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Critique de Nastasia-B


Sophocle est sans conteste mon auteur préféré parmi les tragiques grecs. Il y a une profondeur, une vitalité d'écriture, et même — même ! — j'ose le prétexter, au creux d'une ou deux tirades, parfois, parmi tout ce tragique, une once de comique, un zeste de pétillance. C'était vrai pour Ajax et ça l'est encore selon moi pour Électre.

À beaucoup d'égards, et ce rapprochement a déjà été fait moult fois, Électre est une héroïne qui rappelle énormément Antigone : une rebelle, une fille de roi, qui s'oppose au roi en place, qui préfère prendre des coups, risquer sa vie et la disgrâce plutôt que de lâcher d'un pouce sur la question de l'honneur, et notamment l'honneur dû aux morts.

Ici, la fibre tragique est encore plus tendue car le responsable de la mort d'un père n'est autre que sa propre mère. Aussi, venger l'un équivaut à commettre un odieux parricide envers l'autre. Douloureuse alternative. Mais ça, ce n'est pas tellement son problème car si meurtre il y a, ce devra être l'oeuvre d'Oreste, son frère bienaimé qu'elle a soustrait jadis aux griffes meurtrières de sa mère, Clytemnestre et de son nouvel époux, Égisthe.

Électre passe donc une bonne partie de son temps à se lamenter sur son sort tragique, celui d'avoir vu son père, Agamemnon, assassiné sous les ordres de sa propre mère par le fourbe Égisthe, celui de subir au quotidien les brimades engendrées par son manque d'allégeance au nouveau couple royal, celui de savoir son frère vivant mais ne tentant toujours aucune action pour venir restaurer l'honneur meurtri de son père.

Il est à noter également que, comme dans le cas d'Antigone, Électre est accompagnée d'une soeur non rebelle, qui l'enjoint à accepter son sort sans trop de mauvais ressentiment et qui ne fera rien pour aller contre la volonté des maîtres, creusant ainsi, s'il en était besoin, le fossé entre l'attitude " commune " de la soeur, ici Chrysothémis, et l'attitude de l'héroïne en ce qui concerne la question du droit, de la morale, du légitime et du respect des règles publiques établies.

Tout semble tourner court lorsqu'on vient annoncer à l'infortunée Électre que son malheureux dernier espoir, Oreste, vient de trouver accidentellement la mort lors de festivités dans une cité voisine (festivités proches des jeux olympiques).

La terre s'arrête presque de tourner pour notre rebelle en mal d'action mais...,
mais...,
... toutes les informations sont-elles toujours fiables ? C'est ce que je vous laisse le soin de découvrir par vous-même. Il me reste peut-être encore à tâter deux ou trois mots quant au sens probable, civique et religieux, que cette tragédie revêtait durant l'Antiquité. Il faut peut-être y voir le fait que les dieux sont au-dessus de tout et que, peu ou prou, ils font concourir les événement à la justice. Que le fourbe qui a gagné par félonie sur le juste ne se réjouisse pas trop vite, son tour viendra... les dieux n'oublient jamais rien ni personne ! gnarf ! gnarf ! gnarf ! (rire sadique.)

J'ai hésité longuement à pousser mon appréciation jusqu'à quatre étoiles car, sur l'ensemble de l'impression laissée par cette pièce, pour un lecteur ou un spectateur du XXIème siècle, on ne va pas au-delà d'une impression moyenne. Toutefois, je tiens à saluer cette grande audace stylistique, ce tonique incroyable, cette palpitante écriture qui intervient lors du récit du drame de la course de chevaux.

N'oublions pas que cela a été écrit il y a 2500 ans, qu'il s'agit de théâtre, que le jeu d'acteur est alors très différent de ce qu'on l'imagine aujourd'hui et pourtant, Sophocle nous décoche une scène d'une vivacité d'écriture qui annonce déjà franchement un genre encore inconnu à l'époque et qui fera long feu : le roman.

Rien que pour cette scène, Sophocle peut être qualifié de génie de la littérature. C'est tellement vivant, c'est tellement intense comparativement à ce qui se faisait en ce temps-là que ça mérite un très grand coup de chapeau et tout notre respect. Saurions-nous, aujourd'hui, nous qui ricanons parfois du côté un peu vieillot de certaines pièces, apporter autant d'innovation, autant de jus, autant de style que Sophocle en apporta à l'écriture de son temps ? Alors, respect, Monsieur Sophocle, pour vous qui sûtes électriser les foules avec votre Électre. Au demeurant, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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