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Critique de JCOates


Je ne pense pas être la seule à faire ça mais parfois j'achète tellement de livres que j'en oublie quelques-uns dont j'ai à peine lu les premières pages avant de décider que, pour l'instant, ils resteraient ranger dans ma bibliothèque. Et puis en quittant ma chambre d'enfant, j'ai abandonné certains de ces livres que j'avais presque oubliés. Pourtant, le titre de celui-ci me revenait souvent à l'esprit. Pourquoi je n'avais pas accroché avant ? Peut-être qu'à l'adolescence, lire une histoire racontée par une mère au sujet de son fils adolescent n'était pas ma priorité. J'étais plus intéressée par l'autre point de vue. Quoiqu'il en soit, je suis ravie d'avoir re-pioché ce livre et de ne pas être passée à côté de ce chef d'oeuvre.

Le roman se présente sous forme de lettres que Eva adresse à son ex-mari. Dès le départ, on connaît le but de ces lettres (le titre était déjà en lui-même assez explicite !). Il s'agit de parler de leur fils, Kevin qui, à la veille de ses 16 ans, a tué sept de ses camarades de classe et une enseignante. le lecteur est d'ores et déjà conscient de l'atrocité des événements, ou en tout cas d'une partie de ces événements.

Ce qui rend ce roman si fort, c'est certainement l'originalité des sujets abordés. L'originalité n'est certainement pas le terme, disons que l'auteur brise des tabous importants. Ainsi, on lit assez rarement qu'un enfant n'est pas mignon, que ses actions ne sont pas toutes bien intentionnées. C'est bien simple, à certains moments on n'en oublie que la mère décrit son enfant, on se retrouve face à la description méticuleuse d'un monstre. Peu de personnages de mère racontent leur absence d'amour pour leur enfant. Personnellement, j'ai tout de suite ressenti de l'empathie pour le personnage d'Eva. J'ai lu que certains lui reprochaient son narcissisme et son égoïsme. Dans ses discours sur sa réussite professionnelle, son hésitation profonde à avoir un enfant, son regret d'avoir quitté sa vie d'avant, je l'ai juste trouvée très humaine et très crédible. L'auteur a su donner du caractère à ce personnage. Quant au fils, on ne peut rien ressentir d'autre que de la haine à son encontre, mais il faut se rappeler bien sûr que son portrait n'est dépeint qu'à travers les lettres de la mère. Deux personnages viennent compléter la photo de famille : le père, Américain typique, presque caricatural, républicain et idéaliste, et Célia, la petite soeur, sage, timide, craintive, qui arrive comme pour sauver la mère de l'enfer qu'est devenu sa vie.

À travers ses lettres, Eva essaie de comprendre l'acte de son fils. Elle essaie également de savoir dans quelle mesure elle peut être tenue pour responsable ‒ une des mères l'a poursuit d'ailleurs en justice pour négligence parentale. Chercher dans l'enfance et l'adolescence de Kevin des signes précurseurs semble finalement assez simple tant la mère peut citer d'anecdotes dévoilant la monstruosité dont son fils est capable. Dès sa naissance, ce dernier semble se lancer dans une lutte contre la mère. Ou bien serait-ce l'inverse ? À de nombreuses reprises, je me suis demandé si je pouvais vraiment juger Kevin alors que l'auteur de son portrait n'était en rien objective. Mais les actes du jeune homme ont toujours mis fin à mes interrogations. le regard du père est complètement à l'opposé. Mais sa naïveté (sa stupidité même !) semble évidente ! Kevin prouve par ses actions qu'il est un enfant, puis un adolescent, froid, calculateur, manipulateur et cruel (même si l'auteur glisse de façon très intelligente des épisodes où la mère avait accusé à tort son fils, histoire de montrer que rien n'est jamais tout noir ni tout blanc). Encore une fois, il est difficile de trouver une trace d'humanité dans le personnage de Kevin.

Je savais en commençant cette critique que j'aurai du mal à rendre compte du talent de l'auteur et de la réussite de ce roman. Notamment parce que je rédige cette critique juste après avoir refermé le livre ! Mais je ne peux que vous inciter à le lire parce que : l'écriture est dense, précise, la forme épistolaire est idéalement choisie pour respecter la parole mais aussi les pensées les plus secrètes de la mère et pour mener l'intrigue jusqu'à la fin (elle-même magistrale) ; le personnage d'Eva est un des personnages les mieux construits que j'ai pu rencontrer, riche, complexe, d'une honnêteté sidérante et rafraichissante ; parce que le personnage de Kevin est un cas d'école et que les frissons que l'on ressent face à la description que sa mère en fait et face à ses actes prouvent que l'auteur sait nous faire oublier qu'il ne s'agit que d'une fiction ; parce que justement l'auteur, en rappelant des faits similaires réels, nous rappelle que de tels histoires existent vraiment et que cela est bouleversant ; parce que j'ai eu du mal à refermer mon livre dès que le métro arrivait à ma station ; enfin et surtout, parce que je sais que cette histoire restera longtemps gravée dans ma mémoire et me traumatisera toujours, signe d'un très bon roman selon moi.
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