Pourquoi, alors, l’histoire d’Apple et celle de Steve Jobs se confondent dans notre esprit ? Parce que l’histoire du héros est au fond celle que nous voulons entendre. Non seulement nous avons soif d’histoires, mais ces histoires doivent mettre en scène des personnages archétypaux. À ces archétypes, nous attribuons la totalité des résultats. Nous sous-estimons le rôle des autres acteurs, mais aussi ceux de l’environnement, des concurrents, et tout simplement de la chance ou de la malchance.
« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait », disait Mark Twain. L’aphorisme, qu’on cite toujours pour encourager la prise de risque, a le mérite de souligner ce qui nous pousse souvent à en prendre : l’ignorance ! Or s’il peut arriver, quand nous tentons l’impossible, que nous l’accomplissions, c’est évidemment rare… Il serait donc bien plus sain d’apprendre à surmonter notre aversion au risque, et à prendre, en connaissance de cause, des risques multiples et calculés.
le fait que tant de projets de réforme échouent peut s’analyser comme une conséquence du fait que toute réforme fait des gagnants mais aussi des perdants : les seconds ressentant les pertes avec beaucoup plus d’acuité que les premiers ne perçoivent les gains, ils se mobilisent pour y faire barrage.
Notre confiance dans la valeur de l’intuition demeure pourtant entière : nous sommes presque tous convaincus d’être capables, au cours d’un court entretien, d’évaluer les aptitudes, les motivations et la capacité à s’intégrer d’un candidat. Et, candidats à notre tour, nous serions choqués qu’une entreprise, sans nous avoir accordé un entretien, nous propose de nous recruter (ou, pire, refuse de le faire). C’est pourquoi la quasi-totalité des entreprises continuent à appliquer des méthodes traditionnelles de recrutement, largement fondées sur l’intuition. Des chercheurs spécialistes du sujet analysent ce comportement comme un cas emblématique de « persistance d’une illusion ».
Faut-il en conclure qu’on ne peut croire « aux statistiques que lorsqu’on les a soi-même falsifiées », comme le disait Churchill ? Non, bien sûr. Mais notre interprétation des chiffres, malgré leur apparente objectivité, est toujours sujette à nos biais de confirmation. Nous ne les analysons qu’à travers le prisme d’une certaine histoire, que nous cherchons inconsciemment à confirmer.
il n’y a pas de bonnes décisions sans un minimum de confrontation des idées, ce qui engendre toujours un certain niveau d’inconfort. Or, pour la plupart des entreprises, l’inconfort est trop grand, et la confrontation n’a pas lieu.