Elles adoraient aussi Starsky et Hutch, Drôles de dames, Curro Jiménez, les dessins animés de la Deux, Charlemagne le chien, Tom et Jerry, Vil Coyote…, tout particulièrement le Coyote et Bip Bip, « le terrible volatile », comme l’appelait Bruna. Mais ce dessin animé réjouissait vraiment les deux vieilles femmes. Il a faim, disait la servante pour défendre le Coyote, il faut bien qu’il mange la volaille. Faim, lui ? Qu’est-ce que tu me chantes ?
Et puis le moment propice ne venait jamais. Quand ce n’était pas la visite du médecin, c’était le dernier épisode du feuilleton télévisé ou les fèves qu’on avait mises à tremper. Elles avaient du temps, tout le temps qui leur restait, oui. Mais si l’une des deux mourait d’ici là ?
C’était leur préoccupation essentielle : la mort les troublait et les fascinait tout à la fois.
Bruna mit vivement la main dans son sac, attrapa le paquet, l'ouvrit et tendit une cigarette à Madame. Ensuite elle lui donna du feu. Comme la servante, Olvido toussa deux ou trois fois.
- Çà a un goût...
- De liberté, la coupa Bruna. Les choses ont un goût de liberté, surtout quand c'est des choses interdites.
Peu lui importa la douleur, mais la honte de se retrouver nue devant cet homme qu’elle connaissait à peine était plus qu’elle ne pouvait supporter.
Elle était comme une enfant, voulait tout emporter. De temps en temps, elle relevait la tête et regardait devant elle. Elle restait comme ça, pensive, tranquille pendant quelques minutes, comme une souris qui prend peur en entendant un bruit en plein champ, les ailes du nez vibrant nerveusement. Ensuite elle reprenait sa quête.
conscience. Je ne suis pas une poule, comme toi. C’est la différence entre toi et moi. La différence entre une femme et une poule.
Quand on a cessé d’avoir peur de mourir,
on commence à avoir peur de ne pas mourir.
GERALD BRENAN