J'ai beau me fixer une liste pour l'année, lorsque je tombe sur un livre évoquant la Seconde Guerre mondiale, je craque systématiquement...
Si je me suis arrêtée sur
CES REVES QU'ON PIETINE de
Sébastien SPITZER, c'est que ce roman (inspiré en partie de faits réels) avait l'avantage d'évoquer la vie de Magda Goebbels, moins célèbre que son sinistre mari mais néanmoins figure de proue puissante du troisième Reich, tant elle avait l'oreille d'Hitler. Il abordait son histoire sous un angle particulier : celui de sa vie personnelle (de son enfance à sa mort). Et quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'elle avait été adoptée par Richard Friedländer... un père adoptif fort gênant puisqu'il avait la particularité encombrante d'être un juif !
Ce livre se partage donc entre plusieurs histoires :
- celle qui, au travers de différents personnages (Aimé, Judah, Fela, Ava), évoque les derniers sursauts des nazis, acculés par les bombardements subis et l'arrivée prochaine des Russes et des Américains, se lancent sur les routes (les fameuses Marches de la mort) pour, de quelque façon que ce soit, achever leurs prisonniers, issus de différents pays, mais tous ayant transité par les camps de travail ou d'extermination, et tous destinés à mourir, car juifs.
Au fil de l'avancée de cette marche et des dernières exactions commises par les nazis, on apprend qu'il est important de protéger une certaine sacoche au sein de laquelle des documents importants se doivent de parvenir au mieux à une destinataire particulière, au moins aux Alliés. C'est ainsi que plusieurs personnes en seront les dépositaires.
- celle des derniers jours des principaux dirigeants nazis planqués dans leur forteresse souterraine à Berlin et confrontés à l'arrivée imminente des Russes, au rang desquels Madga Goebbels qui trompe son angoisse et la course inéluctable du temps, en évoquant son passé et notamment sa position de fille auprès d'une mère immature, de femme auprès d'un homme volage et monstrueux, d'amie fidèle auprès du chancelier Hitler, de mère intransigeante mais néanmoins aimante auprès de ses sept enfants (dont six qu'elle n'hésitera pas néanmoins à tuer de ses mains).
Ces deux histoires s'entremêlent dans les différents chapitres, comme pour mieux montrer les destins parallèles qui se jouent dans la course du temps...
- et puis, dans une écriture en italiques et dans des chapitres séparés, le lecteur est amené à découvrir la correspondance d'un homme (qui a été raflé et dont on comprend qu'il est en camp de concentration) qui s'adresse à sa fille et qui, au seuil de la mort, exprime ses regrets face à la séparation qui a été la leur. Correspondance précieuse dès lors que l'on comprend qu'il s'agit du père adoptif de Madga Goebbels... Ces lettres comptent parmi les documents présents dans la fameuse sacoche et sont à faire parvenir à qui de droit, s'il en est encore temps ou pour faire savoir au plus grand nombre cette cruelle réalité.
Ava, petite fille orpheline, sera la dernière dépositaire de la sacoche qui, contre sa volonté, atteindra toutefois son but et révèlera son contenu par l'intermédiaire d'un personnage de photographe de guerre Lee Meyer (inspiré par la véritable photographe de guerre américaine Lee Miller). Ce sera l'occasion pour l'auteur d'évoquer la façon dont les Américains ont été confrontés à la réalité des camps, comment ils ont pris en charge les survivants et comment ils ont avancé jusqu'à Berlin.
Mais celle-ci n'arrivera pas à temps pour confronter Madga à l'amnésie de son histoire, puisque, un à un, les hauts dignitaires du régime nazi feront le choix de se suicider dans leur bunker, dont Madga et ses enfants. Ce sera l'occasion pour l'auteur d'évoquer ces quelques semaines de déni total puis de tension extrême jusqu'à la fin... et les circonstances de la découverte par les Russes des différentes personnes décédées.
Pour moi qui lit beaucoup de livres de témoignages sur la Shoah et la Seconde guerre mondiale, tout cela n'était pas très nouveau (hormis l'histoire personnelle de Magda Goebbels).
J'ai été gênée par l'évocation des jours dans le bunker, tant ce qui était raconté semblait copié/collé avec ce que j'avais lu dans une précédente lecture (J'étais Garde du corps d'Hitler de
Rochus Misch).
J'ai pensé au plagiat mais j'ose espérer qu'il ne s'agit-là que d'intertextualité particulièrement inspirée.
Néanmoins, l'écriture est particulièrement fluide et on se laisse facilement embarquer dans la dramaturgie des différentes histoires. La présence d'une postface de plusieurs pages, à la fin du roman, permet d'identifier les aspects qui relèvent de la fiction et ceux qui relèvent de la réalité (l'auteur a puisé à la source de nombreuses archives d'historiens), mais aussi les zones d'ombre restant à éclairer.
Un livre intéressant donc, car bien documenté et bien écrit, pour qui s'intéresse à cette période de l'Histoire.