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Critique de Woland


Woland
23 septembre 2014
ISBN : 978-2258073401


Parce que Maigret est apparu dans les années vingt, parce que Georges Simenon aussi a écrit de manière si prolifique que certains ont fini par douter de ses dons d'écrivain, on oublie trop souvent qu'il innova dans le domaine du policier à peu près autant qu'Agatha Christie à la même époque et de l'autre côté du Channel. "La Tête d'Un Homme" est là pour nous rappeler ce désir novateur puisque toute l'intrigue repose sur l'analyse d'un crime "gratuit", inspiré à un psychopathe en puissance par le seul désir de tuer "pour le plaisir."

L'homme est supérieurement intelligent, la chance le sert sans doute beaucoup et il ne voit aucun inconvénient à accabler de preuves un malheureux innocent - Joseph Heurtin - qu'il a lui-même placé sur les lieux de l'assassinat pour que la Police en tire les conclusions qui s'imposent mais qui sont hélas ! complètement erronées. le grain de sable, que notre psychopathe n'avait pas prévu, réside en lui-même : en définitive, il veut que son "oeuvre" soit reconnue et, partant, signe ainsi son propre arrêt de mort.

A l'époque en effet, rappelons-le, la Veuve travaille encore très régulièrement pour la Justice et Joseph Heurtin n'est pas loin de passer sous son couperet lorsqu'il reçoit un billet lui indiquant toutes les directives pour une évasion, le tant, à telle heure. Heurtin est un être simple, voire simplet - ceci même si deux experts-psychiatres ont formellement déclaré à la barre qu'il jouissait de toutes ses facultés mentales - et la vision d'un voisin de cellule, lui aussi condamné à mort, qu'on emmène un beau matin, les cris et les pleurs de l'homme surtout, le terrorisent à tel point qu'il décide de suivre les indications fournies par le billet mystérieux. Et tout fonctionne : il se retrouve bientôt hors de la Santé.

Pendant qu'il prend ses jambes à son cou, de l'autre côté des murs, l'élégant et mondain juge Coméliau, qui veillait au bon déroulement de l'affaire en compagnie de Maigret, n'a qu'une seule peur : que cet incorrigible commissaire, avec sa massivité et son entêtement d'armoire normande, se soit trompé, que Heurtin soit réellement coupable - après tout, la justice ne s'est-elle pas exprimée sur ce point ? - et que, après l'avoir aidé à s'évader sans qu'il s'en doute, les représentants de l'ordre ne le voient s'évanouir à tout jamais dans la nature. Après tout, ainsi que le rappelle aimablement Coméliau à Maigret plus bourru que jamais, si Heurtin risque sa tête, lui, Maigret, risque toute sa carrière sur une simple intuition.

En effet, pour l'homme du 36, Quai des Orfèvres, qui a tourné et retourné dans tous les sens une affaire dont la conclusion, trop facile, ne le satisfaisait pas, et bien qu'il ait, au vu des preuves matérielles, procédé lui-même à l'arrestation de Joseph Heurtin, de deux choses l'une : ou bien le condamné est fou (du coup, on devrait l'envoyer en psychiatrie et non pas à la rencontre de l'honorable Veuve), ou bien il est innocent et victime d'une machination. Têtu comme toujours, serrant de plus en plus fort les dents sur sa célèbre pipe, notre commissaire n'en démord pas et est même parvenu à ébranlé le Parquet. D'où cette "expérience" inattendue d'une évasion facilitée par les gardiens de celui qui se fait la belle, et qui va, c'est l'espoir avoué de Maigret, révéler dans l'intrigue des fils jusqu'ici demeurés trop ténus pour qu'on les voie.

La traque de Heurtin commence. Et comme l'avait soupçonné le commissaire, d'étranges réactions se font jour. Passe encore pour le neveu de la riche Américaine assassinée : après tout, l'affaire le touche de près puisqu'il hérite de Mrs Henderson. de là, maintenant, à se suicider, c'est tout de même intrigant ... Mais surgit très vite de l'ombre un personnage hors-norme, rouquin et sarcastique, qui, manifestement et même si cela n'était pas apparu à l'instruction, sait quelque chose sur l'assassinat.

... Mais quoi, exactement ? Et pourquoi aurait-il tué Mrs Henderson et sa dame de compagnie ? le mobile fait défaut. Mais Maigret s'acharne : une fois de plus, il veut comprendre.

A lire, non seulement pour l'intérêt du récit mais aussi parce que "La Tête d'Un Homme" constitue l'une des toutes premières études de "crime gratuit" de la littérature policière francophone du XXème siècle. ;o)
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