Citations sur L'Archipel du Goulag (60)
En août 1918, Vladimir Ilitch [Lénine]...dans un télégramme adressé à Eugénie Bosch, écrivait ce qui suit: "Enfermer les douteux [non pas les « coupables »...] dans un camp de concentration hors de la ville...faire régner une terreur massive et sans merci... »
[...]
Voilà donc où ...a été trouvé... ce terme de camps de concentration, l'un des termes majeurs du XXe siècle, promis à un si vaste avenir international!...Le mot lui-même s'était déjà employé pendant la Première Guerre mondiale, mais s'agissant de prisonniers de guerre, d'étrangers indésirables. Ici, pour la première fois, il est appliqué aux citoyens du pays lui-même.
Le travail aime les imbéciles.
Comme le dit, un vieux briscard des camps :
Si je suis vivant aujourd'hui, c'est que l'autre nuit on a pris un autre que moi sur la liste pour le fusiller;
Si je suis vivant aujourd'hui, c'est que quelqu'un s'est asphyxié à ma place dans la soute inférieure;
Si je suis vivant aujourd'hui, c'est que j'ai eu droit aux deux cents grammes de pain en plus qui ont fait défaut à celui qui est mort.
Mais, hélas, ils sont lents, les fleuves de l'histoire.
Dans la vie des camps, comme au combat, on n'a pas le temps de réfléchir : un emploi de planqué passe à votre portée, vous sautez dessus.
Mais les années et les décennies ont passé, nous avons survécu, nos camarades ont péri. Aux pékins étonnés et aux héritiers indifférents nous commençons à entrouvrir le monde de là-bas, un monde qui ne recèle à peu près rien d'humain, et c'est armé des lumières de la conscience humaine que nous devons l'évaluer.
Et là, un des principaux problèmes moraux qui se posent est celui des planqués.
Climat de l'Archipel : Douze mois d'hiver et le reste du temps, l'été....
Jamais au grand jamais, vous n'entendrez prononcer cette phrase : " Le printemps prochain, je ...." car tout le monde sait qu'il y a encore l'hiver à passer.
En vérité, c'est bien cela : un jour, c'est une vie !
L'arrestation! Est-il besoin de dire que c'est une cassure de toute votre vie? La foudre qui s'abat sur vous? Un ébranlement moral insoutenable auquel certains ne peuvent se faire, qui basculent dans la folie?
Les Solovki avaient cessé d'être ce quelles étaient pour devenir un " camp de redressement par le travail".
La formule suivante est devenu la loi suprême de l'Archipel :
" C'est dans les trois premiers mois qu'il faut faire rendre au détenu tout ce qu'il peut rendre -- après, nous n'avons plus besoin de lui ! "
Quand la prose russe a plongé dans les camps,
Personne ne nous parlera des cahiers brûlés en toute hâte juste avant un transfert, des fragments achevés et des grands desseins que des têtes avaient portés et qui ont été jetés, en compagnie des mêmes têtes, dans le charnier gelé des fosses communes.
Les vers encore se murmurent de bouche à oreille, ils se retiennent et se transmettent, eux mais la prose, elle est trop liée au papier.
Ecrire au camp ? résultat : 25 ans par ricochet....
Mais la mer, pour savoir quel en est le goût, il n'est besoin que d'une gorgée.