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Critique de Woland


Quelle claque, les amis ! Ces "Scrupules de Maigret" constituent sans aucun doute l'un des meilleurs volumes de toute la série ! Et pourtant, intrigue minima avec un simple trio : le mari, l'épouse, la belle-soeur. Mais alors, quelle splendeur dans l'analyse psychologique, quelle assurance dans le trait, quelle passion aussi de l'écrivain, on le ressent bien, pour cette histoire en apparence si simple et qui, en fait, pour Maigret (comme pour nous) va devenir un vrai casse-tête alors même qu'aucune enquête n'ait officiellement ouverte !

Un début tout simple avec l'apparition, telle une timide souris grise, d'un certain Xavier Marton, vendeur aux Magasins du Louvre et spécialiste du rayon "Jouets" (et tout particulièrement des trains électriques), qui demande à voir Maigret. C'est un homme au physique relativement plaisant, un peu timide, certes, nous l'avons dit mais qui entend exposer tout ce qu'il a à dire et mener son discours à la vitesse qu'il désire - un homme qui, finalement et quoi qu'il en puisse dire par la suite, ne se laisse pas impressionner. Au début, Maigret ne prête guère attention à ses paroles. A peine un petit réflexe de surprise et de perplexité quand Marton lui confie qu'il est allé de son propre chef se faire examiner par un neurologue afin que le praticien lui confirme qu'il n'est pas fou. Sans plus cependant. Car Maigret est dans l'un de ces jours doucement mélancoliques où l'on se rend compte qu'on vieillit, et vos proches aussi. (Il a appris, par son ami Pardon, que Mme Maigret doit suivre un petit régime à cause d'un essoufflement qu'elle ressent quand elle monte ses escaliers.) Enfin, Marton lui sort un simple emballage, du style de ceux utilisés encore par certains pharmaciens et laborantins de l'époque, contenant une poudre blanche. Poudre, bien sûr, que lui, Marton, qui n'hésite déjà pas à affronter la Faculté pour savoir s'il a toute sa tête, n'a pas hésité un seul instant à faire analyser après l'avoir extraite d'un flacon "bizarre" qu'il a, selon lui, trouvé planqué dans un placard pour le ménage, à son domicile. Cette poudre, c'est du phosphure blanc, un poison mortel. Et Marton laisse entendre que l'empoisonneuse ne peut être que sa femme, Gisèle ... Ce qui ne l'empêchera pas, lors d'une seconde entrevue avec Maigret, d'admettre, toujours avec cette redoutable simplicité qui n'a l'air de rien, que lui-même peut très bien s'être procuré le phosphure blanc ...

Le lendemain (ou l'après-midi suivant, à vrai dire, j'ai vu défiler tant d'Airbus 320 aujourd'hui que je ne sais plus très bien ), rebelote. Mais cette fois, c'est Mme Marton qui vient étaler son jeu devant Maigret. Les mêmes faits, phosphure en tête, mais racontés, comment dire, de l'autre côté du miroir. Mme Marton semble avoir encore une certaine affection pour son mari et elle sait qu'il la soupçonne de vouloir le tuer. Mais ce n'est pas le cas, elle l'assure en toute franchise - et en toute simplicité - à Maigret. En fait, Marton, ancien enfant de l'Assistance qui s'est fait tout seul, est, pense-t-elle, plus ou moins paranoïaque. Quant à cette poudre, il va de soi que Mme Marton ne saurait dire comment elle a atterri chez eux. A moins que Xavier ...

Cependant, mari ou femme, aucun ne porte plainte ni ne demande à ce que l'autre soit interné. Bref, Maigret ne peut - ni ne doit d'ailleurs, d'un point de vue strictement professionnel - rien faire. Mais ce cas qui, pour lui, est sans pareil (jamais il n'a rencontré de couple si étrange et pourtant Dieu sait qu'il en a vu défiler pas mal Mr.Red ), le tourmente au point de créer en lui une réelle mais indéfinissable angoisse. Surtout quand il apprend, par une discrète filature mise au point avec Lapointe, que la soeur de Gisèle Marton, revenue veuve des USA, vit chez le couple et éprouve visiblement une grande adoration pour son beau-frère ...

Bien sûr, le drame éclate. Et là, puisqu'il est trop tard, la Loi se montre aussi résignée qu'inflexible : elle donne carte blanche à Maigret. Celui-ci, à force de tourner et de retourner dans sa tête diverses images et divers mots, par un coup d'oeil aussi sur le lieu du crime et sur les protagonistes (l'un mort, effectivement empoisonné, les deux autres bien vivantes), a deviné l'identité de la coupable. Il soupire, les prend toutes deux en voiture, les interroge séparément, selon l'usage - et arrête ...

Peu importe. Ce n'était pas ce à quoi il s'attendait mais quand un type comme Marton veut jouer au plus fin ...

Je n'ajouterai qu'un mot : ce Maigret-là, il faut le lire sans tarder. Prenant, anxiogène, mélancolique, inexorable, il est d'une qualité réellement simenonienne. Que dire de plus ? Sinon qu'on ne le lit pas : on le dévore. ;o)
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