AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de berni_29


Elle est jeune, belle, intelligente, dotée d'un sens artistique indéniable. Elle est anglaise et s'appelle Gemma Bovery. Elle semble être comblée de bonheur et son mari, plus âgé qu'elle, un certain Charlie Bovery, l'aime plus que tout. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf que Gemma Bovery souffre d'un mal étrange : elle s'ennuie. Alors elle convainc son époux de quitter la grisaille de Londres et de venir goûter à la fameuse « french way of life » en s'installant dans un petit cottage de Normandie...
Tiens donc ! me direz-vous, cela ressemble étrangement à un de nos chers classiques, Madame Bovary... Alors, ce roman graphique n'est-il qu'une simple parodie du célèbre roman de Gustave Flaubert ? En revisitant cette oeuvre classique inaltérable, Posy Simmonds va bien plus loin et de manière subtile.
Un couple d'Anglais qui s'installe dans la maison d'à côté, c'est aussi pour Martine et Raymond Joubert l'occasion d'apporter un peu de piment à une vie ordinaire. Surtout à celle de Raymond Joubert, le boulanger du village... Raymond Joubert casse les codes de l'image d'Épinal que l'on se fait traditionnellement de l'artisan boulanger franchouillard : il est cultivé, lit beaucoup, semble voter à gauche, est abonné à Libé et a une folle passion pour le roman Emma Bovary, se désespérant de ne pas pouvoir transmettre cette passion à son fils adolescent... Cela dit, Raymond a un horrible défaut, il est curieux au sens voyeur du terme et malgré nos premières réticences, nos premiers agacements, nous le suivons dans ses pérégrinations, emboîtant le pas dans le sillage de Gemma Bovery, tentant de capter le moindre de ses émois, l'espionnant dans ses escapades adultères...
Le roman s'ouvre d'emblée sur l'évocation du drame... Toutes les autres pages sont un long retour en arrière pour tenter de comprendre... À commencer par Raymond Joubert qui ne s'en remet pas et s'improvise chroniqueur pour nous narrer les faits...
Connaissant par coeur le destin d'Emma Bovary, notre boulanger voyeur n'a de cesse de faire le parallèle avec le chemin qu'entreprend la belle anglaise et qu'il entrevoit comme un écho à la destinée de son héroïne littéraire préférée : l'ennui, l'éveil amoureux, l'adultère et la déchéance... Pressentant déjà comme un affreux présage, une malédiction qui revient, il justifie son voyeurisme par un élan d'empathie et de compassion, une attention pour prévenir le pire... Mais voilà qu'à force de guetter derrière les haies et les fenêtres, voir s'éveiller le désir amoureux de Gemma Bovery, Raymond Joubert sent son coeur chavirer dans un élan de jalousie qui le tord peu à peu de douleur...
Gemma Bovery, c'est un roman graphique plein d'esprit, finement mené, tout le monde en prend plein pour son grade, l'esprit français, la perfide Albion, la confrontation des deux cultures sur fond de politesse délicieusement hypocrite, avec des voisins qui se veulent au premier abord prévenants et qui peu à peu ne s'avèrent pas si bienveillants que cela. Les personnages sont autant attachants qu'agaçants, comme le sont les Français et les Anglais, alors imaginez lorsqu'ils ont l'occasion de partager une histoire ensemble... En dépit d'une histoire emplie de mélancolie, c'est jubilatoire à souhait !
Le graphisme est d'une grande qualité, les textes viennent prendre place avec beaucoup d'acuité, en totale harmonie avec le dessin. Gustave Flaubert aurait sûrement apprécié cet humour un peu léger et cruel...
Au fait, vous ai-je déjà dit que mon coeur battait follement pour Emma Bovary ?
Commenter  J’apprécie          426



Ont apprécié cette critique (42)voir plus




{* *}