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Critique de RogerRaynal


Ce petit livre paru en 1986 aux P.O.F. est une fenêtre discrète sur l'univers disparu de Murasaki-Shikibu, l'autrice millénaire du Dit du Genji. Hormis ce célébrissime roman, seul son journal et les poèmes regroupés dans ce recueil nous sont parvenus. Murasaki-shikibu était comptée comme faisant partie des trente six génies de la poésie japonaise. Magnifiquement traduits et interprétés par R. Sieffert, nous retrouvons en une centaine de pages 125 poèmes dont la plupart sont de Murasaki-shikibu, les autres ayant été compilés de sa main et correspondant à ceux lui ayant été adressé par de fins lettrés, dames de cours ou prétendants de haute lignée. 

Il faut revenir un instant sur la vie des dames de cour à l'époque Héian pour comprendre l'importance de ces textes : Elles étaient enfermées, le plus souvent soustraites aux regards masculins, et ne communiquaient avec leurs prétendants et visiteurs qu'au moyen de poèmes dont les sens cachés n'apparaissaient qu'aux lettrés experts en poésie chinoise ou possédant à fond les légendes classiques de l'époque. Ces dames, instruites et raffinées, éloignées de la pratique du chinois « réservé » aux hommes, inventèrent, si l'on peut dire, la langue japonaise sous sa forme écrite.
Ce sont par leurs poèmes que ces femmes revêtues de douze couches de soie exprimaient leurs joies et leurs peines, leurs sentiments et leurs impressions, et par eux qu'elle accédaient à la renommée. L'immense « dit du Genji » ne compte pas moins de 794 de ces tanka, ensemble de cinq lignes comportant 5, 7, 5, 7 et 7 syllabes, rythme que R. Sieffert a réussi le tour de force de respecter en français.

Ce recueil est présenté de façon intelligente (ce n'est pas toujours le cas des ouvrages où foisonnent des notes en fin d'ouvrage, difficiles à consulter en cours de lecture, et qui multiplient les préfaces), car les poèmes sont présentés sur les pages impaires accompagné non seulement des présentations de la poétesse, qui précise le cadre de leur rédaction, mais aussi des précisions et notes du traducteur qui sont situées juste en face, sur les pages paires.

Quels sont les messages que Murasaki-shikibu nous adresse, par delà un fossé de dix siècles ? Des amies qui vont et viennent « au cri faiblissant des insectes », des nouvelles de pays lointain, parvenus « guidées par la Lune », des souvenirs de voyage où des « vagues dressées dans le soir, rudement s'agitent », la cour effrénée d'un prétendant « au coeur volage » mais qui deviendra son mari, un deuil où « l'univers tout entier, de sombres brume se vêt », mais aussi un ruisseau qui coule, la lune dans la nuit ou un oiseau qui chante : milles fragments d'une vie si lointaine et si proche, et la belle découverte d'un auteur majeur de la littérature mondiale.
Lien : https://litteraturedusoleill..
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