Elle vient d'avoir les résultats du concours de l'enseignement, elle est admise, son rêve de devenir professeure va se réaliser. Je suis presque aussi émue qu'elle, Sarah rêve d'enseigner depuis que je la connais. Je me souviens même d'une fois, c'était il y a vingt ans, nous commencions à travailler, où elle m'avait dit les larmes aux yeux que cette vie que nous nous apprêtions à mener, ces responsabilités qu'elle s'apprêtait à prendre, tout cela était bien loin de la vie simple dont elle rêvait.
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[ être prof = avoir une vie 'simple' ? ]
Pour lui, les livres étaient vivants. "Si tu les écoutes, ils te parlent.Si tu leur parles, ils t'écoutent."
Il existe un lien de feu entre la sorcière et les livres.
Le Malleus Maleficarum de Heinrich Krämer et Jakob Sprenger est le premier best-seller de l’époque moderne, le livre qui va transformer la vision des décideurs laïques et religieux en matière de sorcellerie. Rédigé d’une façon méthodique, il voit le jour en même temps que l’imprimerie. Un propos efficace, une diffusion sans précédent, ainsi les historiens expliquent son succès. À ces causes rationnelles, j’ai toutefois envie d’ajouter un ingrédient plus sombre : c’est l’humiliation. Le Malleus Maleficarum a été inspiré par un ressentiment mortel. Krämer et Sprenger, ses auteurs, ne sont pas des inquisiteurs ordinaires, ils ne se contentent pas de traquer les hérétiques. Ce sont d’infatigables tueurs de femmes. Deux ans avant la rédaction de leur grand-œuvre, en 1484, ils ont chassé les sorcières de la ville de Ravensburg, arrêtant, condamnant et brûlant une cinquantaine de ses habitantes. L’année suivante, Krämer décide de s’attaquer aux sorcières d’Innsbruck. Mais il rencontre la résistance inattendue de l’évêque qui, non content de faire libérer toutes les prisonnières de la ville, en chasse l’inquisiteur après l’avoir traité de gâteux. C’est à la suite de cet affront que Heinrich Krämer s’attaque à la rédaction du Malleus Maleficarum avec l’appui de Sprenger. L’appel au crime d’un ego mortifié s’apprête à être amplifié sur plusieurs centaines de pages, en plusieurs milliers d’exemplaires, pour la première fois de l’histoire. Ce ne sera pas la dernière.
L'une des façons de savoir si une femme était sorcière était de la jeter à l'eau. Si elle flottait, c'est qu'elle était coupable, et on l'a repêchait pour mieux la brûler. Si elle se noyait, elle mourait innocente.
J'ai toujours su, au fond de moi, que l'absence de silence, d'obscurité, de retraite, faisait courir aux femmes un danger mortel.
C'est cette réalité que traduit l'expression chasse aux sorcières. On ne dit pas chasse aux sorciers. Il existe une expression dans la langue française où le masculin ne l'emporte pas, c'est la chasse aux sorcières. C'est étrange, quand on y pense.
Rien sur la torsion de conscience qui fait qu'en plus de ne pas être crue, la femme qui dit la vérité ne se croit pas elle-même. Au risque de se haïr.
Comment l'Inquisiteur, avec une majuscule, l'Inquisiteur a pu être assimilé, intériorisé, enfoncé à coups de marteau, imprimé au fer rouge puis oublié mais conservé à l' intérieur de la psyché comme un corps étranger après une opération chirurgicale transmis de mère en fille et de grand-mère en petite fille, comme un.juge toujours en exercice toujours prêt à mettre en doute, à haïr et à condamner la conscience d' une femme.
Parce que je suis une femme, le pardon est piégé. Je n'ai aucune envie de devenir une petite sainte douceâtre et vertueuse et de crever d'un ulcère à l'estomac.