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Critique de Nastasia-B


Officiellement, Les Deux Gentilshommes de Vérone est une comédie de Shakespeare. Pourtant, si elle avait été écrite par un contemporain espagnol, on parlerait sans retenue de tragicomédie. Car en fait, si l'on veut décrire précisément ce qu'est cette pièce, il faut dire qu'il y a des passages franchement tragiques, d'autres qui relèvent du drame amoureux et que seulement de place en place, on trouve, comme plaquées réglementairement, quelques scènes burlesques.

Ces scènes burlesques sont d'ailleurs, de mon point de vue, un peu lourdes et n'apportent strictement rien à la pièce. le comique (ou pseudo comique) est péniblement soutenu à bout de bras par les seuls valets des deux personnages principaux que sont Protée et Valentin. La mécanique en est souvent lourde et insistante ou bien ne tient que sur des jeux de mots et la polysémie des termes. La seule scène que je trouve un peu drôle est celle du don du chien à la belle Silvia.

Franchement dit, William Shakespeare n'a pas l'âme d'un auteur comique ; en revanche, dès qu'il nage dans le tragique, il est toujours bon. Il sait mettre une tension dramatique, il sait faire affleurer les émotions, il sait créer des situations outrancières où le public que nous sommes ne peut que réagir, s'indigner ou pleurer avec les personnages.

Les thèmes des Deux Gentilshommes de Vérone sont l'amitié et l'amour vus sous le prisme de la fidélité. Protée n'a d'yeux que pour sa belle et douce Julia. Son père s'inquiète de savoir son fils si peu enclin à voir du pays, à cumuler des expériences ou à nouer des relations avec quelques puissants. L'amour est son seul carburant et il est tout près, sous ses yeux à Vérone.

Le meilleur ami de Protée, Valentin, lui n'a pas ce genre de problème. Il en est même à se demander s'il tombera amoureux un jour. de ce fait, il n'hésite pas à voir du pays et à entretenir des relations avec la cour de Milan. Face à ce contraste, le père de Protée décide d'expédier manu militari son fils à Milan, sachant qu'il pourra être pris en main sur place par Valentin.

Voilà qui contrarie méchamment les plans de Protée et de Julia qui avaient justement prévu de célébrer leurs noces sous peu. Tant Julia que Protée apprennent la nouvelle, la mort dans l'âme, et sont bien obligés de se résoudre à une séparation obligatoire le temps de satisfaire les exigences du paternel de Protée. Vibrants échanges de serments de fidélité éternelle, d'anneaux et de sûrement plein d'autres choses…

De son côté, Valentin, hôte depuis seize mois du Duc de Milan sent soudain la carapace de son coeur se fendiller et son organe battre pour les doux yeux de la fille du Duc, Silvia. Il est comme tout troublé, l'ami Valentin, tout chose. Ça ne lui était jamais arrivé, alors comprenez-le. Pour son plus grand plaisir, ladite Silvia n'est pas du tout insensible aux charmes du beau jeune Véronais.

Arrive Protée à Milan. Valentin le reçoit à bras ouverts, le présente au Duc et lui confie même qu'il en pince pour Silvia. Protée de son côté se surprend à ne pas tellement souffrir de la séparation d'avec Julia jusqu'au moment où… il perçoit la fille du Duc. Les yeux s'écarquillent, la mâchoire tombe, un filet de bave commence à couler et Protée se trouve à son tour sous le charme de la Milanaise.

Fera-t-il une infidélité à Julia ? Trahira-t-il son ami Valentin ? Silvia se laissera-t-elle soudoyer ? Julia ne fera-t-elle rien pour se rappeler aux bons souvenir de son fiancé ? le Duc restera-t-il sans rien faire ? Valentin se laissera-t-il pigeonner par son meilleur ami ? Lirez-vous cette pièce pour en connaître le fin mot ?

La seule chose que vous tirerez encore de moi quant à cette pièce est relative aux noms qu'a choisi William Shakespeare pour baptiser ses héros. Protée, qui, comme le dieu grec homonyme à une fâcheuse tendance aux changements d'attitude et Valentin, qui, comme son nom l'indique, était voué à tomber sincèrement amoureux.

Un mot encore sur l'intertextualité qui est mon grand dada. le cadre de la pièce est — vaguement — l'Italie. J'écris « vaguement » car on sent bien qu'il ne s'est guère documenté sur la région et que s'il place son drame là-bas, c'est sans doute uniquement pour faire un appel du pied au Décaméron de Boccace, notamment la huitième nouvelle de la dixième journée qui fournit une partie de la trame de cette tragicomédie. Enfin, je signale que le personnage de Valentin, en particulier dans la deuxième partie de la pièce a très probablement influencé Schiller pour sa pièce Les Brigands.

Il est vrai que cette pièce est plutôt précoce dans la carrière de l'auteur, souvent considérée comme une oeuvre de jeunesse bien qu'on puisse évaluer sa composition autour de l'âge de la trentaine, et n'est sans doute pas la toute meilleure de Shakespeare. Toutefois, voilà une pièce assez plaisante d'après moi et qui ne mérite pas qu'on lui tourne le dos. Certes, je sens un potentiel autrement supérieur au grand dramaturge anglais en matière de tragédie qu'en matière de comédie, mais il n'empêche, on aurait tort de s'en priver. Au reste, ce n'est là qu'un avis protéiforme, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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