du véritable amour filial, des gonzes se ramènent sur le devant de la scène pour participer au raffut. Ce sont les ducs d'Albagny et de Cornouailles, époux de l'une ou de l'autre des deux premières soeurs. S'il n'y avait que deux ducs, on s'en sortirait encore, mais c'est sans compter les comtes de Gloucester et de Kent, qu'on essaie d'attribuer encore à d'autres femmes ou de lier de parenté avec Lear sans jamais y arriver. Avec une notice sous les yeux, on comprend que l'un est le père de deux fils : l'un est légitime et se nomme Edgar, l'autre est illégitime et se nomme Edmond. On s'en fiche un peu mais il semblerait que ce soit crucial pour le développement de l'intrigue autour de Lear. Comme si la situation n'était déjà pas assez compliquée, Edgar et Edmond sont rivaux et pour sauver son père de la perfidie d'Edmond, Edgar se déguise et prend le nom de Tom, mendiant de Bedlam. Si Lear est devenu fou, on comprend pourquoi : on le deviendrait pour moins, et c'est encore sans avoir évoqué Oswald, le fou du roi, le roi de France, le duc de Bourgogne et d'autres valets sans nom. Leur vie à tous est drôle et gaie : le matin, en se levant, leur préoccupation principale est de savoir qui et comment abattre leur ennemi. L'ennemi change souvent de tête au fil des saisons.


On peut être ébloui par l'intrication des quiproquos et querelles liant les personnages du Roi Lear : Shakespeare semble en effet avoir voulu donner de la densité à son propos qui, tout bien résumé, est un pamphlet contre l'hypocrisie et les relations envenimées par les conflits d'intérêts. Comment faire simple lorsqu'on peut faire compliqué ? En bon précurseur de Barbara Cartland, Shakespeare tisse des intrigues dont la vilenie doit susciter une attention de chaque seconde jusqu'au dénouement final qui, bien que tragique, n'est pas si scotchant qu'on veut bien le dire.


Si le Roi Lear n'impressionne donc pas particulièrement par son fond, sa forme accroche davantage en révélant contre son gré des intentionnalités qui donnent enfin une consistance à la pièce. Comme dans Timon d'Athène, Shakespeare donne la parole à des personnages que l'humanité a déçus. Leur colère jusqu'alors contenue trouve le cadre de la scène pour s'exprimer dans des tirades qui côtoient les sommets de l'insolence et du baroque. le Roi Lear et ses problèmes passent au second rang des préoccupations lorsque les plaintes plus sourdes et plus profondes de Kent et d'Edmond se laissent entendre et le Fou, figure grotesque de son entourage, devient le révélateur non seulement de son désespoir mais aussi de la tragédie universelle de l'homme perverti par la société.


En se focalisant sur l'intrigue du Roi Lear, peut-être passe-t-on à côté du vrai Shakespeare, celui qui se lamentait silencieusement et dignement sur une solitude absolue.

Lien : http://colimasson.over-blog...
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