AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de colimasson


A partir du moment où on ne parle plus de canoë ou de bilboquet, écrit Albrecht sans l'intention de faire rire les foules, plus personne ne comprend ce qui se cache derrière le terme d'initiation. Parce que ça servirait aussi en dehors de la pétanque, oui. L'initiation : encore un truc que l'homme aurait perdu en devenant bipède. Quelques exemples d'antiques rituels initiatiques pour nous donner des points de comparaison : les initiations grecques de la cryptie spartiate ou de l'éphébie athénienne, ou bien encore l'initiation de l'adolescent crétois traversant l'expérience de l'harpagé durant deux mois dans la plus extrême solitude, sans parler des initiations qui permettent l'accession à une fonction (chaman) ou à des savoirs (mystères). le régime de l'initiation aurait progressivement disparu à partir d'une faille de rupture que Albrecht situe aux environs de 869 à la date du 4e concile de Constantinople. On se doute que le conflit larvait depuis plus longtemps et sous d'autres formes. Mais jusque-là :


« le parallélisme entre les deux triades cosmologique et anthropologique a été bon gré mal gré maintenu. le cosmos est le « Grand Homme » pourvu d'un corps, d'un coeur et d'un esprit. le « petit homme », celui que nous sommes, est structuré de la même manière. Entre les deux, il y a correspondance et possibilité de passage. Ce qui est en haut est en bas ! En vertu de la loi de similitude, qui emprunte ces passages, et beaucoup le font, est alors un initié. »


Après ça, trêve du principe d'analogie et de simultanéité, le dualisme corps-esprit mit fin à la lune de miel et on ne va pas vous refaire l'histoire parce qu'à force de se la passer en boucle, elle ne veut plus rien dire. Cependant, ce dont Albrecht et de Souzenelle vont nous entretenir, ce sont des différentes voies à travers lesquelles nous pourrions, si nous le souhaitions, repeupler nos vies et nos journées de scansions rituelles à portée initiatique.


De Souzenelle se consacre au versant théorique en revenant sur le fameux texte de la Genèse que tout le monde s'imagine connaître et en particulier sur la recommandation : tu ne mangeras pas du fruit de l'arbre de connaissance sinon tu mourras. Sale traduction, nous dit ADS. « Comme il est regrettable d'avoir traduit par « mourir » le verbe hébreu mout qui signifie « muter » ». Il faudrait donc entendre : « Mais de l'Arbre de la Connaissance de l'Accompli et du non-encore-accompli tu ne dois pas manger, car dans le jour où tu en mangeras, parce que tu es un mutant, tu muteras ». Il fallait la phrase débile pour les idiots qui mourraient en effet s'ils mangeaient du fruit de l'arbre de la connaissance. le danger disparaîtrait pour l'homme du 7e jour de la création qui aurait intégré le « féminin de son être ». Celui-ci ne mourra pas mais mutera. le texte d'ADS est un peu comme le fruit de l'arbre de la connaissance.


Albrecht nous ouvre quant à lui sur une vision pratique de l'initiation, fort de son expérience de fondateur et d'éducateur dans un centre thérapeutique pour des jeunes adultes.


« Qu'en est-il maintenant de cet enfant de notre âge moderne, de cet adolescent que nous avons été, de celui dont nous sommes aujourd'hui les parents, qui n'a certes jamais eu l'opportunité de mener ses bêtes dans le désert, puisque la mode est à l'infantilisme et à la déresponsabilisation, et encore moins la possibilité de vivre l'harpagé durant deux mois dans nos montagnes et forêts d'Occident ? Qu'en est-il de cet enfant qu'on gâte et qui se gâte dans le désoeuvrement et l'artifice de nos consommations ? C'est un enfant sans nom, donc sans futur ! Durant trente ans, j'ai recueilli ces enfants blessés, ces gosses sans nom dont les années passent mais dont l'âme ne fleurit pas. Tous, face à l'échec de l'initiation ou plutôt suite à son esquive, ont tenté la contre-initiation. L'héroïnomane a quêté la mystique, le cocaïnomane l'héroïsme, l'halluciné la vision chamanique : en vain. D'autres se sont sacrifiés, saignés, tous ont cherché une issue dans les flux du désordre, souffle, sang, sperme, drogues : en vain. Certains ont opté pour la folie, d'autres le non-sens et l'insondable déprime : en vain. »


Conclusion de l'histoire : la qualité initiatique de nos existences ne pourra que difficilement se retrouver sans une modification radicale de notre vision du monde. On aimerait bien que ça soit possible mais la vision mythique de l'univers semble trépassée depuis longtemps. Qu'on le veuille ou non, nous vivons à l'époque de l'absence des dieux. Peut-on les ressusciter par du bouche-à-bouche ? Certains continuent d'essayer. Moi aussi je souffle de temps en temps. Mais on fait sans doute tout ça pour rien ou pour éviter de regarder ce qui approche. Les pistes offertes par ADS et PYA restent toutefois inspirantes.
Commenter  J’apprécie          163



Ont apprécié cette critique (15)voir plus




{* *}