Je traverse la place sur la pointe des pieds, le plus silencieusement possible. Je ne m'explique pas pourquoi. Si quelqu'un est suffisamment proche pour entendre mes pas, il ou elle doit pouvoir me voir aussi. Mais les instincts primaires font fi des arguments logiques ; ils veulent se faire tout petits, muets, se recroqueviller, se faufiler dans une cachette et disparaître.
Du gibier.
L'angoisse est froide ; elle a de longs ongles.
Il ne lui ont pas encore donné de prénom, lui avait raconté Elisabet. Il va falloir qu'ils se dépêchent. La fillette a près de trois mois. Un enfant ne peut pas rester longtemps sans nom.
Le cours d'eau d'un rouge cuivré coule entre les habitations et se jette dans le petit lac auquel le village doit son nom. Silvertjarn, le lac d'argent. Peut- être était-il argenté, jadis, mais aujourd'hui il est noir et lisse comme un vieux secret.
Être réveillé par un cri, c’est comme briser un verre entre ses doigts: c’est rapide comme l’éclair et douloureux.
Les chaises de la cuisine sont d'un turquoise éclatant. Cela fait toujours sourire les gens qui leur rendent visite. C'est inattendu, tout comme le vert de la porte d'entrée. Elsa raffole de couleurs. Si elle pouvait décider, toute la maison déborderait de couleurs, du bleu, du violet, du rouge, de l'orange et du turquoise, mais ça donnerait une impression complètement dingue. Alors elle s'en est tenue à une touche ça et là.
Il est plus facile d'avoir de l'empathie pour les morts, pour des victimes de tragédies disparues depuis longtemps. Cela n'exige pas grand-chose. C'est de la compassion bon marché.
Je suis étonnée qu'elle soit touchée. Mais c'est vrai qu'elle a toujours aimé s'occuper des gens, à partir du moment où cela ne lui coûte rien. Il est plus facile d'avoir de l'empathie pour les morts, pour des victimes de tragédie disparues depuis longtemps. Cela n'exige pas grand chose. C'est de la compassion bon marché.
L'histoire de ma grand-mère. Mon histoire. Silvertjarn est à la fois mon passé et mon avenir. Je vis avec Silvertjarn depuis mon enfance, c'est Silvertjarn qui me fera connaître.
Près neuf cents personnes, disparues sans laisser de trace... personne ne sait s'ils sont vivants ou morts. Personne ne sait s'ils se sont suicidés, s'ils sont tombés malades ou s'ils sont partis volontairement. Personne ne sait pourquoi cette pauvre Birgitta Lidman a été lapidée. Et personne ne sait à qui était le nourrisson dans l'école, ni pourquoi il a été abandonné.