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23 janvier 2012
Bureaucratie et croisade morale

L'insécurité juridique des étrangers, la précarisation de leur condition de séjour n'est pas l'objet de ce livre. L'auteur analyse l'autre coté du miroir. Alexis Spire porte son enquête dans les coulisses des consulats, des préfectures et des services de la main d'oeuvre étrangère.« En focalisant leur attention sur la lutte contre l'immigration irrégulière, les responsables politiques sont parvenus à imposer une suspicion qui pèse sur tous les étrangers demandeurs de titres et qui s'étend à tous ceux qui hébergent, aident ou soutiennent les sans-papiers. »

Dans les bureaux, les salariés sont soumis à un conditionnement « destiné à leur inculquer une certaine vision de l'immigration plutôt qu'une connaissance des règles de droit à appliquer. »

Dans un premier temps, l'auteur étudie les types de fonctionnaires, leur qualification, leur mode de sélection et leur hiérarchie. Il souligne la barrière, l'éloignement entre ceux et celles qui accueillent et la hiérarchie sous prétexte de saleté des usagers. Cette séparation des lieux prend double sens « l'agent qui prend la décision n'entre pas en contact direct avec un l'étranger » et « la parcellisation des tâches déresponsabilise les différents agents de la chaine bureaucratique en masquant le rôle que chacun joue. »

Autre important constat : « les agents ne conçoivent pas la règle juridique comme un impératif mais plutôt comme une contrainte susceptible de nuire à l'efficacité bureaucratique. »

La seconde partie est centrée sur « l'adhésion au maintien de l'ordre ». Les supports d'identification, non limités à la nature du travail, entretiennent une « représentation du monde structurée autour de l'opposition entre nous les français et eux les étrangers. » La réforme de l'État et sa déclinaison en termes de sauvegarde du modèle social est « devenue un argument fédérateur pour l'ensemble des agents impliqués dans les activités de contrôle et d'encadrement des populations relevant de l'État social. »

Les pages autour de la lutte contre la fraude montrent qu'il n'est pas besoin de faire appel à des motivations de type raciste pour expliquer les positionnements « la découverte de la fraude équivaut à une sorte d'humiliation personnelle. »

Le chapitre suivant traite des « usages du pouvoir discrétionnaire ». Alexis Spire montre que l'arsenal législatif déployé contre l'immigration dite irrégulière « laisse de plus en plus les agents intermédiaires fixer leurs propres critères d'appréciation. » L'auteur détaille trois manière de voir : les entrepreneurs de morale, les réfractaires et les pragmatiques. Il souligne que « la socialisation longue au sein d'un même service de contrôle est en effet la plus sûre garantie d'adhésion à une culture de suspicion. »

La politique du chiffre est présentée en lien avec le développement de la répression. En conclusion l'auteur montre le lien entre inquiétude sociale et croisade morale. Cette conjonction pourrait être étendue à d'autres domaines. A juste titre la dernière phrase du livre souligne que le renforcement des pratiques de contrôle se nourrit « de la déstabilisation des agents de l'État. »

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