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Critique de BazaR


Décidément mes lectures de ce début d'année sont grisantes.

J'avais une petite appréhension avec ce roman, me demandant si je n'allais pas trouver un récit sur un télépathe qui perd peu à peu ses pouvoirs un peu pauvre. Honte à moi d'avoir douté de Robert Silverberg ! C'est justement dans ce genre d'exercices qu'il était incroyablement doué dans les années 1970.
L'auteur est profondément inspiré. Je l'imagine lâcher la bride à sa plume ou sa machine à écrire, écrivant sans réfléchir, presque en écriture automatique. de nombreux passages hors sol sont de purs moments de bonheur alors que leur thème paraît anodin, comme quand le héros, Selig, met symboliquement sa casquette de guide pour faire visiter son appartement quelque peu décrépi. Silverberg mélange les chapitres de la vie de Selig comme un jeu de cartes et les aligne en apparence au hasard ; un épisode des années 70 est suivi d'un épisode de son adolescence… Parfois Selig parle à la première personne, parfois un narrateur le fait parler à la troisième.

Et chaque épisode apporte son lot d'intérêt, permet de poser une nouvelle pièce sur le puzzle de la vie du héros. Celle-ci est pathétique ; ce n'est pas celle d'un vainqueur qui arrache des avantages à l'existence à coup de dents. On aurait pu penser – et Selig le pense lui-même – qu'un tel don de télépathie l'aurait favorisé. Mais il n'est pas de ceux qui marchent sur les autres sans scrupules, pas comme son soi-disant pote Nyquist. Quelque part, il craint les réactions des gens. Il souffre d'un sentiment certain d'infériorité que le moindre écueil remet en avant. Son don l'enferme dans une solitude. Il le déteste et pourtant il ne supporte pas de le voir disparaître, lentement, peut-être trop lentement justement, avec de courts retours de force qui lui donnent de faux espoirs.

Le sexe irrigue le roman. le Robert Silverberg des années 1970 sait l'insérer naturellement dans son récit ; il a longtemps pratiqué la littérature érotique pour manger. La drogue aussi. Imaginez un coït ou un trip ressentis par télépathie. D'aucun pourrait transformer cela en de l'ignoble pornographique, mais pas Silverberg, en tout cas je ne le ressens pas ainsi. En corollaire, les relations de Selig avec les femmes, ses maitresses mais aussi sa soeur, sonnent souvent tristement mais intensément. Bien qu'il lise dans leur tête, il passe à côté de leurs véritables désirs.

Je ne vous dirai pas comment cela se termine. Je vous dirai seulement que je ne m'attendais pas à une telle fin, en crescendo de tempête avant le calme qui les suit toujours.
Je classe ce livre parmi les études psychologiques de personnages réussies, tel L'homme stochastique, un autre livre de l'auteur que j'ai adoré.
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