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Critique de Tempsdelecture


On s'aperçoit bien vite que l'auteure a voulu dresser une sorte de comparaison des moeurs de ces trois pays en introduisant, principalement, des personnages issus chacun de ces trois cultures respectives: Oswald pour l'Angleterre, le Comte d'Erfeuil pour la France, Corinne pour l'Italie. Je dirais que la France incarnée par ce Comte, qui n'intervient qu'épisodiquement dans le récit, se pose là en tant que pays de second ordre, représentant seulement un intermédiaire entre ces deux pays si opposés que sont l'Italie et l'Angleterre. Comme le titre le laisse percevoir, de belles pages sont en effet principalement consacrées à l'Italie. L'Angleterre, quant à elle, apparaît sous un jour moins avantageux, nous le verrons ultérieurement. le Comte d'Erfeuil, donc, qu'Oswald rencontre par hasard juste avant de rentrer dans la péninsule a été conçu comme l'antithèse même de son compagnon: le jeune écossais nous est présenté comme quelqu'un de triste, très calme et réfléchi à la limite de l'austérité, le français comme un homme plutôt bavard, gai, insouciant à la limite de la frivolité. L'un représentant le rigorisme et la sobriété anglo-saxons, l'autre le badinage et la légèreté français.
Corinne ou l'Italie est aussi prétexte à l'exploration d'une Italie pittoresque, pleine de charme, où l'abondance de l'Art n'a d'égale que l'exubérance et le trop-plein de vie portés par ses habitants. C'est un choc culturel que vivra Oswald au contact de ce soleil brûlant, des rires qui emplissent les rues de la cité Romaine, de cette liberté que jouit Corinne au sein de cette société où les hommes comme les femmes vivent sur un pied d'égalité. Elle, jeune femme d'une vingtaine d'années, sans époux, profite pleinement de son mode de vie, qu'Oswald a bien du mal à comprendre et accepter. Elle, libre de fréquenter à sa guise tous ses amis hommes, sans craindre le scandale ni même les commérages, puisque la société italienne est libre d'esprit et n'est pas sujette à toute forme de jugement ou d'à-priori: les femmes sont libres de mener leur vie comme elles le souhaitent et c'est au sein de ce monde-là que Corinne s'épanouit. Cette société qui lui permet non seulement d'exercer ses talents artistiques comme elle souhaite mais d'être en plus admirée par ses pairs autant hommes que femmes. Corinne est ainsi considérée comme l'une des poétesses les plus appréciées du pays et Oswald se trouve à la fois impressionné et intimidée devant une telle personnalité, femme qui plus est. Car Corinne est aux antipodes de ce qu'est la femme anglaise et de son rôle social, qui n'a d'autres raisons d'être, Mme de Staël le décrit parfaitement, que de servir son mari.
Mme de Staël est aussi dure et critique avec la société et l'état d'esprit anglais qu'elle est complaisante et indulgente avec la culture italienne. le personnage même de Corinne m'a beaucoup surprise, elle apparaît comme une bouffée d'air frais au milieu de cette société infiniment traditionnelle et étriquée qu'est celle du XVIII siècle européen. Bien sur, il semblerait que l'Italie, qui apparaît comme le seul pays où l'artiste peut s'épanouir, est dotée d'une société à la mentalité peut-être plus souple, plus tolérante, mais est-ce vraiment opportun d'en faire une généralité sur ce peuple transalpin? Corinne est peut-être une exception à une règle sociale préétablie comme Mme Staël a été une figure à part dans cette France de fin de siècle. Femme assez libre, malgré ses mariages, elle qui a passé une grande partie de sa vie à voyager à travers l'Europe mais également à tenir des salons littéraires fait également figure de femme indépendante. Comme double de l'écrivain, en tant qu'esthète libre, le but de Corinne est de vivre à travers son art, non pas à travers un mari quel qu'il soit. Mais il semblerait que sa rencontre avec Oswald ait fait prendre aux choses un tournant différent comme si une relation amoureuse était incompatible avec l'expérience artistique. J'ai parlé plus tôt d'une bouffée d'air frais et en effet, j'avoue qu'à l'opposé totale de la Pauline de Dumas, personnage engoncé dans son rôle social d'épouse de, Corinne, personnage unique en son genre, préfigure une sorte de libération de la femme, ou au moins une amélioration de la condition féminine, dans une époque encore fortement patriarcale, ce qui n'est pas pour me déplaire.

C'est un roman qu'il faut lire en prenant son temps, tout spécialement les livres dits descriptifs, mais qui a l'avantage de présenter une figure un peu hors de son temps, mais tellement fraîche, différente et inattendue dans cette littérature de fin de siècle.

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