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Critique de Matatoune


La femme et l'oiseau est le dernier roman de Isabelle Sorente sur les Malgré nous, ces soldats alsaciens oubliés de l'histoire enrôlés dans une armée qu'il détestaient, souvent faits prisonniers, comme ceux envoyés au camp 188 de Tambov, situé à cinq cents kilomètres de Moscou.
J'avais découvert le talent d'écriture d'Isabelle Sorente l'an dernier avec le complexe de la sorcière. Ce roman-ci relève à la fois du devoir de mémoire mais raconte aussi la transmission entre générations, des réflexions sur la vie, la liberté, la culpabilité mais aussi la méditation et la fusion avec la nature.
Vina, élève de quatorze ans, se fait exclure de son collège après un acte de violence. Sa mère, Élisabeth, profite pour revenir auprès de son grand oncle Thomas qu'elle n'a pas vu depuis si longtemps. Elle adorait s'asseoir enfant auprès de lui dans la forêt proche à observer arbres et oiseaux.
Sans vraiment s'en rendre compte, Élisabeth est proche du Burn-out et a besoin de réduire son rythme de travail de chef d'entreprise de sa société de films documentaires. Elle doit s'interroger sur le sens qu'elle veut donner au reste de sa vie.
Autour de Vina, Élisabeth et Thomas, il y a Mona, l'aide à domicile de Thomas, qui est là pour veiller au confort de chacun, à leur bien-être et à leur sécurité. Car, Thomas est nonagénaire, mais gardant bon pied, bon oeil dans son quotidien.
Isabelle Sorente relie ces trois générations pour que tous apprennent de l'autre pendant les quinze jours de « vacance » que chacun va s'accorder dans son quotidien. Mais surtout, elle décrit concrètement les liens d'affection et de tendresse qui les attachent au delà des liens familiaux habituels et qui va permettre à chacun de grandir à la fois sur le chemin de la connaissance de soi, mais aussi sur l'apaisement de leur douleur enfouie.
La méditation initiée par Thomas tient une place importante. Expérience mystique pour les uns avec communion avec des oiseaux de proie, la femme oiseau, métaphore du souvenir et du passé. Introspection pour d'autres avec la nécessité de se donner du temps pour réfléchir à sa vie. Partage du temps présent en oubliant les pensées parasites encore pour d'autres.
Qu'importe le nom qu'on donne puisqu'il s'agit de retrouver pour chacun des personnages, leur personnalité profonde enfuie souvent sous les rôles sociaux que chacun s'est cru assigner de se vêtir pour exister. du coup, le texte se fait poétique et sensible alternant le récit de chacun.
Mais,
La femme et l'oiseau choisit de présenter un épisode de la seconde guerre mondiale complétement oublié : L'incorporation de jeunes alsaciens, devenus allemands lors de la première guerre mondiale, pour servir l'idéologie nazie. Beaucoup ont du combattre les français au côté de l'armée nazie et subir les assauts de l'armée soviétique aidée de contingents de femmes asiatiques ayant subi des sévices corporels importants.
Et, lorsqu'ils sont faits prisonniers par l'Armée rouge, ils ont été envoyés dans des camp d'internement comme celui de Tambov dès juin 1943. Six à huit mille y ont perdu la vie tant les conditions y étaient inhumaines.
Isabelle Sorente imaginent et décrient les privations, les conditions de vie épouvantables, la promiscuité, les maladies, le froid, etc. au travers du vécu de Thomas et son frère Alexandre. Un homme sur deux mourrait à Tambov après une durée d'internement inférieure à quatre mois. Ce récit, le lecteur le découvre petit à petit au fil de ce roman qui capte sans rendre captif.
Difficile de rendre compte en quelques lignes de ce roman si riche…
Car d'autres thèmes sont aussi abordés. le grand traumatisme écouté mais rarement entendu par l'entourage. L'urgence de protection de la nature. le poids des actes dont on ne peut se soulager. L'expérience de mort imminente. Etc.
Roman émouvant très bien construit, La femme oiseau décrit avec précisions quatre personnalités attachantes, différentes par la génération qu'elles représentent, mais soucieuses d'alléger leurs quotidiens. Isabelle Sorente crée presque un huit-clos où la nature est présente comme ressource mais aussi apaisement. Joli coup de coeur de cette rentrée !
https://vagabondageautourdesoi.com/2021/09/21/isabelle-sorente/
Lien : https://vagabondageautourdes..
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